Pour l’aviation russe l’OTAN est officiellement le nouvel ennemi

Vous sentez ce petit parfum de guerre froide qui flotte dans l’air ? Ce vendredi 26 décembre 2014, le Kremlin a balayé tout espoir de retour à la normalité entre ses forces armées et celles de l’OTAN. En effet le pouvoir russe a publié une nouvelle doctrine d’emploi des forces de défense, et notamment des forces aériennes, en indiquant que désormais l’organisation Atlantique représentait une menace directe pour la sécurité du pays. Des mots qui ont trouvé un écho tout particulier en Ukraine, pays passé en quelques semaines seulement d’allié privilégié de la Russie à ennemi réel.

Au Canada et aux États-Unis, deux membres forts de l’OTAN, on s’inquiète également des menaces de redéploiements des forces russes dans le grand nord Arctique. Une région du monde où les trois puissances se disputent une souveraineté très économique. Les routes commerciales des navires marchands, mais également les richesses du sous-sol gelé pourraient représentées dans les années (ou les décennies) à venir une manne économique non négligeable.

Surtout cette nouvelle doctrine va légitimer politiquement les incursions de bombardiers et d’avions espions russes dans l’espace aérien des pays membres de l’organisation. Des vols à haut risque, qui à force de se répéter pourrait faire conduire à des accrochages dangereux.

Dans ses versions Tu-142 le vénérable Bear représentent encore une menace crédible pour les navires de guerre des pays de l'OTAN.
Dans ses versions Tu-142 le vénérable Bear représentent encore une menace crédible pour les navires de guerre de l’OTAN.

Pour les Russes la crainte est surtout de voir la prolifération d’adhésion de ses pays voisins à l’OTAN. Après les états baltes et plusieurs ex-satellites soviétiques la peur réelle concerne l’Ukraine elle-même. Et force est de constater que celle-ci est irrationnelle. En effet plusieurs membres influents de l’organisation se sont déclarés défavorables à l’entrée de ce pays. La France et la Turquie sont parmi ceux qui ont le plus milité contre l’adhésion de l’Ukraine.

Quoiqu’il en soit la menace est suffisamment claire pour être prise très au sérieux à Bruxelles au siège de l’OTAN. Il faut dire que les récentes interception aux lisières des espaces aériens ont démontré que l’aviation militaire russe avait finalement rattrapé en partie son retard. Même si une frange assez importante des avions militaires russes sont à la limite de l’obsolescence la plus crasse, ce n’est pas le cas de l’ensemble des aéronefs de combat et de soutien.

Alors certes on voit mal le Kremlin ordonner à ses escadrilles de biréacteurs de pénétration Sukhoi Su-34 ou à ses bombardiers Tupolev Tu-26 d’attaquer les forces atlantiques frontalement, mais il ne faut tout de même pas oublier qu’un Tupolev Tu-142 correctement utilisé représente une plateforme d’espionnage et de reconnaissance plus que valable.

En fait le grand inconnu dans l’arsenal aérien russe c’est sa capacité à mettre en œuvre des drones modernes réellement efficaces. Vu qu’ils sont inexistants sur le marché de l’export, les drones russes restent très mal connu, jusque dans les rangs des forces aériennes occidentales.
Ce qui ne signifie pas pour autant que la Russie actuelle ne dispose pas d’avion sans pilote de qualité.

Cependant au milieu de toutes ces déclarations extrêmement martiales il faut savoir que le Kremlin relativise quelque peu. Il rappelle que (je cite) « la probabilité d’une guerre d’envergure contre la Russie a diminué » de la part de l’OTAN. Insistant même sur une nouvelle forme de dissuasion, non-nucléaire.

En cas d'accrochage le Sukhoi Su-27 représenterait une menace très sérieuse pour les avions de combat de l'OTAN, même les meilleurs.
En cas d’accrochage le Sukhoi Su-27 représenterait une menace très sérieuse pour les avions de combat de l’OTAN, même les meilleurs.

