Crash d’un Dassault Falcon 10 russe médicalisé en Afghanistan.

Énormément de zones d’ombre entourent cet écrasement. Ce samedi 20 janvier 2024 au soir un Dassault Falcon 10 immatriculé en Russie s’est crashé en Afghanistan alors qu’il réalisait un vol d’évacuation sanitaire depuis l’Inde. L’accident a eu lieu dans le nord-est de l’Afghanistan et selon la majorité des sources les six personnes à bord sont décédées. En fait depuis plusieurs heures c’est une bataille de communications et de désinformations qui se joue autour de ce drame, avec l’Inde et la Russie comme principaux acteurs mais aussi… le Maroc.

Pourquoi le Maroc d’ailleurs ? Parce qu’avant de porter l’immatriculation russe RA-09011 le Falcon 10 en question avait un temps été immatriculé dans ce pays d’Afrique du Nord. Il avait alors appartenu au transporteur Alfa Air qui y possède une petite flotte de Dassault Falcon 10 et Falcon 20. Cependant à l’été 2022 l’avion ne portait déjà plus d’immatriculation marocaine puisqu’il en arborait une… américaine. Le transporteur Assia Aero Inc. stationné dans le Delaware l’avait racheté pour des vols intérieurs charters haut de gamme. Cette société ne l’a pas longtemps utilisé, elle l’a revendu en octobre 2023 à Athletic Group LLC, son actuel propriétaire russe. Afin de contrer les sanctions européennes et nord-américaines en vigueur depuis le début de la guerre en Ukraine la transaction avait eu lieu via la Turquie. C’est donc depuis quatre mois que l’avion évoluait sous l’immatriculation RA-09011. Voilà pour ce qui en est du Maroc.

Donc c’est sûr l’avion était enregistré sur les tablettes de l’aviation civile russe. Son actuel propriétaire l’avait acheté pour assurer des vols charters, notamment en configuration médicalisée. Et c’est justement cela qu’il effectuait ce samedi 20 janvier 2024 quand il a décollé de l’aéroport international de Gaya, au nord-est de l’Inde à destination de l’aéroport international de Moscou. Une escale technique était d’ailleurs prévue à Tachkent en Ouzbékistan. Il n’a pas eu le temps de la réalisé, il s’est crashé avant cela.

L’accident a eu lieu dans la province afghane du Badakhchan, près de la frontière avec le Tadjikistan. Et contrairement à n’importe quel autre région du monde les sauveteurs n’ont pas vraiment été pressés d’arriver. Il faut dire que depuis la reprise du pays par les fondamentalistes talibans les questions aéronautiques, et notamment d’aviation civile internationale, ne sont pas au cœur de leurs préoccupations. Alors que l’accident a été identifié à 19 heures 15 en heure locale il semble que les premiers secouristes ne soient arrivés sur site que onze heures plus tard, ce dimanche 21 janvier 2024 au matin. Si des passagers ou des membres d’équipage du Falcon 10 avaient pu survivre au crash là c’est sûr ils étaient morts à leur arrivée. La température moyenne à cette saison la nuit dans la région oscille entre -20 et -5 degrés Celsius. D’ailleurs la majorité des médias indiens et russes insistent sur le fait qu’il n’y a pas de survivant à l’accident.

Là où par contre les avis divergent c’est sur les causes de l’accident. Alors que les Indiens insistent, un peu lourdement il faut le reconnaître, sur le fait que ce Dassault Falcon 10 ne réalisait pas de vol régulier entre leur pays et la Russie ils décrivent en même temps des conditions météos particulièrement dégradées au-dessus de l’est afghan. Dans le même temps au moins deux médias locaux décrivent un avion d’affaire qui ne volait pas selon les standards de sécurité aérienne en vigueur en France, son pays de production. En gros il n’était pas en bon état. De leur côté les Russes ont immédiatement émis une cause technique, indiquant une panne généralisée sur la propulsion, comme si les deux turboréacteurs Garrett TFE731-2 s’étaient arrêté en même temps. Une affirmation qui ne repose sur rien puisqu’elle a été émise quelques heures seulement après que le jet ait été perdu aux radars.

Sur un crash d’avion «normal» on pourrait espérer avoir des informations arrivant tôt ou tard sur l’origine du drame. Mais il n’y a là rien qui relève de la normalité. D’abord l’accident a eu lieu dans le pays certainement le moins transparent du monde, à égalité avec la Corée du Nord, et disposant du niveau industriel le plus faible de la planète. Quand on pense moyenâgeux comme les talibans forcément enquêter sur un accident d’aéronef ce n’est pas gagné. Ensuite il s’agit d’un avion d’affaire acheté d’occasion aux États-Unis par un intermédiaire turc aux profits d’une entreprise russe affiliée au géant Gazprom et ce en plein durant les sanctions alliées. D’ailleurs si le Falcon 10 avait bien changé d’immatriculation comme nous l’avons vu plus haut il volait toujours sous la livrée qui était la sienne durant son service commercial au Maroc et aux États-Unis. D’où sans doute une partie de la confusion marocaine. La boucle est bouclée.

Reste donc que six personnes sont mortes, trois membres d’équipage (sans doute de nationalité russe) et trois passagers indiens dont une personne qui était déjà médicalisée et attendue par un hôpital moscovite. On ignore la pathologie dont elle souffrait. Sur l’avion en lui-même on sait qu’il a été produit au printemps 1978 et que de juillet de la même année jusqu’à juin 2003 inclus il a volé pour divers propriétaires tous implantés aux États-Unis. Le Dassault Falcon 10 était réputé apprécié des clients américains dans les années 1980 et 1990, en grande partie en raison de son côté compact autant que de sa maniabilité et de sa puissance moteur. D’ailleurs son succès là bas a en partie tué le Gates Learjet 28 qui s’était positionné sur le même segment. Plus de 45 ans de service pour un jet d’affaire, même de conception clodoaldienne, on ne peut pas dire que ce ne soit pas un bel âge. Surtout si sur la fin de sa carrière son entretien n’a pas été à la hauteur.

Photo © Wikimédia Commons

NDLR : Aucune photo de l’avion incriminé dans l’accident n’étant disponible nous avons fait le choix d’un appareil du même type dans une banque de données images réputée pour son sérieux. Le Falcon 10 en photo ci-dessus n’est donc pas l’avion qui s’est écrasé en Afghanistan.

NDLR 2 : Certains médias, notamment francophones, parlent de deux ou quatre survivants tandis que d’autres continuent sur l’hypothèse de zéro. Chacun se fera son idée.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

5 réponses

    1. La présence du BEA me semble très hypothétique pour deux raisons. D’abord les relations entre Moscou et Paris ne sont pas franchement au beau fixe et ensuite en Afghanistan le niveau de sécurité est très faible et nos enquêteurs pourraient être en danger. Même chose pour les experts de Dassault Aviation.

  1. Hello Arnaud. La cause de la défaillance meca semble la plus plausible. Est ce que des sources ou articles aurait émis l idée d un tir de missile air sol de la part des talibans ou même des pakistanais qui sont un peu tendus en ce moment. C est d ailleurs surprenant qu un avion en provenance d Inde puisse survoler le Pakistan. Merci

  2. Alors juste une petite mise au point : les lectrices et lecteurs qui nous envoient des liens vers d’autres médias web donnant d’autres infos sur l’accident le font pour rien. Ils ne seront pas publiés. Nous sommes un site aéronautique ouvrant ses articles à commentaires pas un forum de discussions. J’ai vraiment l’impression de me répéter façon « Un jour sans fin » là-dessus.

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