On croit souvent en France que l’avionneur Dassault n’a conçu que des avions construits en série. Il n’y a rien de plus faux. Comme tous les constructeurs il a lui aussi connu des aéronefs n’ayant pas dépassés le stade expérimental, pour divers raisons. Les années 1950 furent notamment propices à ce genre de machines avec parmi les plus emblématiques le très élégant Étendard II.
En 1953 le ministère de la Défense Nationale émet une fiche programme concernant un chasseur biréacteur léger apte aux missions d’attaque au sol. Il s’agit là d’un retour d’expérience des unités de l’Armée de l’Air engagées alors en Indochine dans une guerre de décolonisation. La Marine Nationale se dit alors elle aussi intéressée par l’avion. Dans un souci de souveraineté le gouvernement de René Mayer exclut les constructeurs américains et britanniques de la compétition. Celle-ci se jouera alors entre Breguet et Dassault. Les constructeurs nationalisés en 1936 n’y participent pas.
Le premier propose son Br.1100, une version biréacteur du Br.1001 Taon développée dans le cadre d’un programme de l’OTAN. Le second avance un avion totalement nouveau appelé Mystère XXII. Les ingénieurs de Saint-Cloud ont pris le concept de chasseur biréacteur léger au pied de la lettre, les premières esquisses laissent à deviner que leur avion sera vraiment très compact. Particularité notables les deux avions possèdent les mêmes turboréacteurs, des Turboméca Gabizo.
Extérieurement le Dassault Mystère XXII est un avion de combat construit intégralement en métal. Doté d’une voilure basse en flèche il possède un nez pointu, assez rare à l’époque sur les avions de conception française qui disposent encore d’un entrée d’air à l’avant du cockpit. Le Mystère XXII intègre dans son fuselage les deux réacteurs Gabizo installés côte à côte et dont la sortie se trouve sous l’empennage cruciforme. L’armement interne s’articule autour de deux canons mitrailleurs DEFA de calibre 30 millimètres situés en intrados de fuselage. Une charge externe d’une tonne et demi est prévue, constituée de bombes lisses et de roquettes en paniers. Le pilote prend place dans un petit cockpit largement vitré.
Deux prototypes sont commandés à l’automne 1954.
Le programme Mystère XXII est alors considéré comme prioritaire par l’Armée de l’Air qui entend en faire l’avion qui remplacera les Sud-Est SE-535 Mistral, la version française du De Havilland D.H.100 Vampire britannique. En mai 1956 le premier prototype commence ses essais de roulage depuis le centre d’essais de Melun Villaroche. C’est à ce moment là que Dassault décide de modifier le nom de l’avion. Le Mystère XXII disparait, l’Étendard II est né. Ce changement de patronyme est choisi à la fois pour marquer l’aspect souveraineté du jet mais aussi une rupture nette. Le fait qu’il s’agisse d’un pointu à aile en flèche fait de lui autre chose qu’un simple Mystère et même qu’un Mystère Delta.
C’est donc comme Dassault Étendard II qu’il réalise son premier vol le 23 juillet 1956 entre les mains du pilotes d’essais Paul Boudier. Et dès ce vol inaugural l’avion déçoit. Cependant cela n’a rien à voir avec sa conception. Les ingénieurs clodoaldiens ont réalisé un avion très pur, sans doute même une des plus belles réalisations européennes de l’époque. Ce sont les turboréacteurs Turboméca Gabizo qui le gâchent. Ils auraient du développé chacun 1000 kilogrammes de poussée mais se limitent à 940 seulement. Dassault table alors sur Hispano-Suiza et sur la SNECMA pour y remédier au travers de leurs respectifs R-800 et R-105 alors en phase finale de mise au point.
Ces essais en vol désastreux font que la Marine Nationale se désintéressent d’une version navalisée de l’Étendard II. En attendant mieux l’aéronavale conservera ses Sud-Est SE.202 Aquilon. Le ministère de la Défense Nationale fait alors tout pour que l’Armée de l’Air annule le programme de chasseur léger biréacteur. Cela a lieu à la fin de l’année 1956. L’Étendard II n’a plus de raison d’exister, Dassault stoppe son développement alors même que le deuxième prototype est presque totalement assemblé.
Premier avion de sa famille le Dassault Étendard II n’a pourtant pas directement donné naissance à l’Étendard IV. Les deux avions ont une paternité proche. Nonobstant quand on regarde un Super Étendard il y a clairement un petit quelque chose de ce… Mystère XXII.
Si on ignore le sort exact de l’avion son poste de pilotage a été un temps exposé au musée de Savigny-lès-Beaune sous une étonnante peinture bleu ciel.
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