Il y a 50 ans Airbus prenait son envol !

En octobre 1972 le monde de l’aviation civile est encore très bipolarisé : à l’ouest les avionneurs américains détiennent un quasi-monopole et au sein des pays du Pacte de Varsovie il est total pour les constructeurs soviétiques. Mais tout va très vite changer car ce samedi 28 octobre 1972 la riposte vient de l’Europe de l’Ouest : le consortium Airbus vient de faire voler son prototype. Baptisé A300 il compte alors bien venir jouer les trouble-fêtes auprès de ce fragile équilibre internationale. Et un demi-siècle plus tard il est clair que la mission a réussi.

Feue la compagnie britannique Laker reste étroitement liée à l’émergence de l’A300.

À l’origine le consortium Airbus est une idée franco-allemande. Elle a été formalisée le 29 mai 1969 au Salon du Bourget. Beaucoup alors ne comprennent pas cette idée. Pis même ils se demandent s’il est bien prudent pour Nord Aviation et Sud Aviation de s’allier à Dornier et M.B.B. autour d’un projet qui risque d’attirer des ennuis à la France avec les avionneurs Boeing, Lockheed, et McDonnell-Douglas ? Pourtant un peu plus de trois ans plus tard l’Airbus A300B sera bel et bien une réalité.

Ce samedi 28 octobre 1972 les pilotes d’essais français Max Fischl et Bernard Ziegler sont à Toulouse dans le poste de pilotage du prototype d’avion de ligne. Les dirigeants allemands et français hésitent avant de donner leur feu vert pour le lancement des deux turbofans. Il faut dire que la veille à Noirétable dans le département de la Loire un avion régional Vickers VC.2 Viscount appartenant à Air Inter s’est écrasé entraînant dans la mort soixante des soixante-huit passagers et membres d’équipage. Par superstition plusieurs décideurs allemands et français veulent reporter ce premier vol. Fischl et Ziegler en hommes rationnels s’y refusent. Ils obtiennent gain de cause.

Un premier vol pour l’Histoire !

Une heure et vingt-cinq minutes, c’est le temps durant lequel le prototype de l’Airbus A300B, porteur de l’immatriculation civile provisoire française F-WUAB, est resté en l’air. Quatre-vingt-cinq minutes qui allait marquer l’histoire aéronautique. Car l’Airbus A300B a une mission : concurrencer les gros-porteurs Lockheed L-1011 TriStar et McDonnell-Douglas DC-10 américains. Ils doivent aussi remettre l’Europe au centre du jeu aéronautique civil. C’est bien pour cela qu’au fur et à mesure du programme les Espagnols puis les Britanniques rejoignent le consortium qui passe de franco-allemand à européen.
Un avionneur européen, en 1972 c’est impensable.

Car à l’époque les avions de ligne ne sont pas européens. Ils sont encore britanniques (BAC One-Eleven et Hawker-Siddeley Trident), français (Dassault Mercure 100 et Sud Aviation Caravelle) voire néerlandais (Fokker F28 Fellowship). Mais Européens c’est inconcevable !
Surtout ils restent dans les petits tonnages, des avions de ligne court-courriers. Pas question d’aller défier les Américains, ce ne serait pas correct, ce sont nos alliés après tout pas de vulgaires concurrents.
Pourtant c’est bien un projet binational, franco-britannique, qui va déclencher l’idée d’Airbus : le Concorde.

Alors oui l’Airbus A300 ne sera jamais un avion totalement réussi. Il se vend mal, mais réussit à se vendre même aux États-Unis sur les terres de Boeing et de McDonnell-Douglas. Il dépasse à peine les 550 exemplaires de série produits. Il se traîne une sale réputation d’avion peu confortable et bruyant. Et puis esthétiquement il surprend : un gros biréacteur c’est étrange. Pourtant l’A300 va devenir le mètre-étalon de l’aéronautique civile commerciale des années 1970-1980-1990. Sans lui nous n’aurions peut-être jamais eu d’Airbus A310 et A330 ni même de Boeing 767. Il leur a ouvert la voie. Il a montré aux compagnies aériennes qu’on pouvait voler autrement.

Et puis l’Airbus A300 a su se muer en avion long-courrier avec l’A300-600, une première pour un biréacteur, et même en gros porteur hors-gabarit avec l’étonnant A300-600ST Bélouga.
L’arrivée de l’A300 sur le marché va même pousser Boeing à la faute. Faute industrielle, faute commerciale, faute de goût, c’est au choix c’est vous qui voyez. En réponse au biréacteur européen l’avionneur de légende sort son Boeing 747SP, un «mini Jumbo Jet». Très raccourci il ne trouvera jamais son marché et ne dépassera pas les quarante-cinq exemplaires construits. Faute donc.

Le toujours attachant et extraordinaire Airbus A300-600ST Bélouga.

Avec l’A300 le consortium Airbus va trouver la voie qui sera la sienne jusqu’au début des années 1990 : poil à gratter de l’industrie aéronautique civile. Mais après vingt ans de ce rôle et grâce aux succès des A310 et A320 l’industriel européen passe à la vitesse supérieure : conquérir le monde.
Mais ça c’est une autre histoire.

Photos © NASA & San Diego Air & Space Museum.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

6 réponses

  1. Merci Arnaud.
    Effectivement, il fallait oser et sauter le pas, et l’étape suivant, presque un game changer avec l’A-320
    Pourquoi « B », il y avait une version A-300A?

  2. L’aviation est née en France, nulle part ailleurs. Les épopées Airbus et Concorde en sont un témoignage particulièrement vivant de nos jours pour le français (et un tout petit peu allemand) Airbus, devenu le premier avionneur mondial, loin devant Boeing malgré le protectionnisme américain.

    1. Je ne savais pas qu’Otto Lilienthal et que les frères Wright eussent été français. Vous me l’apprenez !

  3. La deuxième grande chance d’Airbus, c’est quand Boeing a racheté Mc Donnel Douglas et s’est retrouvé fournisseur unique des compagnies aériennes. Qui n’ont vraisemblablement pas apprécié. Même, voire surtout, aux USA.
    Quelle bourde !
    Et ils ont arrêté le DC10, qui était pourtant un super avion (même en classe économique) : impardonnable !

    1. En fait d’arrêt du DC-10 il y a eu le programme MD-11 qui a été un flop commercial flagrant avec seulement 200 exemplaires produits. Les triréacteurs n’avaient plus la côte auprès des compagnies aériennes.

  4. Supposons que Alain pensait à Clement Ader dans son commentaire
    Par contre dire que l’A300 se vendait mal c est exagéré je pense
    A l’époque produire +400 exemplaires d un avion de ligne c etait déjà considéré comme un succès commercial

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