Le rôle méconnu des Beaufighter australiens et canadiens le 6 juin 1944.

75ème anniversaire du Débarquement des forces alliées en Normandie oblige voici un petit article historique sur un épisode mal connu de cette période. Dès la nuit du 5 au 6 juin 1944 des avions d’attaque bimoteurs Bristol Beaufighter TF Mk-X appartenant à deux unités respectivement australiennes et canadiennes vont réaliser des survols de la Manche, jusqu’au plus près des côtes françaises. Leur rôle est alors de traquer et de couler les S-Boot, ces tristement célèbres vedettes lance-torpille de la Kriegsmarine. Une mission qu’ils réaliseront également forcément durant toute la journée.

Sur ce cliché les rails lance-roquettes apparaissent bien sous chaque aile.

Pour les stratèges alliés ces Schnellboot sont parmi les pires ennemis sur la Manche. Ils sont rapides, manœuvrables, très lourdement armés (avec outre leurs torpilles des canons de 20mm voire sur les versions les plus récentes des Flak 38 de 37mm particulièrement destructeurs) et surtout assez discrets. Et la Kiegsmarine en possède suffisamment dans la région pour réduire à néant tout espoir d’un Débarquement qui prendrait les forces d’occupation par surprise.

Donc outre les bâtiments de guerre de la Royal Navy et de l’US Navy les amiraux et généraux alliés comptent alors s’appuyer sur l’aviation. Deux escadrilles en particulier ont la lourde tâche de devoir prendre les airs en pleine nuit et traquer ces faiseurs de mort sur les eaux de la Manche. Ce sont les N°455 Squadron de la Royal Australian Air Force et N°404 Squadron de la Royal Canadian Air Force. Toutes deux volent à ce moment là sur le même modèle d’avion : le bimoteur de facture britannique Bristol Beaufighter TF Mk-X. Ce type d’avion à déjà à son active depuis le début de la Seconde Guerre mondial pas mal de S-Boot. Les équipages australiens et canadiens sont même devenus parmi les pires cauchemars de la marine allemande.

Mais cette fois ils vont devoir opérer dans des conditions très particulières. Malgré une météo plus que capricieuse il leur est formellement interdit de se servir de leurs puissants phares nocturnes. Les pilotes australiens et canadiens vont devoir débusquer les Schnellboot à l’œil nu, en se servant uniquement de la lueur lunaire. Et niveau armement afin de leur octroyer un temps de patrouille sur zone le plus long possible ils ont ordre de laisser leurs torpilles à la base. Les vedettes allemandes devront être attaquées et détruites à la roquette à haute vélocité de 127mm. Huit de ces armes puissantes sont embarqués sous chaque avion, quatre par aile. La soute à bombe est quant à elle remplie du plus grand nombre possible de bidons de carburant.
Dernière particularité : en pleine nuit les aviateurs alliés doivent savoir faire la différence entre ces S-Boot qu’ils traquent plutôt habituellement de jour avec les quelques chalutiers français encore autorisés par l’armée allemande à pêcher dans la zone. La Résistance a cependant pour ordre d’empêcher au maximum les pécheurs de prendre la mer ce matin là, entre Le Tréport et Saint-Malo. C’est à dire bien au-delà au nord et à l’ouest des plages du Jour J.

Forcément rien ne va se passer comme prévu. Le premier S-Boot ne sera débusqué par un avion australien que vers 5 heures 10 au matin du mardi 6 juin 1944. En fait le navire léger sortait de son port de Cherbourg et partait en maraude. Les Alliés avaient juste omis de prendre en compte les rapports de la résistance normande qui précisaient depuis plusieurs semaines que les S-Boot ne patrouillaient plus de nuit. Trop de risques pour leurs équipages.
Et très vite la douzaine de vedettes allemandes de la Schnellbootsflottille 9 se retrouve nez à nez avec les premiers bâtiments alliés. Il est un peu plus de 5 heures 30 du matin, et le Débarquement n’est déjà plus un secret pour les forces allemandes.
Sauf pour Adolf Hitler lui-même qui dort paisiblement en Allemagne. Ayant pris un somnifère le dictateur a demandé à ne pas être réveillé par son aide de camp.

Du coup entre la nuit précédente et la journée du 6 juin 1944 les Beaufighter TF Mk-X australiens et canadiens en question vont beaucoup voler pour un résultat finalement assez décevant. Un S-Boot sera effectivement couler par un avion australien tandis que deux autres seront fortement endommagées mais pourront rentrer à Cherbourg. Quelques équipages canadiens vont se hasarder à s’approcher de cet arsenal, mais la puissance de la Flak à sa proximité va les en dissuader. Le jeu n’en vaut pas la chandelle pour l’état-major allié. Désormais les S-Boot ne sortiront quasiment plus jamais du grand port du Cotentin.

