À bord d’un porte-avions musée en Californie

Maintenant au repos dans la magnifique baie de San Diego en Californie, le service actif du porte-avion USS Midway s’étend de la fin de deuxième guerre mondiale jusqu’au conflit du Golfe, en passant par les guerres de Corée et du Vietnam. Pour les amateurs d’aviation navale, le USS Midway Museum est un musée flottant fascinant à visiter car il permet d’admirer une collection d’aéronefs retraçant un demi siècle d’évolution de l’aéronavale américaine.

Lors d’un mémorable voyage en Californie l’été passé avec ma conjointe et mes deux filles, nous avons lentement longé la côte de San-Francisco à San-Diego. Nous avons évidemment apprécié les attractions célèbres, comme le Golden Gate, Alcatraz, l’aquarium de Monterey, la spectaculaire route panoramique du Big Sur, Hollywood et les plages où se prélassent lions et éléphants de mer. J’ai toutefois fait une découverte moins connue à San Diego, une très belle ville adossée à la frontière mexicaine et important port de la flotte du Pacifique de l’US Navy.

Dès notre première promenade au centre ville de San Diego, mon regard fut attiré par un immense porte-avions amarré près d’un parc public où orne une statue géante représentant le célèbre cliché du «baiser de la victoire» pris le jour de la capitulation du Japon en 1945. Il s’agissait du USS Midway (CV-41), transformé en musée flottant et ouvert au public depuis 2004. Excité comme un gamin à l’idée d’explorer ce monstre d’acier, j’ai profité d’une demi-journée où mes filles voulaient plutôt prendre du soleil sur la plage, pour m’y promener à mon rythme.

Permettez-moi d’abord un petit rappel historique pour apprécier la signification de ce navire dans l’évolution de l’aéronavale américaine. Au plus fort de la guerre du Pacifique, la construction du Midway débuta en 1943, au chantier naval Newport News Shipbuildingen Virginie. Complétée en un temps record de 17 mois, son entrée en service dans l’US Navy, en septembre 1945, fut toutefois trop tardive pour qu’il puisse participer au deuxième conflit mondial qui venait tout juste de se terminer. D’abord affecté à la flotte de l’Atlantique, puis à celle de Méditerranée, l’USS Midway se joignit à la 7ème flotte du Pacifique en 1955.

USS Midway en 1952

Modernisé à deux reprises, soit en 1955-57 et en 1966-70, il est le premier des trois porte-avions de la «classe Midway». Ce navire joua un rôle fort actif durant la guerre du Vietnam. Lors de ce conflit, des pilotes de l’USS Midway furent les premiers à abattre des MIGs nord-vietnamiens en 1965. Un pilote de F-4B Phantom II, décollant de ce même porte-avion, a également eu la distinction d’abattre le dernier appareil ennemi en combat aérien en 1973, soit un MIG17. Plus récemment, lors de l’opération «Tempête du désert» en 1990, les F/A-18 Hornet de l’USS Midway participèrent à la libération du Koweït. Retiré du service actif en 1992, il échappa au sort réservé aux autres navires de la «classe Midway» en naviguant pour une dernière fois en 2003 vers sa destination finale à San Diego. Depuis 2004, on peut non seulement visiter cette impressionnante machine de guerre, mais aussi y admirer une trentaine d’aéronefs restaurés avec passion.

Mais revenons à mes coups de cœur lors de cette magnifique journée ensoleillée de juillet 2010, où j’embarque enfin à bord de l’USS Midway. La visite débute dans l’hangar, sous le pont d’envol, où l’on peut admirer des avions de la guerre du Pacifique. Mon regard est immédiatement attiré par la vedette (un de mes avions préférés…), soit un F4U Corsair aux couleurs des US Marines. Cela m’a permis de voir de plus près cet avion de légende que j’avais admiré en vol le mois précédent au dessus de ma maison, lors du Spectacle aérien de Québec. Un autre vétéran ayant joué un rôle décisif dans la destruction de la flotte nippone, le bombardier en piqué SBD Dauntless, suscita également ma curiosité. Impressionnant par sa taille, pour un monomoteur, le bombardier torpilleur TBM Avenger orne fièrement dans un autre coin.

