1er juillet 1984, les biréacteurs commerciaux à l’assaut de l’Atlantique nord.

L’histoire de l’aviation en général, et de l’aviation civile en particulier, se sont faites grâce à diverses évolutions successives. Et celle décidée en ce début juillet 1984 aux États-Unis par la Federal Aviation Administration va bouleverser le transport commercial. Désormais les triréacteurs et quadriréacteurs n’ont plus le monopole des vols entre l’Amérique du nord et l’Europe occidentale. Une (petite) révolution est en marche.

Dans les années 1970 et au début des années 1980 si vous dirigiez une compagnie aérienne et que vous vouliez par exemple relier Boston à Madrid, ou encore Chicago à Paris, voire New York à Londres le choix d’avions de ligne était vite fait. Il fallait que ceux-ci disposent de trois réacteurs minimum et dans le meilleur des cas de quatre. Car trois réacteur n’était pas synonyme d’autorisation immédiate. Des modèles comme le Boeing 727 américain ou encore le Hawker-Siddeley Trident britannique n’y étaient pas autorisés. La puissance de leurs réacteurs respectifs était jugée trop faible par l’OACI, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale.

Il existait alors deux générations d’avions de ligne : les anciens et les nouveaux. Les premiers s’appelaient Boeing 707 et 720, Convair CV-880 et CV-990, et enfin Douglas DC-8. Les seconds étaient les triréacteurs Lockheed L.1011 TriStar et McDonnell-Douglas DC-10 et les quadriréacteurs Aérospatiale/BAC Concorde et Boeing 747 Jumbo Jet. Le choix était donc plutôt mince. Ou tout du moins le semblait t-il. Non pas aux compagnies aériennes, mais bien à deux constructeurs de l’époque : Airbus en Europe occidentale et Boeing aux États-Unis.
En cette première moitié des années 1980 ils ne se livrent pas encore une guerre commerciale sans merci, Airbus est encore un avionneur de petite taille.

Or contre toute attente ils vont s’unir en 1982. Pas un alliance commerciale ou technologique mais bel et bien juridique. Leurs dirigeants veulent faire sauter le verrou légal qui interdit aux avions biréacteurs de traverser l’Atlantique nord. Pour cela il faut que la FAA, la puissante Federal Aviation Administration, fasse pression sur l’OACI afin qu’elle réforme la règlementation appelée ETOPS. Celle-ci signifie Extended-range Twin engines Operations. Elle prévoit alors que pour qu’un avion commercial biréacteur puisse traverser l’océan entre l’Europe occidentale et l’Amérique du nord il doit pouvoir atteindre sur un seul réacteur un aéroport de dégagement en moins de 60 minutes. Ce délai très court oblige alors les biréacteurs à survoler le Groenland, les îles Féroé, ou encore l’Islande. Et cela rallonge ainsi fortement les liaisons transatlantiques rendant l’utilisation des biréacteurs inutiles.

Des essais sont menés dans les années 1970 avec un BAC One-Eleven, un Boeing 737-200, un Douglas DC-9, et une Sud Aviation Caravelle. Et cela ne prouve qu’une chose : ces biréacteurs sont incapables à pleine charge de traverser l’Atlantique nord en respectant la législation ETOPS. Alors pourquoi insister ? Parce que le marché des biréacteurs ont bien changé en ce début des années 1980. Les «petits» mono-couloirs ne sont plus les seuls dans les catalogues des avionneurs. La révolution européenne Airbus vient de passer par là.

Contre toutes attentes et après avoir ferraillé pendant deux ans Airbus et Boeing parviennent à leur fin en mai 1984. La FAA accepte de demander à l’OACI de porter la durer de dégagement de 60 à 120 minutes. Cela ne fera toujours pas l’affaire des Caravelle, DC-9, et consorts. Mais il en est autrement des «gros» Airbus A300-600 et A310-300 et Boeing 757-200 et 767-200. De nouvelle génération ces avions de ligne peuvent parfaitement voler deux heures sur un seul réacteur, ils ont même été pensés de la sorte.
Les pourparlers entre la FAA et l’OACI aboutissent. Le 1er juillet 1984 l’Atlantique nord est ouvert à ces quatre modèles d’avions de ligne biréacteur.
La suprématie des triréacteurs et quadriréacteurs est terminée. Le ciel ne sera plus jamais le même.

Presque 36 ans plus tard cela peut paraître surprenant de se dire qu’on ne pouvait pas traverser l’Atlantique nord sur biréacteur. Aujourd’hui cette région du monde appartient totalement aux A330, A350, 777, et autres 787 Dreamliner… tous biréacteurs.

Photo © Wikimédia Commons.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

8 réponses

  1. Il y a également une raison historique concernant l’interdiction de vol des bimoteurs au-dessus de l’océan : du temps des moteurs à piston, il n’était pas rare qu’un des moteurs tombe en rade sur de longs vols. Par conséquent et pour la sécurité des passagers, les bimoteurs furent interdits de vol au-dessus de l’Atlantique. Ce n’est que lorsque les moteurs à réaction se sont bien établi – et qu’ils ont prouvé leur fiabilité bien supérieure à celle des moteurs à piston – que cette possibilité s’est offerte. La réglementation a, elle, dû suivre, ce qui a duré un long moment…

  2. A part l’A380 qui est en fin de commercialisation, est-ce qu’il existe encore beaucoup d’avion à 3 ou 4 réacteurs en service civile ?

    1. Les Airbus A340 volent encore assez régulièrement ainsi que beaucoup de Boeing 747 Jumbo Jet. Il existe encore quelques Ilyushin Il-96 également, mais de manière très marginale.

  3. Pour certaines liaisons, les tri ou quadri réacteurs peuvent emprunter des trajets plus directs, gardant ainsi un petit avantage

  4. L’Airbus A350XWB est certifié ETOPS370 un record, et il y a même la 420 de prévue. Il peut survoler toute la planète à l’exception d’une partie de l’Antarctique. C’est mieux que les quadriréacteurs A340 ou 747 qui eux sont ETOPS330 comme les Boeing 777 ou 787. Avoir une certification ETOPS élevé c’est faire des trajets plus direct donc des trajets plus court.

    1. Au risque de paraître ignare, « ETOPS 370 » ça veut dire que l’avion peut être à 370 minutes, soit 6h et des poussières de l’aéroport le plus proche ?

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