À l’aube de la Première Guerre mondiale l’industrie aéronautique n’existait pas encore. La construction des aéroplanes était encore totalement artisanale, avec des machines produites à la demande et construites en très petite série. Le conflit allait permettre de véritablement révolutionner cela et de faire apparaître les grandes séries, celles dépassant d’abord les cinquante exemplaires, puis les cent, les deux cents, et enfin dépassant le millier de machines produites. Un des premiers avions ayant atteint ce score fut le chasseur biplan britannique Royal Aircraft Factory FE.2.
C’est pourtant bien avant la guerre que l’étude de cet avion débuta. En 1911 l’affrontement entre les grandes puissances européennes n’était encore que très hypothétique et l’aviation militaire peinait à exister ailleurs que dans l’esprit de certains visionnaires. Pour le Royal Aircraft Factory commanda à l’ingénieur Geoffrey De Havilland un avion dérivé de son FE.1 apparu l’année précédente et essayé en vol durant quelques semaines.
Comme sa désignation FE, pour Farman Experimental, le laissait supposer le FE.1 dérivait des travaux de l’aviateur et ingénieur français Henri Farman et de son célèbre Farman Type III daté de 1909.
L’avionneur Royal Aircraft Factory était la première société publique au monde destinée au développement et à la productions d’aéronefs. Aussi les militaires n’étaient jamais loin de leurs programmes. La Royal Army s’intéressait en effet de près à ces appareils afin d’en faire, comme en France, des postes d’observation en remplacement des montgolfières.
Le nouvel avion prit logiquement la désignation de R.A.F. FE.2. Il reprenait donc l’architecture dite Farman : voilure à deux plans superposés, moteur entraînant une hélice propulsive, et train d’atterrissage classique. Pour autant les premières ébauches laissèrent entrevoir une machine beaucoup plus avant-gardistes que le Farman Type III ou que le FE.1.
Pour autant les travaux de Geoffrey De Havilland semblaient continuer de coller à ceux de son concurrent français tant les deux premiers prototypes du FE.2 ressemblaient au Farman HF.6 conçu à la demande de l’Armée Française.
Le premier FE.2 avait volé en août 1911 grâce à un moteur français Gnome de 70 chevaux et le second un plus évolué vola en octobre 1913. Ce dernier était le seul biplace parmi les deux. Pourtant celui-ci s’écrasa quelques semaines plus tard, en février 1914 blessant grièvement son pilote d’essais et tuant l’officier qui servait de passager. On crut alors le programme FE.2 dans l’impasse.
Le déclenchement fin juillet de la même année 1914 des hostilités entre d’un côté l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie et de l’autre la Triple Entente (France, Grande Bretagne, Russie) changea la donne. Le jeune Royal Flying Corps en charge de l’ensemble des opérations aériennes britanniques avait un besoin urgent en avions d’observations et de reconnaissance à vue. Geoffrey De Havilland et ses équipes de R.A.F. reprirent alors rapidement les plans du second FE.2 et en produisirent douze exemplaires sous la désignation de FE.2a. Ils entrèrent en service en février 1915 et mais ne furent jamais envoyés sur le front. Sous-motorisés les FE.2a furent employés d’abord pour de la surveillance côtière puis pour l’entraînement.
C’est véritablement avec le Royal Aircraft Factory FE.2b que les choses changèrent ! Le moteur Green E.6 du FE.2a et ses 98 chevaux laissèrent la place à un Beardmore de 120 chevaux lui aussi à six cylindres en ligne. Et dès ses premiers vols l’avion démontra des qualités de vol exceptionnelles. Non seulement sa motorisation était correcte mais en plus le FE.2b était un avion agréable à piloter, surtout s’il n’emportait pas d’observateur à bord. En effet installé à l’avant celui-ci gâchait en partie le champ de vision du pilote placé derrière lui. Ces biplans firent leur apparition au-dessus de la Belgique et de la France dès l’été 1915. D’abord employés comme simples plateformes d’observations et de reconnaissance à vue ils se muèrent peu à peu dès novembre 1915 et chasseurs. Dans ce cas une mitrailleuse mobile Lewis de calibre 7.7 millimètres était fixée dans l’habitacle avant et servie par l’observateur. Dans quelques rares cas une seconde arme lui fut jumelée, au risque de voir son rayon d’action réduit.
