Et si l’Italie claquait la porte du programme de chasseur furtif Tempest ?

C’est un effet collatéral de la crise franco-australienne des sous-marins que Londres n’avait sans doute pas anticipé. Plusieurs parlementaires italiens plaident désormais pour une sortie des groupes Avio et Leonardo de la Team Tempest montée avec BAE Systems, Thales UK, et Rolls-Royce. Ces mêmes élus ne cachent plus leur ambition de voir l’Italie rejoindre le programme européen SCAF piloté par Airbus DS et Dassault Aviation. Le Royaume-Uni se retrouverait ainsi seul aux commandes, avec seulement l’avionneur suédois SAAB comme sous-traitant.

Ces élus italiens, aussi bien de droite que de gauche, sont d’accord sur un point : l’annulation de la commande des sous-marins français par l’Australie au profit d’un forcing anglo-américain n’est pas du tout un bon signe envoyé pour l’Europe de défense. En fait les parlementaires italiens craignent, sans doute à juste titre, une résurgence forte de la politique dite des Five Eyes. Pour mémoire il s’agit d’une alliance remontant à la Seconde Guerre mondiale, regroupant le Royaume-Uni et quatre de ses anciennes colonies : Australie, Canada, États-Unis, et Nouvelle-Zélande. D’ores et déjà les parlementaires transalpins dénoncent une réorientation de la politique britannique vers Washington, principalement depuis l’acte politique du Brexit.
Sauf que l’Italie ne veut pas entendre parler d’un tel axe, préférant s’orienter vers une Europe de défense telle que celle prônée par des pays comme la Belgique, l’Espagne, et la France, et dans une moindre mesure l’Allemagne et le Portugal.

Aussi ils voient donc dans la crise franco-australienne la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pour ces parlementaires, une petite quinzaine à peine, une sortie de l’avionneur Leonardo et de l’équipementier Avio du programme Team Tempest semble désormais inévitable. Ils l’appellent même de leurs vœux au plus vite, si possible avant la fin de l’année. Pourquoi une telle précipitation ? Parce que majoritairement ils plaident également pour l’ouverture de pourparlers avec Airbus DS et Dassault Aviation afin d’intégrer le programme SCAF. Ce dernier deviendrait ainsi totalement européen !

En fait depuis juillet 2021 les Italiens font la grimace. Ils voulaient le montage d’un consortium identique dans la forme à ce qui se fit en 1969 avec Panavia Aircraft et en 1986 avec Eurofighter GmbH. En lieu et place il a été décidé par les Britanniques, tous seuls dans leur coin, que l’avion s’appellerait BAE Systems Tempest. Leonardo passait donc de facto au second plan.

On le comprend, désormais l’alliance anglo-italienne a du plomb dans l’aile. L’époque où Londres et Rome filaient le parfait amour industriel semble bel et bien terminé. À la décharge des Britanniques l’aventure Agusta-Westland qui a vu leur totale perte d’influence dans le domaine des hélicoptères au profit des Italiens a forcément laissé des traces. Ont t-ils voulu prendre leur revanche avec le Tempest ? Ce n’est pas impossible, mais si c’est le cas c’est totalement stupide car les deux domaines aéronautiques n’ont rien à voir.
Reste à savoir si cette quinzaine de parlementaire réussira à convaincre la majorité de claquer la porte du programme et de laisser BAE Systems, Thales UK, et Rolls-Royce se débrouiller seuls.
Affaire donc à suivre.

Illustration © Leonardo

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

12 réponses

  1. Vu la difficulté des négociation entre les partenaires actuels, je ne suis pas sur que ce soit une bonne nouvelle.
    Maintenant un plus gros carnet de commande potentiel ça peut aider.

  2. Si c’est sur pied d’égalité avec la France et l’Allemagne OK au Scaf autrement il y a de forte chance que l’Italie continuera sa politique actuelle

  3. Ok si dassault reste maitre d’oeuvre.
    Pas ok si c’est pour avoir le même genre de montage que pour l’eurofihter….Par contre on pourrait en profiter pour négocier auprès des italiens quelques helicopteres merlin et un lot de chasseurs de chars centauro 2…..

    1. Avec votre commentaire on reconnait bien là la patte française sur les programmes européens. En fait il faudrait presque à vous lire que le SCAF soit franco-européen plus qu’européen avec des Français à l’intérieur. Et le partage industriel vous en faites quoi ?

      1. Ok , alors on va faire un super eurofighter mal ficelé et trop cher ….
        Un avion de chasse ce n’est pas un airbus.
        Mais le scaf devrait équiper le maximum d’armées européennes avec des pilotes européens et si il y a des équipements européens c’est parfait. Simplement il faut un maitre d’oeuvre au final.

        1. Si j’en crois ce que vous écrivez le maître d’œuvre doit forcément être français ? En l’objet Dassault Aviation… je me trompe ?

  4. Ce n’est qu’un coup politique mais si il va à son terme, il se transformera en coup de poignard.
    Détricoter l’accord Italie-Grande Bretagne sera de toutes manières coûteux et long… Mais l’attention est là est c’est une bonne chose que les Transalpins s’inquiètent de leur investissement.

  5. Au sujet du SCAF on pourrais constituer un bureau d’études regroupant tous les pays concernés .
    Il faut travailler ensemble à part égale de charge de travail ou au moins en proportion des investissements de chacun.
    Bien sûr qu’il n’est pas question de monopoliser quoi que ce soit .
    Mais si au final travailler à plusieurs nous reviens à payer plus cher à l’unité avec moins d’efficacité je ne vois pas l’intérêt.
    Si le seul but est de « partager » le savoir faire de Dassault à son détriment autant rester seul , à moins de réellement mutualiser l’expertise des pays partenaires.
    Maintenant je ne donne que mon avis personnel et je ne prétends pas connaître toutes les données du sujet.
    Je ne suis pas psychorigide, rassurez vous.
    Amicalement Sylvain

  6. Oui, bon avec les politiques, méfions nous, surtout s’ils ne sont que quelques-uns, potentiellement encouragés par tel ou tel industriel. Ce que je veux dire, c’est qu’on ne sait pas ce qu’il y a réellement derrière ces paroles. On peut spéculer plein de choses (à tords ou à raison): Peut être ce n’est qu’une manœuvre pour obtenir une part plus importante du projet temptest, Peut être que airbus allemagne et leonardo manœuvrent ensemble pour détrôner Dassault de la maitrise d’œuvre.
    En tout cas si un jour l’Italie et Leonardo quittent le programme temptest parce qu’ils sont trop au second plan, c’est qu’ils ont acquis la garantie qu’ils ne le seraient pas dans le projet SCAF/NGF. Ce seraient donc après des re-négociations probablement à n’en plus finir, l’Allemagne (Airbus, MTU) et la France (Dassault, Safran Aircraft Engines) voulant toujours la plus grosse part du gâteau, sans oublier qu’il y a aussi l’Espagne (airbus, Rolls Royce) et donc des retards avant même que le programme ne commence.

    De plus qu’arriverait il à la grande Bretagne, le programme temptest ne serait il pas menacé? Ne serait ils pas forcé dfe renégocier pour garantir la présence de l’Italie au sein de leur projet?

    Donc ne nous enflammons pas,: wait and see.

    1. Il est bon de rappeler que les « très gros intérêt » auxquels vous faites références sont avant tout liés aux hélicoptères, au travers en l’occurence de la chaîne d’assemblage des AW.159 Wildcat. Ceux-ci sont secondaires vis-à-vis des aéronefs à voilure fixe et notamment de la Team Tempest.

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