Nuançons cependant les propos des responsables russes. Le pays est actuellement dans une grave crise économique, le rouble perdant chaque jour un peu plus de sa valeur sur le marché internationale. De ce fait le crédit politique de ses dirigeants s’en trouve remise en question.
Mais surtout c’est la crédibilité de la stabilité financière du pays, primordiale quand on parle de politique de défense, qui est soupçonnée d’être chancelante.
La Russie de cette fin d’année 2014 a t-elle vraiment les moyens de ses aspirations, ou n’est-ce là que le sursaut d’orgueil d’une bête blessée ? L’année 2015 nous le dira sûrement.

Photos © AFP & UK Ministry of Defence.

 

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

5 réponses

  1. Merci Arnaud pour cet excellent article qui nous donne des informations claires sur cet épineux dossier, en insistant notamment sur sa dimension politique !

    J’ai toujours été favorable à une Russie militairement et diplomatiquement forte pour faire un peu contrepoids aux USA. Mais ses implications dans les affaires syriennes et ukrainiennes lui sont fortement dommageables, espérons que Poutine se raisonne un jour en réorientant sa stratégie vers quelque chose de moins paranoiaque… et propice à la stabilité du Monde !
    Continuez

    @ bientôt.

    1. Bonjour, personnellement je ne pense pas que Poutine soit « paranoïaque », il est patriote et à une certaine idée de la Russie et des valeurs qu’il veut préserver, que cela ne plaise pas au bien pensants libértaires qui prolifèrent joyeusement dans nos pays n’est pas une surprise. Ne pas mépriser les idées des autres, et ne jamais tourner le dos à la Russie, voilà ce qu’il faut retenir. Merci Arnaud pour cet éclairage sur les tensions qui existent en ce moment dans le ciel.

    2. Concernant la situation en Syrie, il faut bien se rendre compte que lorsque que Poutine a soutenu Al-Assad dès le début, l’OTAN a préféré aider les rebelles, dont les armes se sont retrouvées aux mains de l’EI.

      Quant à l’Ukraine, j’estime que la Russie est légitime dans ses actions, étant donné qu’elle préserve ses frontières d’influence étrangère. Les USA ont fait de même à Cuba, sauf qu’ils ont du passer à un embargo après avoir lamentablement échoué l’attaque de la baie des cochons, là ou Moscou a réussi en Ukraine.

      Je pense qu’il vaut mieux se remémorer cette citation de l’éminent Von Bismarck : « La Russie n’est jamais aussi forte ni aussi faible qu’on le croit »

  2. Encore de la gesticulation.. Une nouvelle doctrine, rien de plus facile à changer…
    Ici le Kremlin fait une ouverture, tout en se montrant ferme. Sans être paranoïaque, il y a quand même une certaine mentalité obsidionale, assez similaire à celle d’Israël, d’ailleurs.
    Très belles illustrations. Le Su-34 est celui de la dernière unité en service ? Je n’avais pas vu cette tenue.
    Les Tu-142 ne sont-ils pas censés être désarmés ? Ils constituent l’équivalent du E-6 en quelque sorte ?
    Je ne comprends pas cette phrase :
    « Mais surtout c’est la crédibilité de la stabilité financière du pays, primordiale quand on parle de politique de défense, qui est soupçonnée d’être chancelante. »
    La Russie est un pays souverain, pas un pays membre de l’Euro, ça n’a aucune importance. Sa politique ne se détermine pas à la Corbeille…
    Elle a d’immenses ressources, et la Chine sera tout prête à lui en prêter de plus grandes encore (à ses conditions) !
    Un conflit est de toute façon une ruine financière : regardez les Etats-Unis depuis l’Iraq en 2003 !
    Enfin, n’est-il pas exagéré de parler de ‘limite de l’obsolescence’… ben quoi, un Tupolev Tu-95 de 1955, c’est quand même plus moderne qu’un B-52 de… 1952, nan ?! (certes il s’agit de versions plus récentes)
    Je sors, je sors…

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