Dans notre société surmédiatisée, le moindre accident d’aéronef prend des proportions hors du commun avec une couverture journalistique minute par minute, souvent d’ailleurs pour ne rien dire. Mais peu de nos tragédies contemporaines ont eu autant d’impact que celle qui frappa l’Allemagne et les États-Unis le 6 mai 1937 : l’écrasement et l’incendie qui s’en suivit du dirigeable commercial Zeppelin LZ 129 Hindenburg.
Près de 80 ans après, cette tragédie demeure dans beaucoup de mémoires comme la première véritable catastrophe aérienne de l’Histoire. D’autant plus que des images existent de l’embrasement lui-même, des clichés qui sont bien plus forts et marquants que toutes les photos aériennes de zones de crash comme on peut en rencontrer de nos jours.
Le dirigeable géant allemand : Zeppelin LZ 129 Hindenburg
Dans la seconde moitié des années 1930 les dirigeables géants allemands Zeppelin étaient bien plus que des machines volantes de grande taille, c’était de véritables paquebots volants construits pour une élite passagère triée sur le volet. Ces dirigeables étaient en effet les seuls capables de réaliser des vols transatlantiques dans un confort extraordinaire pour une soixantaine de passagers. Une capacité aérienne qu’aucun hydravion de l’époque ne pouvait atteindre alors.
Le Zeppelin LZ 129 Hindenburg était lors de son entrée en service un an plus tôt le plus perfectionné des grands dirigeables civils allemands. Avec ses quatre moteurs de 1200 chevaux chacun il pouvait filer en croisière à près de 90km/h, une vitesse qui peut sembler faible mais qu’il faut mettre en relation avec ses mensurations plus que titanesques : 245 mètres de long, 43 de haut, jusqu’à 72 passagers et rien moins que 61 membres d’équipage.
Avant la tragédie, le LZ 129 Hindenburg a réalisé 63 croisières transatlantiques, réalisant ainsi près de huit fois l’équivalent du tour de la Terre. La côte est des États-Unis n’était pas son unique destination, certains vols ont permis de rallier l’Allemagne à l’Amérique du sud et notamment au Brésil.
Le dernier voyage et l’accident de Lakehurst
Il fait assez beau, le ciel est sans trop de nuage ce 3 mai 1937 lorsque le grand dirigeable quitte son « port d’attache » de Francfort en Allemagne, à destination de la côte est américaine. L’équipage est au complet mais l’engin n’emporte « que » 36 passagers dans un confort toujours aussi digne des plus grands palaces berlinois, londoniens, ou parisiens. C’est l’insouciance qui règne parmi les passagers.
En trois jours de vol aucun incident majeur n’est à relever pour le commandant de bord et son équipage, la météo au-dessus de l’Atlantique nord est excellente. En fin d’après midi du 6 mai 1937 le géant des airs approche des côtes du New Jersey, après avoir survolé les grattes-ciels new-yorkais. Comme à son habitude le commandant est à la manœuvre pour arrimer le LZ 129 à son mât sur la base aéronavale de Lakehurst, celle-là même qui l’accueille habituellement.
Pour une raison alors inconnue à 19 heures 30, heure locale, l’arrière du dirigeable s’enflamme et l’incendie est d’une redoutable rapidité. Il faut dire que l’enveloppe du Hindenburg est remplie entièrement d’hydrogène un gaz très léger mais redoutablement inflammable. Le LZ 129 prend du gîte et vient rapidement percuté le sol par l’empennage. Les pompiers de la base n’ont pas le temps de se mettre en alerte qu’un incendie visible à des dizaines de kilomètres à la ronde se déclenche.
Plusieurs photographes présents sur la base, comme à chaque arrivée d’un Zeppelin, vont prendre des clichés qui demeureront longtemps dans la mémoire collective. À bord du Hindenburg c’est véritablement un enfer, les températures dépassent les 300 degrés Celsius.
Moins de trois minutes après le début de l’incendie les survivants ont réussi tant bien que mal à évacuer le Hindenburg. Le bilan est cependant très lourd : treize passagers, vingt-et-un membres d’équipage, et un mécanicien de sol sont décédés. On relève également vingt blessés, majoritairement brûlés au deuxième et troisième degrés ou victimes de fractures diverses consécutives à la panique. Les hôpitaux de la région sont en alerte, et ce jusqu’à New York.
L’enquête et les conséquences de la tragédie
De Berlin à Washington on exige des enquêtes minutieuses. En parallèle les dépouilles des victimes allemandes sont rapatriées le 21 mai à bord du LZ 127 Graf Zeppelin, un dirigeable assez similaire au Hindeburg. Deux jours plus tard Adolf Hitler lui-même dirige une cérémonie d’hommage national aux victimes de ce drame. Mais déjà dans l’entourage du dictateur, on esquisse des explications qui vont dans le sens idéologique du régime nazi.
À Lakehurst pourtant les enquêteurs allemands et américains sont loin d’avoir trouvés une explication valable. Il faut savoir que bien que les deux équipes œuvrent sur le même terrain et pour les mêmes raisons, elles ne travaillent pas du tout main dans la main.
Les experts allemands sont pour beaucoup d’entre eux des agents appartenant à la SD (abréviation de Sicherheitsdienst) c’est à dire les services de renseignement des SS. Les enquêteurs américains de leurs côtés sont des agents fédéraux de l’USDC, le département américain du Commerce qui chapeaute alors toutes les questions relatives à l’aviation commerciale.
Et à quelques exceptions près les hommes de la SD ne sont nullement des experts en aéronautique ou en dirigeables. Fort heureusement ils sont bien encadrés par des personnels techniques de la compagnie aérienne Deutsche Zeppelin-Reederei ou DZR. Fait surprenant de nos jours, on compte même quelques survivants du drame parmi les enquêteurs. Ces derniers sont nettement moins des idéologues que leurs collègues SS, et cherchent plus à comprendre les causes de l’accident qu’à trouver un bouc-émissaire, à défaut d’un coupable réel.
Finalement enquêteurs allemands et américains se mettront (temporairement) d’accords sur le fait que cette tragédie demeure un mystère. On approcha longtemps la thèse de l’électricité statique, liée à un des filins tendus depuis le sol, sans pour autant reconnaitre que c’était là la cause exacte de l’accident.
Cette catastrophe mit fin à l’exploitation commerciale des grands dirigeables civils Zeppelin et marqua un renouveau dans celle des hydravions transocéaniques, plus petits certes mais nettement plus sécurisants.
À Berlin les idéologues et théoriciens nazis ne mirent pas longtemps à mettre un nom sur leur coupable idéal : les juifs. Ce drame allait servir l’antisémitisme nazi jusqu’au plus profond de la société allemande de l’époque renforçant un peu plus la main mise de la dictature hitlérienne sur une population qui ne pensait alors déjà plus vraiment par elle-même. La théorie du complot fonctionnait à plein régime.
On pourrait se dire que ce drame allait mettre fin à l’exploitation aéronautique de l’hydrogène ? Il n’en fut rien, comme le démontrèrent tragiquement les explosions en plein vol des navettes spatiales Challenger et Columbia, respectivement en janvier 1986 et février 2003. Dans le cas de cette seconde l’hydrogène n’était pas le seul fautif, on retrouve aussi le très explosif propergol. Sept astronautes sont morts à bord de chacun d’entre-eux.
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