Un avion suspendu au plafond de cet immense hangar détonne toutefois parmi ces vétérans d’une autre époque, soit un Cessna CL-19 Bird Dog aux couleurs de l’armée de l’air du Sud-Vietnam. Cet avion rappelle la fin chaotique de la guerre du Vietnam. Le 29 avril 1975, échappant de peu aux envahisseurs nord-vietnamiens, le major Bung-Ly entassa son épouse et ses cinq enfants dans un minuscule Bird Dog et s’envola vers le large où il aperçut par hasard l’USS Midway. Le pont d’envol déjà encombré d’hélicoptères ayant participé à l’évacuation de Saigon, plusieurs UH-1 Huey furent balancés par dessus bord afin de permettre l’appontage spectaculaire du Bird Dog. À bord du navire, on trouve d’ailleurs un exemplaire de cet hélicoptère si typique du conflit vietnamien. Toujours dans le hangar, on peut mettre à l’épreuve ses talents de pilote de chasse à bord d’un des simulateurs de vols disponibles pour les visiteurs – un attrait irrésistible pour les enfants de 7 à 77 ans !

La visite se poursuit en descendant dans les entrailles du navire pour visiter les quartiers de vie des matelots : claustrophobes s’abstenir ! Les quartiers des officiers et des aviateurs sont un peu plus spacieux, mais tout de même spartiates. On y retrouve des pièces reconstituées avec accessoires personnels et mannequins portant des uniformes des années 50-60. On peut également visiter les salles de briefing des pilotes. En remontant plusieurs étages d’escaliers très à pic et étroits (attention à la tête !), on se rend jusqu’au poste de commandement du navire située en haut de la tour. On peut notamment s’asseoir dans les sièges du «Air Boss» et du «Mini», son second, dans la salle de contrôle aérien. Dans ces postes de commandement, et tout au long de la visite, on peut discuter avec de sympathiques guides bénévoles qui sont pour la plupart d’anciens marins et pilotes à la retraite, dont plusieurs ayant servi à bord de l’USS Midway. Ils vous expliquent le fonctionnement du porte-avion et racontent plusieurs anecdotes fascinantes.

Puis c’est la sortie vers le pont d’envol baigné par le soleil et caressé par le vent frais du Pacifique. Deux impressions se confrontent en arpentant le navire d’un bout à l’autre: sa taille à la fois gigantesque, mais minuscule si l’on se met dans la peau d’un pilote tentant d’apponter son avion par une mer démontée ou, encore pire, de nuit. On comprend aisément que la plupart des pilotes de l’aéronavale se considèrent chanceux de terminer leur carrière vivant. Le prestige de faire partie de l’élite des pilotes militaires semble toutefois un attrait irrésistible. Du pont de l’USS Midway, on a une vue imprenable sur la baie de San Diego, avec au loin l’impressionnant pont Coronado menant à l’île du même nom. En se retournant, on a presque l’impression de pouvoir toucher les édifices du centre-ville tout près.

Plusieurs avions et hélicoptères sont arrimés sur le pont, mais celui qui m’attire en premier est un AD Skyraider, un vétéran des guerres de Corée et du Vietnam qui avec ses bombes et roquettes fixés sous les ailes semble prêt à partir en mission. Je dois avouer que les appareils à hélice m’intéressent davantage que les réactés, je ne sais trop pourquoi. Peut-être est-ce en réaction à l’automatisation croissante des avions qui laisse de moins en moins de place au talent et au courage des pilotes. L’avènement des drones qui annonce, selon certains stratèges militaires, un monde virtuel d’appareils opérés à distance par des virtuoses de jeux vidéo renforce ce sentiment de nostalgie. Mais bon, je m’égare… J’ai tout de même bien apprécié la brochette d’avions à réaction exposés sur le pont du USS Midway, dont le premier conçu pour un porte-avion et ayant pris part  à la guerre de Corée, le F9F Panther.  Plusieurs vétérans de la guerre du Vietnam sont également alignés sur le pont : le F9F-8P Cougar, l’A-4 Skyhawk, le F-8 Crusader, l’A-7 Corsair II et le F-4B Phantom II. On trouve également des avions plus récents ayant servi à bord de l’USS Midway, tels le F-14 Tomcat et le F-18 Hornet. Les amateurs d’hélicoptères ne sont pas en reste, puisqu’une brochette d’appareils couvrant plusieurs périodes est également alignée sur le pont.

À cette collection déjà riche, s’ajouteront bientôt d’autres avions légendaires, actuellement en restauration, soit un F4F-3 Wildcat en 2011, un F7U-3 Cutlass en 2012.

Lorsque vous êtes de passage à San Diego, la visite de ce porte-avion musée est à mon avis un incontournable, même pour ceux qui ne sont pas des passionnés de l’aviation et de l’histoire militaire.

L’avis de notre reporter

J’ai aimé :

  • la diversité des aéronefs soigneusement restaurés
  • le site magnifique
  • les guides bénévoles retraités de la marine

J’ai peu apprécié :

  • le contenu peu détaillé des affiches explicatives et du tour audio autoguidé

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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