Il y a 100 ans volait le superbe Supermarine S.4.

Le problème des pionniers c’est qu’ils ne sont pas forcément toujours reconnus à leur juste valeur. L’hydravion britannique de course Supermarine S.4 en est la parfaite démonstration, lui qui prépara le terrain aux très réussis S.5 et S.6. Ce précurseur vola pour la premier fois le mardi 24 août 1925, il y a donc tout juste un siècle. Son concepteur était un certain Reginald Mitchell.

Supermarine S.4 de profil.

Le 5 décembre 1912 l’industriel et aviateur français Jacques Schneider déposait les statuts d’une course d’hydravions doté d’un prix de 25 000 francs or. Celle-ci allait devenir la coupe Schneider. La première année, en 1913, la compétition se joua entre pilotes britanniques sur Sopwith et français sur Deperdussin, Morane-Saulnier, et Nieuport. La Première Guerre mondiale faillit avoir raison d’elle. Fort heureusement Jacques Schneider était vraiment très riche et avait beaucoup de suite dans les idées. Aussi dès la paix revenue la coupe fit son grand retour.

Parmi les plus intéressés outre-Manche se trouvait un jeune ingénieur de chez Supermarine :  Reginald Mitchell. Il obtint l’autorisation de son supérieur, William Hargreaves, de modifier l’un des deux prototypes de l’hydravion à coque de chasse Supermarine Baby en hydravion de course. Cela donna naissance au Sea Lion I qui fut présenté à la coupe Schneider 1919. Malheureusement l’appareil subit une avarie et ne put donc pas être sur la ligne de départ. Mais Mitchell savait que l’avenir de Supermarine et donc le sien, résidait dans cette course. Par la suite ses Sea Lion II et Sea Lion III s’offrirent les premières et troisièmes places des éditions auxquelles ils prirent part. L’échec relatif du Sea Lion III face au Curtiss CR.3 à flotteurs donna des idées à Mitchell. Il devait lui aussi concevoir un tel hydravion s’il voulait pouvoir de nouveau réitérer l’exploit du Sea Lion II en s’octroyant la victoire.

Afin de rompre avec les hydravions à coque précédents et marqué donc la différence des hydravions à flotteurs Reginald Mitchell choisit de ne pas baptiser son nouvel appareil. Il prit la seule désignation de S.4. Dans son idée les S.1, S.2, et S.3 étaient les Sea Lion I, II, et III même s’ils ne portèrent jamais cette identification maison. Et clairement les travaux des ingénieurs de Glenn H. Curtiss avaient été bien étudiés, Reginald Mitchell avait fait ses devoirs. Son S.4 était beaucoup plus aérodynamique que n’importe lequel de ses concurrents américains… et britanniques. Gloster avançait lui aussi un aéronef similaire sous la forme du Gloster IIIA. Et les Français dans tout ça ? Ils étaient à la ramasse, à la traîne avec les Italiens à encore proposer des hydravions à coque.

Sur ce cliché l’esthétique très pure du Supermarine S.4 nous apparait pleinement. Et dire que cette merveille a 100 ans !

Avec sa conception mixte en bois et métal, ses deux flotteurs profilés, son aile médiane cantilever, et son moteur Napier Lion VII à douze cylindres en W d’une puissance de 680 chevaux entraînant une hélice bipale en métal il était clair que le Supermarine S.4 avait été pensé pour gagner la coupe Schneider. La concurrence était prévenue. Son premier vol voici pile-poil 100 ans confirma que les équipes de Reginald Mitchell avaient bien travaillé. La presse spécialisée de l’époque était unanime autour de lui.

L’édition 1925 devait se tenir fin octobre dans la baie de Chesapeake aux États-Unis, plus particulièrement dans une de ses criques appelée Bay Shore Park. Avec son sens des affaires et du spectacle Jacques Schneider avait convié Orville Wright, un des pères de l’aviation, afin qu’il remette le trophée cette année là. Les hydravions britanniques, Gloster et Supermarine confondus traversèrent l’Atlantique nord en septembre à bord du paquebot SS Minnewaska de la Red Star Line. Débarqué à New York ils furent mis à l’eau et terminèrent logiquement leur route par les airs.
Quelques jours plus tard les essais américains, préparatoires à la course, eurent lieu. Et c’est lors de l’un d’eux que le Supermarine S.4 fut perdu le 23 octobre, veille de la course, dans un accident dont heureusement son pilote Henry Biard se sortit sans trop de bobos. Le S.4 était détruit et avec lui les espoirs de voir Supermarine de nouveau soulever le trophée Schneider. Pour la petite histoire c’est le Curtiss R3C piloté par James Doolittle qui l’emporta en 1925.

Le relatif échec du S.4 permit à Reginald Mitchell de développer le S.5 qui accrocha la deuxième place en 1927, puis le S.6 qui gagna l’édition 1929. Le Supermarine S.6B remporta lui le titre en 1931, année de la dernière édition de la coupe trois ans après le décès de son fondateur. Le S.6B s’octroya également un record mondial de vitesse sur hydravion à flotteurs à 655,79 kilomètres heures le 29 septembre 1931. S.5, S.6, et S.6B dérivaient directement du S.4. Si Reginald Mitchell est entré dans l’Histoire c’est surtout parce qu’en tirant les enseignements de ses recherches sur hydravions de course à flotteurs à partir de ce S.4 il développa celui qui demeure un des avions de chasse les plus célèbres de tous les temps : le Supermarine Spitfire.

Supermarine S.6B préservé et exposé au Science Museum de Londres.

Voilà maintenant vous en savez un peu plus sur cette passion que l’ingénieur britannique eut pour la coupe Schneider et sur le premier des hydravions à flotteurs qu’il conçut afin d’y participer.

Photos © Wikimédia Commons


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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