Première liaison aérienne tout électrique… avec un hydravion sexagénaire ?

Croyant avoir affaire à un bon vieux poisson d’avril, j’ai recoupé diverses sources d’information généralement dignes de confiance avant de partager avec vous cette nouvelle pour le moins surprenante. Les premières liaisons aériennes régulières en mode tout électrique pourraient bien se faire à bord d’hydravions sexagénaires reconvertis ! À la fin mars, Harbour Air et le motoriste MagniX annonçaient un projet conjoint visant à électrifier l’ensemble de la flotte de ce transporteur basé au Vancouver Harbour Water Airport. Harbour Air deviendrait ainsi le premier transporteur aérien au monde à propulsion uniquement électrique.

Rappelons qu’Harbour Air opère une quarantaine d’hydravions effectuant de courtes liaisons le long de la côte du Pacifique. Ses avions de prédilection sont des increvables DHC-2 Beaver et DHC-3 Otter, auxquels s’ajoutent quelques DHC-6 Twin Otter et C-208 Caravan. La plupart des destinations desservies par ce transporteur local sont généralement à moins d’une trentaine de minutes de vol. Chaque année, ce sont plus d’un demi-million de passagers qui se prévalent des quelques 30 000 vols offerts par Harbour Air vers une douzaine de destinations. La fibre environnementale d’Harbour Air ne date pas d’hier puisqu’en 2007 il devenait le premier transporteur aérien carboneutre en Amérique du Nord grâce à l’achat de crédits compensatoires.

DHC-2 Beaver
DHC-3 Turbo Otter
DHC-6 Twin Otter

De son côté, MagniX est un nouveau venu dans le domaine aéronautique. Fondée en Australie, cette entreprise a récemment déménagé son siège social à Seattle aux États-Unis. MagniX développe des moteurs électriques avec l’objectif de maximiser la puissance tout en réduisant le plus possible leur masse.

Essai statique du moteur électrique MagniX de 350 ch

La prochaine étape prévue à l’automne 2019 est de faire voler un monomoteur C-208 Caravan avec un moteur MagniX de 750 ch. Le premier DHC-2 Beaver électrifié d’Harbour Air est censé prendre son envol d’ici la fin de l’année. La conversion d’un bimoteur DHC-6 Twin Otter est également dans les cartons. Plus léger que ses prédécesseurs grâce à l’emploi de matériaux composites, le Viking Twin Otter 400 serait sans doute un excellent candidat pour la suite des choses. Avec les piles rechargeables actuellement disponibles sur le marché, l’autonomie de vol anticipé pour les appareils d’Harbour Air est d’une trentaine de minutes, avec une réserve additionnelle d’une demi-heure en cas de besoin. La technologie évoluant rapidement dans ce domaine, MagniX anticipe que dans moins d’une dizaine d’années l’autonomie des avions propulsés par ses moteurs électriques pourrait atteindre 1 500 km, couvrant ainsi le créneau des liaisons régionales qui représentent environ 75% des vols commerciaux dans le monde.

Cessna C-208 Caravan

D’autres entreprises nord-américaines lorgnent également le marché de l’électrification du transport aérien. Mentionnons Zunum Aero, appuyé par Boeing Horizon et Jet Blue Technologie Ventures, qui travaille depuis 2013 à développer un avion de transport régional d’une douzaine de sièges doté d’un système de propulsion hybride électrique/ turbomoteur-turbine d’appoint. Il est prévu que cet avion vole pour une première fois en 2020. Un tel système hybride permet d’accroître dès maintenant la distance franchissable actuellement limitée par la capacité des piles.

