Voilà une mission désormais traditionnelle des forces aériennes ou aéronavales dans le monde : la patrouille maritime, ou patmar dans le jargon aéronautique. Si dans la majorité des grandes puissances militaires, européennes et nord-américaines notamment, elle est apparue durant l’entre-deux-guerres, il existe quelques exceptions notables. Parmi celles-ci figure l’Irish Air Corps dont la force de patrouille maritime célèbre cette année ses 40 ans, un comble pour une aviation militaire insulaire.

Alors que la majorité de ses alliés disposaient depuis longtemps d’une flotte de patrouille maritime, l’Irlande ne s’est doté d’une telle capacité qu’en février 1975. Pour autant, il n’était nullement question alors d’acquérir des avions d’armes ou de reconnaissance moderne.

L’idée des dirigeants irlandais est alors d’avoir recours à deux bimoteurs de transport léger De Havilland Dove, des avions alors en cours de retrait dans les rangs de l’Irish Air Corps. Les deux machines sélectionnées, porteuses des numéros de série 194 et 201, n’ont pourtant pas été modifiées.

En fait, les appareils emportaient deux opérateurs chargés de photographier « à la main » ce qu’ils repéraient et de le noter sur papier. Le cas échéant, le pilote pouvait avertir sa base par radio afin de demander une intervention.

Jusqu’en janvier 1977, ces deux avions étaient considérés comme des avions de transport adaptés à une mission de reconnaissance maritime. Ce n’est que cette année-là que la « flotte » de patrouille maritime ne fut officialisée.

L'un des deux Dove de patmar, vu dans les années 1960 alors qu'il remplissait des missions de transport.
L’un des deux Dove irlandais de patmar, vu dans les années 1960 alors qu’il remplissait des missions de transport.

Les deux Dove voyaient leurs vols limités à la surveillance des zones de pèche. Aucune mission de reconnaissance offensive, ni même de recherche et de sauvetage lointaine, les avions n’étaient pas équipés comme tels.

L’année 1977 fut également marquée par l’arrêt de la carrière des Dove dans cette mission en Irlande. Les deux avions laissant la place en mars de cette année à un unique Beechcraft King Air 200 prélevé lui aussi sur les stocks de transport de l’aviation militaire. Celui-ci portait le numéro de série 232.

Il fut suivi l’année suivante d’un second avion identique, construit lui directement pour de telles missions. Il s’agissait alors du premier « véritable » avion de reconnaissance et de patrouille maritime acquis dans ce pays. Il reçut le numéro de série 234.

Durant toutes les années 1980, ces avions volèrent en Mer d’Irlande, autant qu’en Manche ou en Atlantique nord. Non seulement, ils continuaient de surveiller les zones de pèche du pays mais en plus ils pouvaient désormais rechercher les navires en difficultés et coordonner les missions de sauvetage, en lien avec les Sikorsky S-61N civils de la garde-côtière locale.

L’année 1986 marqua cependant un tournant dans l’histoire de la jeune patmar irlandaise.

En juillet de cette année-là, en patrouille au-dessus de la Mer d’Irlande un des deux King Air 200 repéra une masse sombre en faible profondeur, visible depuis le ciel. Le pilote se mit en tête de suivre ce sous-marin, ignorant cependant sa nationalité. Par radio, il demanda l’aide d’un patrouilleur de la marine irlandaise présent dans la zone. Il faut dire que l’avion ne disposait d’aucune capacité de détection des submersibles, et encore moins de lutte contre ces bâtiments.  Une fois sur place les marins irlandais confirmèrent que leurs collègues aviateurs avaient repéré un sous-marin d’attaque soviétique en maraude dans la région.

Cet incident, au-delà de son aspect diplomatique assez fréquent en cette fin de guerre froide, mettait avant tout en lumière les graves carences de la patrouille maritime irlandaise. Il fallait donc un nouvel avion, ayant de réelles capacités de détections et de patrouille à long rayon d’action. Après avoir envisagé l’achat de deux Lockheed P-3C Orion ou de deux Bréguet Atlantic de seconde main auprès de l’US Navy et la Marine Nationale, les militaires irlandais portèrent leurs vœux sur le Casa CN-235. Cet avion était alors un nouveau venu sur le marché militaire, et personne ne l’avait encore acquis pour une telle mission. L’Irish Air Corps allait donc essuyer les plâtres.

