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Durant la seconde guerre mondiale, près de 3 200 Avro Anson et 430 Avro Lancaster sortirent des installations de Victory Aircraft situées à Malton en Ontario. En 1945, le gouvernement canadien privatisa ces usines au profit de l’entreprise A.V. Roe Canada Ltd qui chercha de nouvelles opportunités d’affaires.
Mieux connu sous le nom d’Avro Canada, l’avionneur signa en 1946 une entente avec Trans-Canada Air Lines (TCA) visant le développement d’un nouvel avion civil qui permettrait de réduire significativement le temps de vol entre les destinations nord-américaines desservies par ce transporteur. Cet avion de moyen courrier devait remplacer les Douglas DC-3 alors utilisés par TCA. Le gouvernement canadien s’impliqua dans ce projet en devenant le principal bailleur de fonds.
Dès le départ, Avro Canada et TCA prirent la décision audacieuse de concevoir un avion à réaction dont la motorisation serait assurée par deux Rolls-Royce AJ-65 Avon alors en développement en Grande-Bretagne. Quand il devint clair que ce nouveau turboréacteur axial ne serait pas disponible pour les premiers prototypes de l’avion désigné C-102, Avro Canada se tourna vers des Rolls-Royce Derwent beaucoup moins puissants, mais disponibles. Cela retarda le développement du C-102, puisque la structure centrale de l’appareil et les ailes furent reconfigurées pour accueillir quatre moteurs plutôt que deux. Avro Canada fut également contraint de repenser totalement la conception des trains d’atterrissage rétractables. Outre la vitesse, le confort des passagers était au cœur des préoccupations des concepteurs. À cet égard, le cabine du C-102 était pressurisée et insonorisée. Aussi, bien que les capacités de l’appareil aurait permis jusqu’à 80 passagers, des configurations de 30 à 50 sièges furent privilégiées.
Le premier vol du C-102, nommé Jetliner, eut lieu en août 1949. Aspirant au titre de premier avion de transport à réaction au monde, le Jetliner se fit coiffer de seulement treize jours par le De Havilland 106 Comet britannique. Avro Canada devança toutefois Boeing par près de trois ans pour ce qui est du premier avion commercial à réaction conçu et fabriqué en Amérique du Nord.
Le programme d’essais du C-102 fut assez concluant pour entreprendre une série de vols de démonstration. En avril 1950, le Jetliner fit un vol très publicisé en reliant Toronto et New-York en 58 minutes, coupant de moitié le précédent record de vitesse. Ce vol fut également la première livraison de courrier postal au monde réalisé par un avion à réaction. L’équipage du Jetliner eut même droit au traditionnel «Ticker Tape Parade» dans les rues de Manhattan soulignant les grands évènements. Les prouesses du Jetliner attirèrent l’attention d’un certain nombre de compagnies aériennes américaines, mais aussi des militaires américains et canadiens. En 1950 et 1951, le C-102 effectua divers essais pour le compte du Royal Canadian Air Force (RCAF) ainsi que pour l’U.S. Air Force (USAF) qui octroya des budgets pour l’achat d’une vingtaine de C-102 destinés à l’entraînement de ses pilotes de bombardiers stratégiques.
Côté civil, les compagnies américaines National Airlines et Trans World Airlines (TWA) se montrèrent également intéressées à acquérir un certain nombre de Jetliner. À l’inverse, TCA se désintéressa du Jetliner, préoccupé du fait qu’Avro Canada ne pouvait plus garantir le prix de vente fixé dans l’entente, ni l’accès aux moteurs Rolls-Royce Avon initialement prévus. L’entrée en service des Canadair North Star chez TCA permettait par ailleurs au transporteur de gagner quelques années afin d’envisager d’autres options davantage rentables. Le choix de TCA se porta finalement sur le turbopropulseur Vickers Viscount en 1955.
Au même moment, Avro Canada menait de front des programmes militaires majeurs, soit le développement du turboréacteur Orenda ainsi que de l’intercepteur tout temps CF-100 Canuck. Face aux délais de livraison du Canuck, et en pleine psychose de la menace communiste exacerbée par la guerre de Corée, le gouvernement canadien ordonna à Avro Canada de cesser ses travaux sur le Jetliner pour se concentrer uniquement sur ces programmes militaires.
Principal actionnaire de TWA, l’énigmatique Howard Hugues fit personnellement l’essai du Jetliner et fut séduit par l’appareil. Il voulut acquérir 30 d’exemplaires du C-102 pour TWA, mais Avro Canada fut contraint de refuser. Howard Hugues tenta alors de faire fabriquer, sous licence, le Jetliner aux États-Unis. L’avionneur Convair se montra intéressé, mais le gouvernement américain, également préoccupé par la course aux armements avec les soviétiques, ordonna à l’entreprise de se concentrer sur ses contrats militaires.
Le deuxième prototype du C-102, dont la construction était pratiquement terminée, fut mis à la ferraille en 1951. Le seul Jetliner en état de vol fut relégué à des tâches diverses, dont la prise de photographies aériennes dans le cadre des essais du CF-100 Canuck. L’appareil fut démantelé en 1956 et seule la section avant du fuselage est aujourd’hui conservée au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
Beaucoup attribuent l’invention du «jet» de transport régional à Bombardier avec le premier vol du CRJ en 1991. Cette distinction revient toutefois au C-102 Jetliner, un avion bien en avance sur son temps mais victime à la fois de la guerre froide et du conflit coréen. Le nom «Jetliner» résonne toutefois encore de nos jours, puisqu’il vint à désigner l’ensemble des avions de ligne à réaction.
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