Aérospatiale AS.351

C’est le chouchou de la plupart des employés de l’usine Airbus Helicopters de Marignane dans les Bouches-du-Rhône. Il fait aussi la curiosité de ses visiteurs qui le découvre perché au-dessus de l’entrée des piétons et des véhicules. Alors qu’au début des années 2020 l’hélicoptériste européen l’a repeint à ses couleurs, pouvant laisser supposer qu’il s’agissait là d’un de ses prototypes récents cet appareil est beaucoup plus ancien qu’il n’y paraît. Voici l’histoire de l’Aérospatiale AS.351.

C’est en 1984 que l’ingénieur français René Mouille, inventeur du Fenestron, eut l’idée d’en greffer un sur l’hélicoptère qui était déjà le best-seller d’Aérospatiale : l’AS.350B Écureuil. Cependant si l’idée pouvait sembler géniale elle nécessitait des aménagements lourds sur la cellule de l’appareil. Étudié afin de remplacer les Alouette II et Alouette III l’Écureuil avait été pensé dès le départ comme rustique et bon marché. L’adoption d’un rotor anticouple caréné comme le Fenestron le faisait désormais entrer dans une toute autre dimension.

René Mouille eut le feu vert de la direction de l’hélicoptériste. L’AS.350B1 numéro 1013 fut prélevé sur les chaînes d’assemblage et renvoyé en atelier. On parla dès lors de l’AS.350Z. Les designers et ingénieurs français durent revoir en profondeur leur copie. La turbine Arriel 1D d’origine d’une puissance de 625 chevaux fut déposée et remplacée par une TM333 également conçue et produite par Turboméca. Cette nouvelle motorisation développait 755 chevaux. En parallèle le choix du modèle de Fenestron retenu était essentiel. Certains optèrent pour celui de l’Aérospatiale SA.342 Gazelle, le modèle le plus construit à cette époque, et d’autres pour celui de l’AS.365 Dauphin 2. Finalement l’AS.350Z allait posséder son propre type.

Outre le changement de motorisation l’adjonction d’un Fenestron à l’Écureuil obligea René Mouille et ses équipes à repenser une grande partie de l’hélicoptère. L’AS.350Z fut ainsi doté d’une nouvelle poutre de queue, moins fine que sur les modèles de série AS.350B, tandis que le capot de la turbine fut lui aussi redessiné. Le prototype ainsi reconstruit sortit d’atelier à l’automne 1986. Sous l’immatriculation temporaire française F-WYMZ il tenta un premier vol le 16 décembre de la même année, avorté au bout de cinq minutes en raisons de conditions météos trop mauvaises.

Finalement les conditions furent jugées parfaites au début de l’année suivante. Et le 6 février 1987 le pilote d’essais Pierre Loranchet réalisa le véritable premier vol de l’Aérospatiale AS.350Z. Celui-ci se déroula sans grande difficulté, l’hélicoptère répondant parfaitement bien et proposant même un confort de pilotage indéniable. Le retour d’expérience de la campagne de tests permit d’apporter quelques améliorations à l’hélicoptère comme par exemple des stabilisateurs horizontaux simplifiés ou encore des patins d’atterrissage renforcés.

Dans l’optique de lui donner une version construite en série l’AS.350Z devint à l’été 1988 l’AS.351. Les essais allaient bon train tandis que son concepteur, René Mouille, prenait une retraite bien méritée. Aérospatiale travaillait alors à l’idée de le présenter en 1989 au Salon du Bourget dans le cadre de sa future fusion avec l’entreprise allemande Messerschmitt-Bölkow-Blohm GmbH en vue de donner naissance au géant Eurocopter. Cependant le nouveau partenaire n’accrochait pas du tout à l’idée de cet Écureuil haut de gamme doté d’un Fenestron, lequel entrerait forcément en compétition avec son Bö 108 alors en phase finale de développement. La mort dans l’âme les dirigeants d’Aérospatiale durent ronger leur frein et accepter que l’AS.351 ne dépasse pas le stade expérimental.

Pourtant les ingénieurs qui avaient travaillé sous la direction de René Mouille savaient pertinemment que ce modèle de Fenestron était viable. Ils le redessinèrent quelque peu et le proposèrent aux dirigeants du nouveau groupe franco-allemands qui l’adoptèrent sur la version de série du Bö 108, devenu Eurocopter EC-135. Surtout ils continuaient d’avoir en tête l’idée de développer un Écureuil haut de gamme doté d’un rotor anticouple caréné. Cela eut lieu dans les années 1990 avec l’AS.350B4 commercialisé comme EC-130.

Officiellement c’est en 1990 que l’Aérospatiale AS.351 cessa ses essais en vol. Cependant plusieurs sources indiquent encore quelques vols épars durant le premier semestre 1991, principalement afin de former les pilotes allemands au maniement d’un hélicoptère sous Fenestron. Véritable symbole d’Aérospatiale cet équipement se retrouve désormais sur les productions les plus récentes d’Airbus Helicopters, à l’image des ultramodernes H140 et H160. En surplomb de l’entrée de l’usine de Marignane l’AS.351 est assuré de ne jamais finir à la casse.