Seulement en 1991 lors de la signature du contrat aucun avion de ce type n’existait, seul un démonstrateur technologique volait pour le compte des avionneurs Casa et Nurtanio, alors constructeurs de l’avion. C’est celui-ci qui fut rapidement repeint aux couleurs de l’IAC. Porteur du numéro de série temporaire 250, il fut rapidement affecté en remplacement du premier King Air 200.

En fait les deux machines commandées n’arrivèrent en unité qu’en 1996. La mise au point de leurs équipements fut nettement plus longue que ne l’avaient annoncés les « commerciaux » espagnols. Ces retards entrainèrent une crise politique en Irlande, et un léger refroidissement des relations diplomatiques avec l’Espagne.

Un des deux CN-235MP de l'IAC en vol de patrouille.
Un des deux CN-235MP de l’IAC en vol de patrouille.

Désormais l’Irlande disposaient de réels moyens de patrouille maritime, et même de sauvetage en mer. Ils pouvaient enfin détecter les sous-marins croisant dans leurs eaux territoriales ou s’en approchant. D’ailleurs les signalements de tels bâtiments baissèrent significativement entre 1996 et 1997. Ceux qui jadis n’hésitaient pas à violer l’espace maritime irlandais semblaient désormais y réfléchir à deux fois.

En 2008, l’avionneur européen EADS proposa une modernisation en profondeur des deux avions. Le chantier immobilisa en Espagne chacun d’entre-eux durant plusieurs semaines. Ce fut là l’occasion pour les Irlandais de revoir leurs accords sur la patrouille maritime avec leurs alliés américains, britanniques, et français. Des avions de ces trois pays réalisaient des missions de ce genre le temps que les deux CN-235 soient transformés.

Parmi les améliorations figuraient un double système anti-collision EGWPS et TCAS de deuxième génération, un FLIR rétractable ou encore un nouveau radar météo. Certaines rumeurs font état aussi du montage d’un détecteur d’anomalies magnétiques, mais cela n’a jamais été confirmé officiellement, que ce soit par l’avionneur ou les aviateurs irlandais.

Aujourd’hui la flotte de patrouille maritime de l’Irish Air Corps figure parmi les plus reconnues professionnellement en Europe, et pas uniquement pour la surveillance des zones de pèche.

Voici un petit récapitulatif des différents avions ayant participé à cette mission en Irlande.

  • De Havilland Dove, numéro de série 194, de 1975 à 1977.
  • De Havilland Dove, numéro de série 201, de 1975 à 1977.
  • Beechcraft King Air 200, numéro de série 232, de 1977 à 1991.
  • Beechcraft King Air 200, numéro de série 234, de 1978 à 1996.
  • Casa CN-235M, numéro de série 250, de 1991 à 1996.
  • Casa CN-235MP, numéro de série 252, de 1996 à nos jours.
  • Casa CN-235MP, numéro de série 253, de 1996 à nos jours.

Il est à signaler que le retrait du service des deux Casa n’est pas à l’ordre du jour en Irlande. Leur indicatif radio est Charlie 252 et Charlie 253. Il faut remarquer que certaines publications font état de l’entrée en service de ces deux machines en 1992, année officielle de leur réception par l’IAC. Mais ces publications ne prennent en pas en compte les quatre années passées dans les ateliers espagnols pour leur transformation en avions de patrouille maritime.

Photos © Irish Air Corps


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 Responses

  1. c’est bien avec les vieux pots que l’on fait la bonne soupe!!!!!!! du solide monsieur!!!!!! et toujours en bonne santé!!!!! ces braves aéronefs!!!!!!

  2. Bel avion ce Casa , il me plait bien, surtout avec ce style irlandais . Pas mal l’anecdote du sous marin et des intrusions qui diminue d’un coup .

    Y’a pas de secret pour se faire respecter ! Mais j’imagine que ce n’était pas que les russes qui le faisaient ?!

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