Quand le Hampden devînt le Hereford

Beaucoup de nos lecteurs le savent désormais l’industrie aéronautique britannique a été une des plus fécondes de l’histoire, capable de largement concurrencer son homologue américaine en terme de conception autant que de production. Souvent ses aéronefs étaient des machines originales issus des petites cellules grises des ingénieurs. Pourtant à de rares occasions ces derniers ne se fatiguèrent pas beaucoup et cela donna néanmoins des résultats, à l’image de l’étonnant bombardier moyen Handley Page HP.53 Hereford, directement dérivé du célèbre HP.52 Hampden. Retour sur une aventure technologique ratée.

Gros plan sur un des moteurs en ligne, dit « en H » du HP.53 Hereford.

Pour commencer il faut savoir qu’à la différence de la quasi totalité des avions d’armes britanniques de l’époque le HP.53 Hereford ne résultait pas d’une Specification de l’Air Ministry mais d’une opportunité du constructeur. En effet les dirigeants de Handley Page avaient réussi à négocier à très (très) bon prix un lot de 639 moteurs en ligne Napier Dagger Mk-VII d’une puissance de 955 chevaux chacun. Ceux-ci étaient justes des versions légèrement plus puissantes du moteur qui équipait alors le biplan de reconnaissance standard de la Royal Air Force de l’époque, le Hawker Hector. Et plutôt que de concevoir ab-initio un nouvel avion les ingénieurs britanniques eurent l’idée de greffer deux de ces moteurs sur un HP.52 Hampden.

Celui-ci était alors en ce début d’année 1939 bombardier moyen standard britannique, un avion sûr et disposant d’une charge de combat correcte. L’idée de le moderniser n’était donc pas pour déplaire aux généraux britanniques. Encore fallait-il que le Napier Dagger Mk-VII représente réellement une amélioration notable par rapport au Bristol Pegasus XVIII qui le motorisait alors. Et malheureusement ce ne fut pas le cas.
Les essais en vol entrepris à partir de mai 1939 démontrèrent une vitesse trop faible et un plafond trop bas chez ce nouvel avion désormais désigné HP.53 Hereford. Les équipes de Napier travaillèrent alors afin de pousser le moteur à 1000 chevaux, ce qui fit du Dagger Mk-VII un Dagger Mk-VIII. Les essais reprirent en juillet de la même année et furent jugés concluants. Un lot de 152 avions fut alors produit.

Et les premiers Hereford Mk-I de série arrivèrent très vite au sein des OTU, les Operationnal Training Unit en charge de la transformation opérationnelle des futurs pilotes, puisqu’ils entrèrent en service en mars 1940. La drôle de guerre n’était alors pas terminée.
Mais déjà deux défauts majeurs étaient régulièrement dénoncés : une consommation excessive de carburant et d’huile et un bruit assourdissant. Autant dire que le nouveau bombardier n’était pas des plus discrets ni des plus économiques.
Cependant l’avion avait une qualité par rapport au Hampden : il pouvait voler très bas. Et c’est ce qui scella le sort de près des deux tiers des 152 machines construites : elles allaient torpiller (ou tout du moins essayer) du sous-marin allemand !

En mission la charge de combat standard du Hereford Mk-I était donc de 1750kg de bombes, généralement deux torpilles, et quatre mitrailleuses de calibre 7.7mm réparties en deux positionnées à l’avant en chasse et deux autres sur affût annulaire dans la tourelle dorsale. Le poste de tir ventral existait bien mais n’était jamais utilisé, à la différence là encore du Hampden.
À l’usage le Hereford, boudé par le Coastal Command, ne s’avéra jamais être un particulièrement bon bombardier torpilleur. Pis l’avion avait mauvaise réputation ne pardonnant guère les erreurs de pilotage. De nombreux membres d’équipages et mécanos l’affublèrent même du sobriquet de «oil fountain» c’est à dire la fontaine à huile tant ses moteurs Napier Dagger Mk-VIII semblaient suinter de toutes parts.

Sur ce cliché la tourelle désarmée du HP.53 Hereford apparaît très clairement.

Finalement en janvier 1941 il fut décidé de transformer un lot de cent avions encore à peu près en état de vol en Hampden. Bye bye le moteur en ligne, hello le moteur en étoile.
Mais en l’absence de poste de tir ventral ces avions ne pouvaient pas aller bombarder les positions allemandes et furent finalement affectés à l’entraînement avancé des futurs équipages autant qu’à la formation des élèves mécaniciens.
Pour autant une unité de torpillage basée dans l’extrême nord de l’Écosse vola jusqu’en novembre 1942 sur Hereford… sans jamais détruire le moindre U-Boot. Elle fut ensuite transformée sur Bristol Beaufighter, un avion bien plus compact et adapté à cette mission.

Clairement le Handley Page HP.53 Hereford n’a pas laisser un souvenir impérissable de son passage en unité. Surtout il démontre qu’une bonne cellule avec un moteur inadapté est au final une très mauvaise idée, encore plus en temps de guerre !

Photos © Imperial War Museum


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 Responses

  1. Je ne connaissais même pas ce Hampden. Les anglais ont eu beaucoup d’avions durant la guerre finalement.

    1. Oui la production britannique a été vaste à cette période et ce dans tous les domaines.

  2. Les Hampden ont gâché quelques soirées berlinoises…avant leur « recyclage »! Cet avion fut une des plus anciennes maquettes d’Airfix , ce qui ne nous rajeunit pas! Belle silhouette, surtout en version Coastal Command.

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