Nation majeure de l’aviation militaire durant la Seconde Guerre mondiale le Japon a beaucoup perdu en 1945 après sa défaite face aux Alliés, et notamment aux États-Unis. Par la suite les avionneurs nippons ont du s’adapter et réduire drastiquement leur production. Pourtant sur la fin du 20e siècle et le tout début du 21e l’industrie aéronautique japonaise a connu un regain d’activité qui lui a permis d’engager des programmes parfois très ambitieux et de les porter à leurs termes. L’un d’entre eux fut un démonstrateur technologique destiné à vérifier les capacités locales à développer un avion furtif. Il s’agit là du Mitsubishi X-2 Shinshin.
Au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre 2001 le Japon comprit que la mégapole de Tokyo n’était pas à l’abri d’un scénario identique à celui de New York. Elle chercha alors à muscler sa défense aérienne et entama des négociations avec l’avionneur américain Lockheed-Martin afin qu’il lui vende une centaine de chasseurs de nouvelle génération F-22A Raptor. Alors que les négociations entre la Kōkū Jieitai et le constructeur allaient bon train l’administration fédérale des États-Unis y mit un stop net. Cet avion était interdit à l’exportation, les Américains craignant que la technologie des avions furtifs ne tombe entre de mauvaises mains. Ce fut une douche froide pour un Japon qui se voyait comme un allié et un partenaire de premier plan de l’Amérique.
Une fois la décision digérée l’avionneur Mitsubishi et le ministère japonais de la défense, via sa Technical Research Development Institute annoncèrent s’être lancé dans le programme Advanced Technology Demonstrator X, ou ATD-X. Il s’agissait de voir si le Japon était capable ou non de proposer une alternative indigène au Lockheed-Martin F-22 Raptor. Les deux partenaires prirent les devants en prévenant qu’il ne s’agissait nullement d’un prototype de chasseur de 5e génération mais d’un démonstrateur technologique.
Dès l’année 2005 des essais de maquette eurent lieu dans le plus grand secret en souffleries, notamment en France. L’année suivante une autre maquette, cette fois construite à l’échelle 1/5 réalisa une petite série de vol. La TRDI laissa volontairement fuiter des images afin de mettre la pression sur l’US Department of State, dans l’espoir que cela influencerait un éventuel allègement de l’interdiction d’exportation du F-22A. Il n’en fut rien. Six mois plus tard, début 2007, la Kōkū Jieitai annonça garantir un confortable budget de quatre milliards de yens au programme ATD-X.
Par la même occasion le futur avion reçut le patronyme de Shinshin, l’âme en français. Dans un pays sous occupation militaire américaine garantir le secret absolu autour d’un avion est une gageure. Tokyo décida de ne rien cacher à Washington des progrès de l’Advanced Technology Demonstrator X. Les Américains observaient l’avancée des travaux mi amusés mi inquiets. Plus le Shinshin évoluait et plus il semblait ressembler à un vrai chasseur furtif.
La branche motorisation du géant Ishikawajima-Harima Heavy Industries fut chargée de développer les deux réacteurs de l’avion.
Les ingénieurs japonais eurent cependant recours à des données étrangères. Les États-Unis leur fournirent des informations relatives à l’exploitation de l’avion expérimental américano-allemand X-31 Vector. L’idée était en effet de doter l’ATD-X d’une poussée vectorielle.
L’une des principales évolutions de l’avion fut la commande de vol électrique à assistance optique. Les câbles électriques étaient ici remplacés par de la fibre optique permettant de transporter plus de données dans un temps bien moindre. La réactivité homme/machine était de ce fait accrue.
Le 29 janvier 2016 le prototype de l’ATD-X fut officiellement présenté au monde. Il reçut ce même jour sa désignation de Mitsubishi X-2 Shinshin. Dès lors les communicants japonais durent batailler avec les médias pour expliquer qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau chasseur de 5e génération mais bien d’un avion dédié uniquement aux essais en vol. Le 22 avril suivant l’avion décolla de l’usine Mitsubishi de Nagoya afin de rejoindre la base aérienne de Gifu, siège de l’Hikou Kai Hatsujikkendan. Il s’agit de l’équivalent japonais de notre DGA Essais en Vol française. Ce transit aérien de 26 minutes fut également le premier vol du X-2.
Désormais l’avion était entre les mains des militaires et plus particulièrement de l’ATLA, l’Acquisition Technology Logistics Agency. Officiellement cinquante vols étaient prévus.
Malheureusement pour lui le Mitsubishi X-2 Shinshin ne les réalisa pas tous. Il fut stoppé en mars 2018 après son trente-quatrième vol d’essais. L’avionneur, le motoriste, et les militaires avaient récoltés les informations dont ils avaient besoin. L’avion avait surtout mené sa mission première : démontrer au monde entier la capacité japonaise à développer un avion furtif. Les données récoltées ont depuis été versée au programme euro-japonais GCAP de chasseur de 6e génération.
Sept ans après l’arrêt de son exploitation le Mitsubishi X-2 Shinshin n’a toujours pas été versé à un musée. Il est toujours stocké sur la base aérienne de Gifu, auprès de l’Hikou Kai Hatsujikkendan. Ce qui laisse à supposer certains qu’il pourrait revoler tôt ou tard, notamment dans le cadre du programme GCAP. Rappelons que Mitsubishi assemble désormais sous licence le Lockheed-Martin F-35A Lightning II. Finalement la Kōkū Jieitai a obtenu des États-Unis des chasseurs furtifs !
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