Bristol Type 148

Au lendemain de la Première Guerre mondiale les stratèges britanniques développèrent une doctrine d’emploi propre à des avions capables de mener à la fois des missions de reconnaissance armée, de réglage des tirs d’artillerie, voire d’attaque légère. Les fameux avions de coopération terrestre étaient nés, ils allaient entrer dans la légende des airs durant le conflit mondial. Aux premiers biplans succédèrent rapidement les monoplans à aile haute qui permettaient une meilleure mise en œuvre des fonctions de l’avion. Pourtant quelques ratés existèrent dans le développement de ces aéronefs dont le plus surprenant est sans nul doute le monoplan Bristol Type 148.

Au début de l’année 1934 les missions de coopération terrestre revenaient dans la Royal Air Force à trois modèles différents de biplans : de vieux Armstrong Whitworth Atlas mais aussi de plus récents Hawker Audax et Hector. L’Air Ministry voulut y mettre bon ordre. Il établit donc la Specification 34/39 relative à un unique modèle monoplan disposant d’un moteur en étoile d’une puissance minimale de 825 chevaux. Seuls les constructeurs britanniques étaient autorisés à participer à la compétition.
Le programme prévoyait une construction en série d’au moins cent trente exemplaires.

Contre toutes attentes les avionneurs ne se bousculèrent pas au portillon. La direction de l’avionneur Fairey envisagea bien un temps de proposer une version à moteur en étoile du bombardier léger Battle alors en cours de développement mais dut jeter l’éponge quand ses designers et ingénieurs annoncèrent qu’une telle idée était juste inenvisageable.
De ce fait seuls deux avionneurs s’affrontèrent au final : Bristol et Westland.
Quand le premier proposait un monoplan à aile basse cantilever le second avançait un avion à aile haute.

En fait le Bristol Type 148 tirait en partie ses origines d’un chasseur monoplace léger alors également encore au stade expérimental : le Type 146. C’est l’ingénieur en chef et ancien pilote Frank Barnwell qui dirigeait les études des deux modèles. L’homme avait déjà à son actif le succès des chasseurs F.2B Fighter et Bulldog.
Pour répondre à la Specification 34/39 il ne voulut pas réitérer les erreurs des biplans Type 118 et Type 120 jugés quelques années plus tôt comme trop académiques par la Royal Air Force. C’est pour cela qu’il calqua son futur Type 148 sur le chasseur léger.

Extérieurement son avion de coopération se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse de construction mixte en bois entoilé et métal. Il était animé par un Bristol Mercury Mk-IX à neuf cylindres en étoile d’une puissance de 840 chevaux et entraînant une hélice tripale en métal. Le Bristol Type 148 disposait d’un train d’atterrissage classique escamotable et d’une roulette de queue carênée orientable. Le pilote et l’observateur prenaient place dans un cockpit biplace en tandem fermé et largement vitré. L’armement se résumait à deux mitrailleuses Browning de calibre 7.7 millimètres installées dans les ailes en position de chasse. Aucune charge de bombe ne fut alors pensée.
C’est le 15 octobre 1937 que ce prototype réalisa son premier vol. Il portait le serial militaire britannique K6551. Son concurrent de chez Westland avait alors déjà volé depuis plus d’un an, et ce malgré une architecture nettement plus originale et audacieuse.

Les pilotes d’essais de la Royal Air Force ne furent nullement impressionnés. Certes le Type 148 était assez manœuvrable mais son armement était considéré comme bien trop léger, avec aucune possibilité de se défendre contre d’éventuels assaillant, pas plus que la présence de bombes légères pourtant demandée par l’Air Ministry. Frank Barnwell obtint de ce dernier qu’il finance le développement d’un second prototype, cette fois désigné Type 148B.
Codé K6552 ce second avion avait été repensé pour emporter une mitrailleuse mobile Lewis là encore de calibre 7.7 millimètres mais toujours aucune charge de bombes. En fait les ingénieurs travaillant pour Barnwell ne réussirent jamais à s’accorder sur les munitions en question ni sur leur emplacement entre la voilure et le fuselage. La motorisation fut elle aussi profondément revue puisque le moteur d’origine laissa place à un Bristol Taurus Mk-II d’une puissance de 1050 chevaux, entraînant toujours une hélice tripale en métal. Son fuselage faisait en outre appel à des feuilles de métal en lieu et place du contreplaqué. Pour le reste l’avion n’avait pas changé d’un pouce. Les essais en vol débutés en mai 1938 démontrèrent que cette fois l’avion était surmotorisé mais que son champs de vision vers le bas était toujours aussi mauvais. À l’été de la même année la RAF rendit son jugement : le Bristol Type 148 ne serait jamais commandé en série.

Objectivement cet avion ne tenait pas une minute la comparaison avec son concurrent, le Westland Lysander. Pire les pilotes de la Royal Air Force estimèrent que le Bristol Type 148, dans ses deux versions, était inférieur au Hawker Hector qu’il aurait dû pouvoir remplacer.
Malgré ce cuisant échec Frank Barnwell réalisa quelques mois plus tard celui qui demeure sans doute comme le plus célèbre avion de Bristol : le bombardier léger et chasseur de nuit Blenheim. De nos jours il ne reste plus rien des deux Bristol Type 148.