Extérieurement le Royal Aircraft Factory FE.2b se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure égale construit en bois et toile. Son moteur à six cylindres en ligne Beardmore de 120 chevaux entraînait une hélice propulsive bipale en bois. Les premiers exemplaires furent dotés d’un train classique fixe devenu tricycle par la suite. L’empennage classique de l’avion disposait d’un petit stabilisateur vertical triangulaire favorisant l’équilibrage de l’avion lors des phases d’atterrissages et de décollages. Ses deux ensembles de poutre se rejoignaient au niveau du dit-empennage.
En janvier 1916 huit escadrilles britanniques volaient sur R.A.F. FE.2b tandis qu’en juin de la même année elles étaient trente-deux. Il était alors le principal chasseur britannique et l’un des cauchemars des pilotes allemands et austro-hongrois évoluant sur biplans et monoplans d’observation. L’efficacité et la maniabilité du FE.2b fut telle que l’avion fit de l’ombre et restreignit fortement la production des Airco D.H.1 et D.H.2, et Vickers F.B.5 Gunbus. L’ironie du sort voulu que les D.H.1 et D.H.2 aient aussi été développés par Geoffrey De Havilland en son nom propre. Pis le D.H.2 était communément considéré comme supérieur au FE.2b
En même temps que les versions d’observation et de chasse se répandaient dans les unités britanniques l’avionneur R.A.F. développa d’autres sous-versions qui ne dépassèrent jamais le niveau expérimental : FE.2c, FE.2d, FE.2e, FE.2f, et FE.2g. La plus aboutie fut celle du FE.2c de chasse nocturne dont deux avions de présérie furent assemblés sans pour autant déboucher sur une construction en série.
L’apparition à l’automne 1916 des premiers chasseurs allemands de haute qualité comme l’Albatros D.II et le Halberstadt D.III stoppa net la supériorité des FE.2b. Ils furent peu à peu relégués à des missions de bombardement de jour au-dessus, une procédure qui fut généralisée dès février 1917. L’arrivée dans les rangs ennemis du LFG Roland D.II termina de convaincre l’état-major de Sa Majesté.
Dès lors les mitrailleuses furent généralement déposées, les Royal Aircraft Factory FE.2b de bombardement étant généralement escortés par des chasseurs, afin de se concentrer sur leur charge de bombes. Celle-ci pouvait atteindre 159 kilogrammes mais était généralement limitée à 125 kilos. Quand le Royal Flying Corps laissa la place en avril 1918 à la Royal Air Force le FE.2b était encore employé par une quinzaine d’escadrilles de bombardement qui évoluaient principalement en France. Leur spécialité était les frappes au-dessus des lignes allemandes mais également la destruction des chars d’assaut. Dans cette configuration ils emportaient des grenades à main adaptées aux tanks ennemis.
Malgré une relative obsolescence le R.A.F. FE.2b était encore en service quand l’Armistice fut signé en novembre 1918. Quelques exemplaires avaient d’ailleurs été livrés au début de la même année au corps expéditionnaire américain qui les employa, sans grand succès, pour des missions d’observation au-dessus des lignes ennemies.
La guerre sonna pourtant le glas de ce biplan qui quitta le service actif en décembre 1918.
Avec 1955 exemplaires produits le Royal Aircraft Factory FE.2 fut, et de loin, un des plus beaux succès industriels britanniques de la Première Guerre mondiale. Sur ce total 1939 d’entre eux étaient des FE.2b ! Le R.A.F. FE.8 est une version profondément améliorée du FE.2.
Aujourd’hui le RAF Museum de Hendon dans la banlieue de Londres préserve un superbe FE.2b au milieu d’autres avions de la guerre 14/18.
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