Durant l’entre-deux-guerres la France chercha à doter l’Aéronautique Militaire d’avions spécifiquement pensés pour ses colonies, notamment africaines. Pour être parfaitement honnête cela ne déboucha généralement pas sur grand-chose de très réussi les crédits alloués étant plus faibles dans la très grande majorité des cas que pour les aéronefs dédiés aux opérations métropolitaines. Cependant quelques machines réussirent à sortir du lot, à l’image d’un trimoteur de transport léger et d’évacuation sanitaire : le Romano R-160.
C’est sur fonds propres que les ingénieurs André Auniac et Étienne Romano, les deux dirigeants des Chantiers Aéronavals Étienne Romano, proposèrent en juillet 1932 au ministère de l’Air de développer un nouveau modèle d’avion de transport léger et de liaisons destinés à l’AFN et à l’AOF, respectivement l’Afrique Française du Nord et l’Afrique Occidentale Française. L’avionneur n’en étant pas à son coup d’essais, ayant déjà proposé son R-6 au programme de février 1930, un feu vert à son développement fut donné.
Ne recevant cependant pas un centime de l’état les ingénieurs Auniac et Romano durent faire ce qu’ils pouvaient afin de réduire au maximum les coups de production du prototype. Celui-ci reçut la désignation de Romano R-16. Dans leurs ateliers du quartier cannois de La Bocca les cerveaux s’activaient. Etienne Romano eut alors une idée géniale : reprendre ce qui avait marché sur le R-6 et innover pour le reste. Les deux avions allaient donc partager un fuselage et un train d’atterrissage communs ainsi qu’une motorisation très similaire.
Au final quand le prototypage du R-16 fut terminée celui-ci possédait environ 50% d’éléments identiques ou quasi identiques avec le R-6.
Extérieurement le Romano R-16 n’avait rien de révolutionnaire. Il reprenait les grands codes de l’époque en matière d’avions de transport militaire français. Il s’agissait d’un trimoteur de construction académique en bois, contreplaqué, et métal disposant d’un train d’atterrissage classique caréné. Son aile haute droite soutenait deux des trois moteurs à neuf cylindres en étoile Lorraine Algol 9N d’une puissance unitaire de chevaux. Chacun entraînait une hélice bipale en métal. Si le poste de pilotage avait été pensé pour deux membres d’équipage la cabine de son côté accueillait huit passagers ou trois blessés sur civière et une infirmière.
Le R-16 réalisa son premier vol en février 1933.
Assez rapidement les militaires de la toute nouvelle Armée de l’Air (créée à l’été 1934) se montrèrent enthousiastes vis-à-vis de ce nouvel avion. Cependant ils demandèrent à André Auniac et Étienne Romano de revoir leur copie. Les deux ingénieurs devaient gommer la capacité d’évacuation sanitaire de l’avion et lui en octroyer une de transport léger de fret. Une version de transport d’état-major était également souhaitée. Ils présentèrent les résultats de leurs travaux au début de l’année 1935 et deux commandes distinctes furent passées. La première concernait deux R-161 destiné à accueillir six officiers supérieurs et officiers généraux dans un confort accru et la seconde s’articulait autour de cinq R-162 de transport tactique léger. La priorité fut donnée à celle-ci.
Dans le même temps le prototype fut accepté au service par l’Armée de l’Air qui l’affecta à la 5ème Région Aérienne d’Afrique Française du Nord à Gabès sur la côte orientale de l’actuelle Tunisie. Le R-16 devint alors le R-160. Ironie de l’Histoire c’est sur cette même base qu’allait disparaitre, dans un atterrissage raté, quelques mois plus tard le prototype du Romano R-6. En attendant les aviateurs français ne tarissaient pas d’éloge pour ce R-160 qu’ils jugeaient parfaitement adaptés aux exigences coloniales.
En métropole c’était une toute autre histoire. L’Armée de l’Air privilégia le programme d’acquisition des cinq R-162 et annula celui des deux R-161 jugés trop chers. Et cela n’allait pas s’arranger. Alors que les officiers stationnés en Tunisie pressaient leur état-major parisien d’envoyer de nouveaux avions les crédits alloués à leur construction commençaient à manquer. Le Romano R-162 n’avait pas bonne presse. Des parlementaires voyaient en lui un nouveau scandale d’état, une spécialité dans cette IIIème République des années 1930.
Finalement à l’été 1937 le programme d’acquisition fut stoppé net en même temps que Romano était nationalisé au sein de la toute nouvelle SNCASE. Trois des cinq R-162 étaient prêts à être livrés. Ils furent directement envoyés à la casse.
L’abandon du programme obligea les militaires français des colonies tunisiennes à renvoyer en métropole le Romano R-160. Administrativement parlant il n’avait plus rien à faire là. Et ce malgré le fait qu’il y était apprécié. Retour à La Bocca donc où il fut réaménagé comme simple avion de liaisons et de transport de courrier avant de prendre le chemin de la région parisienne. Affecté à Villacoublay il allait mener des missions de servitudes et notamment de vaguemestre. Il y était encore basé quand la France déclara la guerre à l’Allemagne nazie à l’été 1939. Le R-160 a terminé la guerre dans un coin de la base francilienne et a été ferraillé durant l’Occupation.
Bien que simple prototype d’avion de transport et de liaisons le Romano R-160 eut finalement une carrière riche. Particularité notable il la mena en permanence avec une livrée militaire et son immatriculation provisoire française F-AKGE. De nos jours il ne reste plus rien de l’ultime avion conçu et assemblé par les Chantiers Aéronavals Étienne Romano.
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