Rafale F4 ou F-35A Lightning II, le dilemme portugais.

L’acquisition d’un nouvel avion de combat est le genre de choix cornélien que des pays européens comme la France ou la Suède ignorent puisque nous sommes deux pays qui développent et produisent nos propres machines. La Força Aérea Portuguesa se retrouve aujourd’hui face à deux options dans le remplacement futur de ses chasseurs General Dynamics F-16MLU Fighting Falcon : écouter les militaires ou suivre les volontés des décideurs institutionnels ? En fait au Portugal cela commence à prendre la forme d’un débat OTAN contre Europe de défense au travers d’un duel Lockheed-Martin / Dassault Aviation. Et chaque partie a ses propres arguments.

Depuis deux mois la classe politique portugaise se déchire au sujet de la future acquisition par la Força Aérea Portuguesa d’un nouvel avion de combat. Initialement le Lockheed-Martin F-35A Lightning II l’avait emporté haut la main. Cependant suite aux atteintes diplomatiques et aux décisions fiscales de Donald Trump à l’encontre des pays européens une fronde institutionnelle est née, portée par le premier ministre Luís Montenegro. Celui-ci a remis en question le contrat, non encore signé, en indiquant qu’une seconde possibilité existait entre les Dassault Aviation Rafale F4 français et Eurofighter EF-2000 Typhoon Tranche 4 européens.

Au fur et à mesure que les jours puis les semaines passaient cela s’est transformé en un désormais classique affrontement F-35A Lightning II versus Rafale F4. Le Typhoon Tranche 4 a peu à peu été reléguée au second plan. Ce qui est intéressant c’est qu’initialement le Portugal avait rejeté les deux avions issus du Vieux Continent pour les mêmes raisons que le Rafale F4 fait ici son grand retour : la diplomatie. Dans les médias des parlementaires portugais reconnaissent volontiers que le choix du F-35A Lightning II avait été alors bien plus dicté par un alignement atlantiste sur le «parapluie américain» que par des considérations technologiques.

Alors que les chances de l’avion français sont bien réelles l’affrontement devient idéologique au Portugal. Il oppose deux visions de la société. D’un côté nous avons les décideurs militaires, plutôt classés conservateurs, qui veulent absolument le Lockheed-Martin F-35A Lightning II qui selon eux garantirait une uniformité avec le reste de l’OTAN et les garderait dans le giron de Washington DC. De l’autre c’est donc le Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa et son premier ministre, clairement progressistes, qui eux voient dans cette crise euro-américaine la possibilité d’accélérer la défense européenne en faisant le choix d’un avion non américain tout en demeurant résolument conforme aux normes de l’alliance Atlantique. Le Rafale en service en Croatie mais aussi en Grèce démontre d’ailleurs cela. Et Nuno Melo dans tout ça ? Bah on a un peu l’impression que le ministre (de droite) de la défense compte un peu les points, entre soutien mitigé aux militaires et opposition mollassonne au premier ministre qui l’a nommé. C’est là qu’on se dit que dès lors qu’on touche à des choses palpables les gouvernements de coalition c’est tout de même bien souvent un sacré bazar… pour ne pas dire autre chose de bien plus grossier.

Bien malin celui ou celle qui saura dire qui de Lockheed-Martin ou de Dassault Aviation saura l’emporter dans cette compétition entre militaires et autorités civiles. Un point cependant est à soulever : c’est au Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa qu’on doit la décision d’acquérir des Embraer C-390 Millennium plutôt que des Lockheed-Martin C-130J/J-30 Super Hercules quand il a s’agit de remplacer les vieux Lockheed C-130H Hercules. Il a choisi d’arbitrer dans le sens d’une certaine autonomie de son pays vis-à-vis de la toute puissance industrielle et économique des États-Unis.

Affaire (évidemment) à suivre.

Photo © Força Aérea Portuguesa.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

12 réponses

  1. Si le choix du Rafale se confirme, cela balaiera les doutes soulevés par le duel Indo-Pakistanais.
    Et cela montrerai un incroyable courage politique des élus Portugais, qui eux risquent leurs places au terme de leurs mandats…

  2. Merci Arnaud pour l’article.
    Et qu’en pense/dit le fameux constructeur clodoaldien :
    L’ancienne proposition est-elle ressortie du frigo ?
    Serait-il en mesure d’ajouter ce volume a son carnet de commandes ?
    On parle de combien d’appareils et pour quand ?

    Vivement le salon du Bourget pour, peut-être, en savoir un peu plus.

  3. Si Dassault est choisi je veux ben manger mon chapeau, quand on voit le retour au bercail du Danemark, de l’Allemagne, de l’Angleterre … et plus dingue du Canada … AMHA le Portugal pliera comme tous les européens (sauf la France, pour le moment)

    1. Tout à fait d’accord avec Gilles. Les enjeux sont trop grands et les pressions US trop fortes pour un si petit pays. Souhaitons une grosse bouffée de courage politique aux portugais, sans beaucoup d’espoir.

  4. Parfaite illustration de ce que le choix d’un avion de combat est désormais presque exclusivement un choix politique plutôt que technique et tactique. Par rapport à la situation géographique du Portugal, le F 35 n’apparaît pas vraiment adapté. Ce pays maritime vise plutôt la supériorité aérienne que la pénétration furtive en milieu hostile. Par rapport à son voisin espagnol, l’Eurofighter serait un choix logique, et si le rafale l’emporte, ce serait un succès politique et diplomatique extraordinaire.

  5. Si on voulait être vraiment ambitieux pour la défense européenne on pourrait proposer un partenariat étendu au Portugal avec l’achat de Rafale M incluant formation, entrainement, maintenance.
    Quand le PAN est en atlantique on laisse le Portugal embarquer 4 rafales à bord. On mutualise à mort pour éviter d’embarquer tous le monde en double et on garde le commandement.
    ça ferai bouger les lignes mais c’est très ambitieux.

  6. Est-ce que les portugais résisteront à l’aimable pression trumpienne? Je n’en mettrai pas les mains dans le pastel de nata… Les suisses ont flanché fasse aux desiderata de Papy Biden, alors avec l’agent orange….
    Pourtant vu la configuration géographique du Portugal, un biréacteur avec une allonge supérieure serait le choix le plus normal.

    1. Attention Archibalde aux parallèles entre la Suisse et le Portugal, ils n’ont pas le même rapport à l’Amérique et encore moins aux forces armées. Rappelons qu’au Portugal le souvenir de la dictature Salazar est encore frais, l’antimilitarisme y étant très répandu.

  7. Au risque de dire une bêtise, n’y avait t’il pas un projet de porte drone dans les cartons? Est ce qu’il aura un poids dans la balance quant au choix du futur appareil ?

  8. Bonjour,
    Gilles et Philippe D ont raison en indiquant qu’après la stupeur et les déclarations enflammées tout le monde est bien rentré dans le rang après la fin de la récréation: F-35 et maintenant rompez!
    Déjà le Canada avec Justin Trudeau disant « no F-35 » mais quand LM a fait son appel de fonds au Canada pour Level 3 l’argent a bien été viré dans les temps et sur le bon compte! Le plus cocasse est vraiment pour le Danemark car le message envoyé par son gouvernment est dévastateur en voulant commander plus de F-35 malgré le suject avec le Groenland.
    A mon avis, le Portugal prendra le F-35 mais après avoir fait miroiter un choix difficile entre F-35 et Rafale pour ne pas perdre la face. Si jamais le Portugal opte pour le Rafale, je commanderai l’affiche de Gaétan!

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