Faut t-il revoir la doctrine d’engagement des ABE/HBE en France ?

On le sait désormais le réchauffement climatique est une réalité que plus personne ne peut nier sans passer pour un illuminé. Or il impacte de manière très nette le quotidien de nos soldats du feu, qu’ils soient au sol ou dans les airs, par des incendies de végétation de plus en plus violents. Mais surtout désormais la France métropolitaine est la proie de tels phénomènes également en hiver, à des moments où nos avions bombardiers d’eaux sont encore en hivernage. Pourrait t-on aller vers une flotte disponible 365 jours par an ?

Le redoux de plus en plus souvent enregistré en France métropolitaine aide au départ de feux de chaumes voire de feux de bruyères qui peuvent aisément se transformer en feux de forêts. Nous en avons eu l’exemple le weekend dernier quand un incendie qui s’était déclenché sur la commune espagnole frontalière de Bera a déborder vers le territoire français. Les sapeurs-pompiers du SDIS des Pyrénées-Atlantique ont été obligé d’intervenir pour éteindre les flammes qui rongeaient la végétation et attaquaient plusieurs chemins de randonnée. Dans le même secteur des départs de feu ont été enregistré à Ascain, où les flammes menaçaient des bergeries et des habitations.

En période printanière ou estivale un Dash 8 aurait été déployé sur zone afin de noyer le feu sous sa charge d’attaque. Mais en plein mois de février tous les avions bombardiers d’eau sont cloués au sol. Les sapeurs-pompiers doivent donc se débrouiller tout seul sans attendre le moindre renfort aérien. Il ne viendra jamais.

Et pour cause sur leur base de Nîmes les CL-415 et les Dash 8 sont en période d’hivernage. C’est à dire que les mécanos font l’entretien en profondeur des machines, ce qu’ils ne peuvent pas vraiment réaliser en été. Dans le même temps les pilotes s’entraînent, assurant bien souvent aussi la formation des nouveaux équipages.

Il faut voir que si l’adaptabilité est le maître-mot des femmes et des hommes de la Sécurité Civile ils ne peuvent pas tout faire. Surtout l’emploi des avions bombardiers d’eau (ou ABE) est encadré par une série de textes législatifs découlant d’une doctrine assez ancienne. Elle remonte aux années 1960-1970 quand les Catalina puis les CL-215 n’intervenaient qu’en été. À cette époque le réchauffement climatique et l’impact de l’homme sur son environnement relevaient encore de fantasmes catastrophistes que personne ou presque ne prenait au sérieux. À partir des années 2000-2010 l’engagement des ABE français dès le printemps et jusqu’à l’automne inclus a démontré que la Sécurité Civile avait pris acte des évolutions de ce péril.

Avec l’accélération du phénomène on se dit que désormais il faudrait encore revoir cette doctrine afin de s’assurer que dans un futur très proche les CL-415 et Dash 8 puissent être opérationnels 365 jours par an, avec peut-être un rythme différent en hiver. Gageons que les femmes et les hommes de la Sécurité Civile sont suffisamment pros et motivés pour que cela marche. C’est la volonté publique qui doit désormais se manifester. Pour cela seuls les ministères de l’Intérieur et de la Transition Écologique peuvent aujourd’hui faire bouger les choses, voire les deux chambres parlementaires.

Quid des HBE, les Hélicoptères Bombardiers d’Eaux ? Bien souvent ils ne sont pas armés par la Sécurité Civile mais par les services départementaux d’incendie et de secours. Or les SDIS dépendent des conseils départementaux, en raison des lois de décentralisation. C’est donc à cet échelon que le choix existe. Mais comme les HBE sont généralement loués, les dépenses énormes pour ces machines ne sont engagées que lorsque la situation est vraiment grave : en gros de mi-mai à mi-octobre. On le comprend bien, ce sont des fonds publiques.

On voit bien que désormais la balle est dans le camp des politiques. Sécurité Civile et SDIS ne sont que les derniers rouages dans cette guerre doctrinale contre le feu. Verra t-on des ABE et HBE opérationnels sans discontinuer dans les années à venir ? Oui à condition que la volonté et les moyens soient présents.

Photo © Sécurité Civile.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

8 Responses

  1. Bonjour

    Pour info, certains CL415 ne sont pas en hivernage. Il y a en qui s’entraine quasi-quotidiennement sur de l’étang de Berre et la méditerrané. j’ai pas fait attention a leur immat mais ils sont souvent par trois donc il y a au moins se nombre d’opérationnel. par contre c’est sur qu’ils n’ont pas le temps d’être déployer sur le cote ouest.

    1. La période d’entraînement fait partie de l’hivernage. Ils ne sont pas opérationnels et ne peuvent actuellement pas se déployer sur des feux importants, comme le weekend dernier dans le sud-ouest.

  2. De surcroît les feux de forêts sont de plus en plus présents dans les régions situées au centre ou au nord de la France.
    Faudra-t-il étendre les zones de positionnement des bombardiers d’eaux ?

    1. Bien sûr. On en enregistre actuellement de plus en plus fréquemment en Bourgogne-Franche Comté, en Île-de-France, ou encore en Normandie. Après oui il faudrait repenser le pré-positionnement des Dash 8 et CL-415.

    2. Il y a un premier pas qui a été fait. Pas de prépositionnement mais des aéroports équipés pour accueillir des ABE de manière opérationnelle.

  3. Je suis entièrement d’accord avec vos remarques.
    L’hivernage sert aussi à prendre les vacances qui ce qui est impossible en été et à la formation des nouveaux pilotes intégrants les équipes en place.

    Une ouverture 365 jours par an, un déploiement hors des zones actuelles imposera un investissement en nouveau aéronef et en personnel. L’aspect budgétaire risque d’être décisif.

  4. Il serait bien temps de revoir nos moyens sur le long-terme avec des avions plus « lourd » et plus nombreux.

  5. Cela va se traduire a terme par une grosse augmentation du budget, donc voici arriver un des premiers ‘gros’ coûts publics liés au réchauffement…

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