De nos jours quand des bombardiers stratégiques russes Tupolev Tu-160 Blackjack sont accompagnés au-dessus de la Mer du Nord par des chasseurs à long rayon d’action Sukhoi Su-35 Flanker-E cela ne surprend pas grand-monde, et surtout pas les stratèges de l’OTAN. L’escorte de bombardiers et d’avions de reconnaissance est une technique aéronautique connue de longue date. Durant la Seconde Guerre mondiale c’était le rôle des North American P-51D Mustang de l’US Army Air Force au profit des Consolidated B-24 Liberator. Ce que peu savent pourtant c’est que c’est durant le conflit précédent que cette mission naquit, aussi bien dans un camp que dans l’autre. En Allemagne l’avion précurseur fut le biplan biplace Halberstadt CL.II.
C’est au début de l’année 1917 que l’Inspektion der Fliegertruppen, ou Idflieg, demanda à plusieurs avionneur de réfléchir à un chasseur biplace d’escorte capable d’accompagner les vagues de bombardiers lourds Friedrichshafen G.III et Gotha G.IV au-dessus des lignes françaises et britanniques. Le futur appareil devait avoir un rayon d’action lui permettant de traverser la Manche, à condition bien sûr d’éviter la DCA de la Triple Entente.
Sept constructeurs proposèrent des avant-projets mais seuls quatre furent retenus : BFW, Junkers, Halberstadt, et Hannover. Devant l’urgence de la situation il fut décidé de commander immédiatement un prototype de chaque avion pour les besoins de la Luftstreitkräfte.
Le programme de Halberstadt reposait sur un concept original et assez économique : produire un biplace en tandem ayant les dimensions d’un monoplace. Ainsi l’avion pouvait permettre une meilleure communication entre le pilote et son servant de mitrailleuse tout en réduisant les coûts de production. Pour sa motorisation c’est le Mercedes D.II à six cylindres en ligne d’une puissance unitaire de 150 chevaux qui fut choisi. Il entraînait une hélice bipale en bois. L’armement se composait de deux mitrailleuses de calibre 7.92 millimètres, l’une synchronisée en position de chasse et l’autre montée sur affût annulaire arrière. Pour le reste l’appareil était très classique. Il s’agissait d’un biplan entoilé construit en bois et doté d’un train classique fixe. Sa voilure était d’envergure égale.
Ainsi naquit le Halberstadt CL.II. Il réalisa son premier vol en mai 1917.
La Luftstreitkräfte passa commande pour un second prototype qui vola trois semaines plus tard avec un moteur Mercedes D.III de dix chevaux plus puissant. Cette fois le Halberstadt CL.II réussit ses tests et fut immédiatement commandé en série à hauteur de 800 exemplaires.
Les premiers exemplaires de série entrèrent en service en juillet 1917 et furent envoyés en France, sur le front de la Somme. L’une de leurs premières missions fut l’accompagnement de bombardiers quadrimoteurs Zeppelin-Staaken R.VI en opérations au-dessus de la commune d’Abbeville. Deux des trois bombardiers lourds furent abattus par la DCA ainsi qu’un CL.II. L’état-major de la Luftstreitkräfte comprit alors l’intérêt de doter ses chasseurs d’escorte d’une capacité d’attaque au sol. Cinq bombes à fragmentations de 10 kilos chacune furent installées sous le fuselage du biplan.
Dès le mois d’août 1917 les Halberstadt CL.II allemands furent employés seuls, sans bombardiers à leurs côtés. Ciblant deux ponts sur la Somme, entre Abbeville et Amiens, dont celui de la commune de Pont-Remy, les biplans mitraillèrent les troupes britanniques et lancèrent leurs bombes aux abords des édifices. Le pont de Pont-Remy fut ainsi capturé par les troupes allemandes, avant d’être repris quelques jours plus tard par les troupes franco-britanniques. Le pont sur la Somme résista à tous les assauts.
Quelques semaines plus tard en novembre de la même année les armées allemandes et austro-hongroises durent faire face à une offensive mécanisée britannique autour de la ville de Cambrai. Les services de renseignement allemands ayant reçu des informations selon lesquelles des chars britanniques, les fameux tanks, étaient regroupés autour du bois de Havrincourt des bombardiers lourds Gotha G.IV furent déployés appuyés par des Halberstadt CL.II. Au petit matin ils frappèrent la zone où évidemment aucun char ne se trouvaient, ils faisaient déjà route vers Cambrai. Les avions allemands détruisirent un bivouac britannique, tuant une trentaine de combattants.
Devant l’importance des moyens de DCA et de la défense aérienne de la Manche jamais les Halberstadt CL.II ne réussirent à la franchir. Le gros de leurs opérations se déroula au-dessus de la Belgique et de la France.
Il est à signaler que début 1918 est apparu le Halberstadt CL.IIa doté d’un moteur à six cylindres en ligne BMW IIIa d’une puissance de 185 chevaux. Il actionnait une hélice quadripale en bois. Une trentaine d’exemplaires seulement fut produite, Fokker étant prioritaire pour ce moteur au travers de son avion de reconnaissance C.I. Une soixantaine de CL.II supplémentaire fut commandée, l’avion étant particulièrement apprécié de l’état-major allemand. Les CL.IIa de leur côté furent principalement utilisés pour harceler les tranchées britanniques et françaises.
Malgré une réussite technique incontestable le Halberstadt CL.II ne remporta qu’une vingtaine de victoires aériennes pour environ 900 exemplaires construits. Parmi les avions abattus on comptait notamment un Sopwith Camel et un SPAD S.VII, deux des meilleurs modèles de chasseurs monoplaces de la guerre 14/18.
Au lendemain de l’Armistice quelques Halberstadt CL.II furent versés aux aviations militaires lituaniennes et polonaises, au titre des réparations de guerre. Ils y servirent jusqu’au milieu des années 1920.
Avec le Hannover CL.II le Halberstadt CL.II fut le seul véritable chasseur-bombardier d’escorte réussi dans l’Allemagne de la Première Guerre mondiale. De nos jours un seul exemplaire est préservé, au musée aéronautique de Cracovie en Pologne.
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