Des hélicoptères Écureuil hors d’âge en Gendarmerie Nationale !

Le directeur général de la Gendarmerie Nationale, le général d’armée Hubert Bonneau, a tiré le signal d’alarme devant les parlementaires cette semaine. Auditionné ce mardi 28 octobre 2025 sur plusieurs sujets, dont le parc des véhicules terrestres et des hélicoptères, le patron des gendarmes n’y est pas allé par quatre chemins : les Aérospatiale AS.350BA Écureuil sont à bout de souffle. Sans décision rapide de remplacement les Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale pourraient rapidement se retrouver dans une situation d’extrême précarité. Et en attendant les Airbus Helicopters H160 pointent toujours aux abonnés absents, eux qui devaient entrer en service pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Ce genre d’audition devant le Sénat n’a rien d’inhabituelle pour un tel cadre de l’État. Un directeur général de la Gendarmerie Nationale doit rendre des comptes aux parlementaires. C’est dans la plus parfaite logique de la Vème République. À cette occasion l’augmentation sensible de 1,8% du budget de la Gendarmerie Nationale a ainsi été évoquée, soit près de 200 millions d’euros, tout comme le recrutement annoncé de 400 nouveaux personnels. Il y avait par contre de nombreux sujets qui ont crispé lors de cette audition.

Nous nous focaliserons, vous le comprendrez bien, uniquement sur ceux en lien avec le domaine aéronautique. Le général d’armée Bonneau a ainsi souligné que les Aérospatiale AS.350BA Écureuil, numériquement parlant les principaux hélicos des Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale, ont tous plus de 40 ans de service actif ! À ce jour vingt-deux sont encore en dotation auprès de nos forces de l’ordre, en plus des Eurocopter EC-135 et EC-145… qui eux aussi vieillissent. Devant les parlementaires de la Chambre Haute le DGGN a insisté sur l’urgence de commander vingt-deux nouveaux hélicoptères pour un budget qu’il a estimé d’environ 355 millions d’euros. Ça fait un peu plus de 16 millions d’euros par appareil. Et il enfonce le clou en indiquant que cette décision budgétaire doit être prise avant 2027. Sans quoi il prophétise des fermetures de sections aériennes en métropole et/ou en outremers.

Analysons un peu les faits. En janvier 2024 le ministère de l’Intérieur, ministère de tutelle de la Gendarmerie Nationale malgré le statut de militaire de ses personnels, a passé commande pour six nouveaux hélicoptères. Il s’agissait alors de biturbines nouvelle génération Airbus Helicopters H145. Les deux premiers exemplaires seront livrés d’ici le mois prochain alors même que la Sécurité Civile a elle déjà commencé à recevoir les siens. Donc déjà à l’époque la vétusté des AS.350BA Écureuil de la Gendarmerie Nationale était connue.

Le problème c’est qu’avec une France institutionnellement très fragilisée depuis plusieurs mois maintenant les ministres de l’Intérieur se sont succédés. Et avec eux à chaque fois une nouvelle politique, plus ou moins éloignée de celle du prédécesseur. En janvier 2024 c’était Gérald Darmanin (qui passa la commande des six H145) et depuis le mois dernier c’est Laurent Nuñez. Entre les deux les gendarmes ont eu comme ministre de tutelle Bruno Retailleau. Et force est de constater que celui-ci semblait bien plus accaparé par les flashs des caméras autour des chiffres (supposés) de la délinquance et de l’immigration que par les conditions réelles de travail des gendarmes et policiers. Il a laissé pourrir la situation de la flotte hélicoptères. Surtout il a laissé la patate chaude à son successeur, avec charge à lui de régler le problème. C’est donc forcément Laurent Nuñez qui devra faire le (gros) chèque des 355 millions d’euros réclamés par le général d’armée Bonneau. Autant dire qu’il a la pression d’entrée de jeu. Et histoire de rajouter du tragi-comique à la situation le dit ex ministre de l’Intérieur est redevenu sénateur de Vendée et devra donc contrôler ce financement qu’il n’a lui même pas mis en œuvre.

L’année 2025 n’étant pas terminée on ne connait pas encore le taux de disponibilité des Aérospatiale AS.350BA Écureuil de la Gendarmerie Nationale. Certains disent qu’il pourrait avoisiner les 50%, et même être légèrement en dessous. Pour l’année 2024 il était de 54,15% et de 57,2% pour 2023. Il ne cesse donc de dégringoler. Et cela n’a rien à voir avec les talents des mécanos aéronautiques des Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale et tout à voir avec l’usure totale de machines qui sillonnent la France (métropolitaine et ultramarine) depuis quatre décennies. Rendez-vous compte que les Écureuil de la Gendarmerie Nationale sont entrés en service durant le premier septennat de François Mitterrand. C’est d’ailleurs sous la même présidence qu’ils furent commandés, en 1982, afin de remplacer les Sud Aviation SE.313/SA.318 Alouette II qui du haut de leur quart de siècle de service paraissaient alors totalement dépassés. Que diraient les décideurs de l’époque en voyant ces hélicos plus de quatre décennies plus tard ?

Une solution pourrait exister afin de poursuivre (un peu) l’emploi des AS.350BA Écureuil en gendarmerie : s’inspirer de celui des treize derniers exemplaires de l’Aérospatiale SA.316B/SA.319B Alouette III entre 1998 et 2009. Durant ces onze années au cours desquelles le mythique monoturbine était lui aussi totalement dépassé et obsolète au plus haut niveau ses pilotes devaient se limiter à certaines zones de vol. Il leur était par exemple interdit de survoler certains départements trop densément peuplés. On ne les voyait plus au-dessus de la majeure partie de l’Île-de-France ou encore dans le ciel des métropoles lilloises et lyonnaises. De même les missions au-dessus du littoral leur étaient interdites. C’était là un pis-aller en attendant leur remplacement par les actuels EC-135 et EC-145.

Une autre piste existe en Gendarmerie Nationale, également portée par Hubert Bonneau : le retour des avions. Il faut savoir que cela n’a rien de saugrenue. Même la Police Nationale a désormais recours à des monomoteurs de tourisme Cessna 182 Skylane et des bimoteurs léger Partenavia P.68 Victor pour ses missions du quotidien. Par le passé les gendarmes ont volé sur des monoplans à aile haute Cessna O-1 Bird Dog, Nord N.3400 Norbarbe, ou encore Piper PA-18 Super Cub. Nous aurons l’occasion de prochainement revenir sur cette option, afin de la développer plus avant. Donc patience…

Vous l’aurez compris l’avenir même des Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale est désormais entre les mains du ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez. Pas de doute que cet homme de terrain, passé par l’antiterrorisme et par la Préfecture de Police, saura prendre les mesures nécessaires afin que ce bel outil ne disparaisse pas. Et que les Écureuil bleus et blancs puissent prendre une retraite bien méritée.

Affaire à suivre.

Photos © DGGN