Entretemps, d’autres transporteurs effectuant de courtes liaisons aériennes pourraient bien imiter Harbour Air, si le projet s’avère concluant. Une telle option de conversion d’avions est fort attractive, particulièrement dans les États comme la Colombie-Britannique et le Québec où l’électricité est peu dispendieuse et provenant à plus de 95% des forces hydraulique et éolienne. Au-delà des considérations environnementales, le carburant peut représenter de 30 à 50% des coûts d’opération d’un transporteur aérien, sans compter les dispendieuses révisions mécaniques périodiques des moteurs à essence. Il n’y a pas si longtemps, les automobiles électriques étaient perçues comme marginales alors qu’elles domineront les routes dans un avenir pas si lointain. Sommes-nous aussi à l’aube d’une telle révolution dans le domaine des liaisons aériennes locales et régionales ?

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Marcel
Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

5 réponses

  1. Donc l’autorité de l’aviation civile canadienne autorise le recours à de tels avions pour transporter des passagers, c’est génial ça. Pas sûr qu’en France la DGAC soit aussi progressiste sur la question.

    1. @ Arnaud
      On est en droit de penser comme vous, dans la mesure où les taxes sur le carburant représentent une manne fiscale indispensable.
      On peut aussi penser le contraire qu’avec le passage à l’électrique, les abords des activités aériennes seront plus silencieux, les vols plus rentables, et le bilan carbone amélioré.
      Mais il faut conclure : si l’expérience est positive, la remotorisation vers l’électrique se fera à grande allure : les volumes de matériels aéronautique étant moindre que le parc automobile mondial, il y a une meilleure réactivité. À quand l’électrification des poids lourd et des autoroutes ? On sait le faire pour les transports en commun urbain.

    2. Les moteurs ainsi que les avions modifiés devront être certifiés par les agences fédérales canadienne et américaines compétentes avant d’entrer en service. Une étape essentielle à franchir évidemment.

  2. La plupart des gens ne sont pas au courant, car cette info a été très peut relayée, mais c’est « officiel » : d’après l’Agence Internationale de l’Energie (agence de l’OCDE ,30 pays membres) , alors que la demande en pétrole continue de croître (soutenue par la croissance en Asie) le pic de production de pétrole conventionnel a été atteint en 2008 (world energy report 2018) ou 2006 (world energy report 2010), le pic pétrolier « tout pétrole » devrait avoir lieu d’ici 2025, avec des possibilités de difficultés d’approvisionnement en Europe dès fin 2021:
    La disponibilité en pétrole est actuellement maintenue « grâce » aux pétroles non conventionnels (sables bitumineux au Canada et surtout pétrole de schiste aux Etats-Unis).
    Les États Unis est le seul Pays au monde qui peut actuellement compenser la baisse de production de pétrole conventionnel.
    L’AIE table pour une multiplication par deux de la production de pétrole de schiste aux US d’ici 2025, mais estime qu’il faudrait qu’elle soit multiplié par trois pour soutenir la demande. Ce qui signifie des difficultés d’approvisionnement en pétrole en 2025 et une crise économique mondiale, majeure et durable vers 2026/2027.
    En Europe, 20% de l’approvisionnement proviens de sources déjà en déclin (40%50% de déclin pour la Mer du Nord par exemple, ou bien, la production en Syrie c’est effondrée peut avant la guerre…) et 30% proviens de La Russie, dont l’AIE estime le pic de production vers 2025 mais Le ministre Russe de l’énergie estime qu’il sera là dès fin 2021. Ce qui fait que 50% des source d’approvisionnement Européennes actuelles seraient en déclin fin 2021.

    Pour info, l’AIE n’est pas exactement une bande de d’écolos extrémistes qui crient au loup: d’après the Gardian: « l’institution internationale minimiserait délibérément le danger d’une pénurie de pétrole pour ne pas créer un mouvement de panique ».

    Donc on set dans la merde et ce genre d’initiative set indispensable mais c’est au niveau des Etats qu’il faut agir massivement et dès aujourd’hui.
    NB: et je n’ai pas parlé de climat.

    sources: AIE (notamment p7 du résumé du world energy report 2018), wikipedia, the shift project.

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