Chamboulement dans le transport aérien régional au Québec

L’abandon récent d’une trentaine de dessertes régionales par Air Canada touche de plein fouet plusieurs régions du pays, particulièrement au Québec et dans la provinces de l’Atlantique. Certains prétendent que c’est une tactique d’Air Canada afin d’obtenir davantage d’aide financière des gouvernements provinciaux et fédéral en cette période de crise économique. Si fondée, cette tactique risque bien de tourner au désavantage d’Air Canada puisque les régions impactées en avaient déjà ras-le-bol de ses services déficients et hors-prix.

Bien que le domaine de l’aviation soit de juridiction fédérale au Canada, le Gouvernement du Québec a l’intention de trouver une solution définitive à ce problème récurrent. Le Premier ministre du Québec n’est pas un néophyte dans ce domaine, puisqu’il fut l’un des fondateurs d’Air Transat en 1986 qui deviendra la plus grande compagnie aérienne de vols nolisés au Canada. C’est toutefois son Ministre des transports qui a le mandat de piloter un groupe d’intervention pour trouver des solutions pour l’avenir des dessertes aériennes régionales. Cette initiative est menée en collaboration avec différents partenaires, dont la Fédération québécoise des municipalités, l’Union des municipalités du Québec, l’Association québécoise du transport aérien, l’Alliance de l’industrie touristique du Québec et les aéroports de Québec et de Montréal. Devant l’abandon de dessertes régionales par Air Canada, les autorités québécoises comptent sur la collaboration fédérale afin de faciliter l’implantation d’alternatives. Deux projets attirent déjà l’attention de ce groupe d’intervention.

La premier vient d’un transporteur privé québécois déjà spécialisé dans les dessertes aériennes régionales et le nolisement de petits avions depuis une vingtaine d’années. Pascan a bien l’intention de combler le vide laissé par Air Canada et bonifier son offre sur les destinations encore desservies par le transporteur national. Pascan caressait son projet d’expansion avant même l’arrivée du COVID-19 et entrepris de remplacer sa flotte de petits appareils BAe Jetstream 32 par de plus modernes avions Saab 340B en configuration 34 sièges.

BAe Jetstream 32

Cette transition vers l’avion d’origine suédoise va grandement améliorer le confort des passagers et la capacité d’emport. De sa base d’attache à l’aéroport de Saint-Hubert en banlieue de Montréal, Pascan offre déjà des liaisons régulières vers la ville de Québec, Bonaventure, les Îles-de-la-Madeleine, Bagotville, Mont-Joli et Sept-Îles. S’ajouteront l’aéroport international de Montréal, Fermont-Wabush ainsi que Gaspé et Baie-Comeau désertés par Air Canada. Réceptionné récemment, le premier des cinq appareils Saab 340B attendus dans un premier temps arbore la nouvelle livrée de Pascan. Partenaire de Pascan dans ce projet, l’entreprise américaine Jetstream Aviation Capital est le plus important détenteur et locateur d’avions Saab turbo-propulsés. Si requis, elle a pris engagement de livrer jusqu’à 25 appareils additionnels, dont des Saab 2000 en configuration 50 sièges. Pascan envisage donc d’étendre éventuellement son réseau vers d’autres destinations.

Saab 340B

Cette crise présente l’opportunité de faire décoller un autre projet bien différent et en gestation depuis quelques années: la Coopérative de transport régional du Québec (Treq). Dans un premier temps, les promoteurs de ce projet ont entrepris les démarches nécessaires à l’acquisition d’une flotte de cinq avions Dash 8-400 de 78 places pour livraison avant la fin de l’année. Ils ont également sécurisé deux appareils Dash 8-300 afin de desservir plus rapidement les destinations abandonnées par Air Canada. Bien que le lancement d’un nouveau transporteur aérien en période de pandémie est contre-intuitif, les promoteurs soulignent que bien des avions inactifs sont actuellement disponibles à bon prix. Ils pourront en outre puiser dans la réserve des nombreux employés et pilotes mis à pied par Air Canada et qui sont déjà familiers avec les avions Dash8. Ils misent également sur la reprise économique en cours et l’accroissement du tourisme inter-régional au Québec. Treq prévoit des liaisons à partir des aéroports internationaux de Montréal et de Québec jusqu’à Mont-Tremblant, Sherbrooke, Gatineau, Rouyn-Noranda, Charlevoix, Bagotville, Mont-Joli, Gaspé, Baie-Comeau, Sept-Îles et Fermont-Wabush.

Dash 8-400

Treq repose sur le modèle coopératif qui a déjà fait ses preuves au Québec dans divers domaines. Plutôt que la recherche effrénée du profit à court terme afin de satisfaire les actionnaires et les marchés bousiers comme le fait Air Canada, la mission d’une coopérative est avant tout d’être au service de ses membres-utilisateurs. Tout profit est réinvesti dans le fonds de roulement, l’amélioration des services et le versement de ristournes à ses membres lors de bonnes années. Une coopérative peut se contenter de simplement faire ses frais dans des périodes difficiles plutôt que réduire ses services. Treq a l’intention d’offrir des tarifs raisonnables afin d’augmenter l’achalandage, d’où le pari de recourir au Dash 8-400. Tous les Québécois qui le désirent pourront devenir membres de Treq en achetant une part sociale. Ce modèle d’affaires a également l’avantage de mettre la coopérative à l’abri de toute tentative de prise de contrôle par le secteur privé. Reste à trouver un nom pour ce nouveau transporteur (pourquoi pas Québecair ?) et les fonds nécessaires à son démarrage. Sur les 8,5 millions de citoyens québécois, il devrait y avoir suffisamment d’intéressés à devenir propriétaires de leur propre transporteur aérien.

Le marché sera-t-il suffisant pour ces deux transporteurs aériens qui veulent, chacun à leur façon, s’attaquer au quasi-monopole d’Air Canada sur les dessertes régionales au Québec ? L’avenir le dira. Chose certaine, nous sommes à l’aube d’un chamboulement dans le ciel du Québec.


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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

3 Responses

  1. Vu de France le cas d’Air Canada a l’air d’un beau foutoir. Ne serait t-il pas préférable pour les dessertes à l’intérieur des provinces d’avoir recours à des trains types TGV ou ICE ? Si vraiment Air Canada est à ce point détestable il faut changer de compagnie nationale.
    En tous cas c’est clair que pour moi pour aller au Canada ça sera Air France ou une compagnie américaine et sûrement pas Air Canada.

    1. Air Canada offre de bons services sur les vols internationaux et transcontinentaux. Là où ça se gâte, c’est au niveau des vols régionaux, soit hors des grands centres urbains. Il y a bien le rêve d’un TGV dans le corridor Québec-Montréal-Ottawa-Toronto-Windsor où il y a une densité de population pouvant justifier un tel investissement. Mais cela ne règlerait en rien la desserte des régions éloignées moins densément peuplées où l’avion demeure le seul moyen de transport rapide.

    2. J’ai volé avec plusieurs transporteurs américains et cela n’a jamais été une expérience agréable. Air Canada demeure une meilleure alternative. Personnellement, je garde d’excellents souvenirs de mes vols sur Lufthansa.

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