Remarquez les bandes d’invasion, propres au Jour J, sur ce Beaufighter TF Mk-X.

Cette petite histoire dans la grande histoire tire ses origines d’un drame très mal vécu par Eisenhower. Le commandant suprême des forces alliées avait ordonné que dans la nuit du 27 au 28 avril 1944 une répétition du Débarquement ait lieu sur la plage anglaise de Slapton Sands dans le Devon. D’une géographie très proche de celle de la Normandie elle était idéale pour ces manœuvres. Il s’agissait de la Tiger Operation. Seulement voilà elles tournèrent au drame quand neuf Schnellboot tombèrent (un peu par hasard) sur l’exercice. Les vedettes allemandes s’étaient perdues dans le brouillard et cherchaient deux convoies navals alliés. Pas une force amphibie qui s’entraînait. Mais bon l’occasion était trop belle pour les Allemands. Deux navires de débarquement furent très vite coulés et un troisième incendié. L’attaque éclair tua 749 marins et soldats alliés et en blessa 108. Les Beaufighter TF Mk-X australiens et canadiens devaient empêcher que cela ne se reproduise le Jour J.
Classée ultra top-secrète par les Américains cette Tiger Operation ne fut révélée que longtemps après la fin de la guerre.

Photos © photothèque du Royal Air Force Museum.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

13 Responses

  1. Super histoire atypique.
    Cela me rappelle la mission si particulière du Groupe de Bombardement ce jour là…
    Les Boston du groupe avait pour mission de larger des fumigènes sur la plage, à haute vitesse et basse altitude, entre les tirs d’artillerie allemands et alliés qui se croisaient… mission qu’ils n’ont pas du refaire souvent par la suite….

    1. À titre très personnel j’ai toujours trouvé que le Bristol Beaufighter était un des avions d’armes britanniques parmi les plus intéressants de cette époque. Et certains savent ici la belle passion que j’ai pour les aéronefs conçus de l’autre côté de la Manche !

      1. Tout à fait d’accord, le Beaufighter et le Mosquito faisaient une belle paire, bien efficace !

  2. Cet appareil est vraiment excellent, il était appelé la mort chuchotante par les allemands… Rapport à ses moteurs Bristol Hercules très silencieux à régime modéré… C’est aussi le premier chasseur de nuit allié équipe de radar… Son armement de bord de 4 canons de 20mm et six à 12 mitrailleuses 303 en faisait un avion redoutable.

    1. Il était appelé « whispering death » par les Japonais 😉 .
      Quant à son armement de bord, je n’ai jamais entendu parler de 12 mitrailleuses de cal.303, avez-vous un lien ou une source à me donner ? Car à ma connaissance, 6 dans les ailes était le nombre standard (4 d’un côté, 2 de l’autre), + 1 en coupole arrière pour l’observateur, en sus des 4 canons Hispano de 20mm, soit un total de 10 armes tirant vers l’avant (d’où le sobriquet de « 10-gun terror », comme l’appelaient affectueusement ses équipages et la propagande britannique).

      Bon, j’avoue, c’est mon appareil britannique préféré… pas tant dans le rôle de chasseur de nuit, mais plutôt d’anti-shipping contre les navires de l’Axe (notamment au sein du Coastal Command), curées qu’il partagea avec les Mosquito, à l’aide de 8 roquettes ou une torpille en sus de l’armement de bord.

      Je ne peux résister à l’envie de partager cette vidéo illustrant ce rôle majeur qu’il joua côté allié (coupez juste le son, la musique est totalement anachronique ^^) : https://www.youtube.com/watch?v=KR2OTc6_3-g

  3. Un avion hyper réussi, et un des premiers appareils qu’on pourrait qualifier de multirôle, chasseur de nuit, chasseur bombardier, torpilleur, avion d’attaque.

    PS: Je trouve qu’il n’y a pas assez de virgules dans vos passionnants articles, cela rendrait vos textes mieux structurés et un peu mieux compréhensibles dès la première lecture 🙂

    1. Tout à fait, la seconde guerre mondiale nous aura donné quelques excellents appareils multirôle. Fait étonnant, ce furent à mon sens tous des bimoteurs (donc pas des chasseurs purs, même si tous eurent leur lot de victoires aériennes dans certaines de leurs variantes).
      Ju-88, B-25, Pe-2/3, et Mosquito notamment, en plus du Beau.

  4. @vark mes infos viennent du livre Night fighter de Ben Sommers… Tout en anglais, les six 303 sup étaient montées en gondoles. Lors du programme Turbin Light, ou des énormes projecteurs étaient montés à la place du nez des Boston, les beau étaient les killers du duo…

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