Elle devient le deuxième pays européen à refuser le chasseur américain de 5e génération, après l’Autriche à l’automne 2022. L’information révélée ce mercredi 6 août 2025 est sans appel : l’Espagne n’investira pas dans le Lockheed-Martin F-35 Lightning II. Et cela concerne aussi bien l’Ejercito del Aire y del Espacio que l’Armada Española, donc les versions Alpha et Bravo de l’avion. Madrid en a profité pour réaffirmer son attachement au programme SCAF dirigé par les groupes Airbus et Dassault Aviation.
Jusqu’à très récemment on croyait que l’Armada Española craquerait et ferait l’acquisition d’un lot de quinze à vingt F-35B Lightning II afin de remplacer ses actuels McDonnell-Douglas AV-8B Harrier II. Elle aurait ainsi suivi le chemin tracé par l’US Marines Corps et la Marina Miliare, et dans une certaine mesure par la Royal Air Force. Il n’en sera rien. Madrid met fin à plus de trois ans de négociations avec Lockheed-Martin et les autorités de Washington DC. En filigrane c’est la future mort, ou tout le moins une très longue mise en sommeil, de la chasse embarquée espagnole. Le porte-avions Juan Carlos I est d’ores et déjà prévu pour une réarticulation autour des voilures tournantes et du drone SiRTAP d’Airbus Defence dont les premiers essais de navalisation ont eu lieu en début d’année à bord du… Juan Carlos I. L’Armada Española avait visiblement déjà prévu un plan B en cas d’échec des négociations autour du F-35B Lightning II.
Madrid et Lockheed-Martin négociaient également une possible commande d’une quarantaine de F-35A Lightning II afin de remplacer les vieux McDonnell-Douglas F/A-18A+/B+ Hornet actuellement en dotation au sein de l’Ejercito del Aire y del Espacio. Le ratage de l’avionneur américain est donc double car là l’argument du SCAF fait mouche. D’autant que Madrid a commandé fin2024 des Typhoon Tranche 4 qui feront parfaitement l’affaire en intérim. Un avion de transition particulièrement grand luxe si je peux me permettre.
De l’autre côté des Pyrénées la décision du gouvernement Sanchez (coalition socialiste et écologistes) ne fait cependant pas l’unanimité. L’opposition (droite et extrême droite) généralement plus atlantiste qu’européenne y voit une faute grave pour l’avenir de l’Espagne. Elle reproche à Pedro Sanchez de privilégier un rapprochement avec Emmanuel Macron plutôt qu’avec Donald Trump. Et au-delà du pragmatisme autour du programme SCAF l’autre raison est sans doute là : le premier ministre espagnol a vertement critiqué les 15% de surtaxation douanière infligée aux pays de l’Union Européenne par le Président des États-Unis. Il se pourrait donc bien que Donald Trump et Lockheed-Martin payent ici la politique de pression fiscale des USA contre leurs partenaires économiques.
Quoiqu’il en soit c’est un été particulièrement pourri pour Lockheed-Martin. Le refus indien la semaine dernière a été très mal perçu outre-Atlantique. De surcroit une décision portugaise, qu’on annonce imminente, devrait voir les General Dynamics F-16MLU Fighting Falcon actuellement en dotation prolongés de quelques années supplémentaires au détriment donc du F-35A Lightning II. Les quatre flamboyantes années du mandat Biden sont bel et bien terminées pour l’avionneur américain, retour à la triste réalité : Donald Trump.
Affaire à suivre
Photo © US Marines Corps
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2 réponses
Le vent semble (légèrement) tourner pour LM : refus de la part de l’Inde, du Portugal, puis aujourd’hui de l’Espagne. Mister TACO et son étonnante conception du « deal » à géométrie variable commence à en refroidir plus d’un. Quoique… ? D’autres font amende honorable comme l’Allemagne (l’ombre de la WW II est encore bien prégnant), le Danemark, où après s’être fait copieusement insultée au téléphone et menacée dans le même temps pour l’annexion du territoire groenlandais, la 1ere ministre a remis le couvert. Totalement incompréhensible, au vu des déclarations récentes de l’Union Européenne de s’équiper pour une défense… européenne. Sommes-nous dirigés par des fossoyeurs, à commencer par UVDL ? Allez comprendre !
Fort heureusement, il n’y a pas que le « politique » ou le « financier » qui rentre désormais en ligne de compte. L’autre paramètre est la montée en puissance de solutions alternatives industrielles avec les projets SCAF ou Tempest par exemple, certes encore embryonnaires et parfois chaotiques. Par cette décision, l’Espagne est précurseur et a montré la voie à suivre, même si le chemin sera long et semé d’embûches. Une défense européenne indépendante est à ce prix. Le temps presse car Poutler ne nous attendra pas et l’Amérique, quel que soit l’hôte de la Maison Blanche, aura de moins en moins l’envie de sacrifier ses boys pour une cause qui n’est désormais plus la leur.
Lors de l’annonce de la non commande de F35B, je me posais la question de l’avenir de leur porte-aéronefs, j’ai la réponse, merci.
L’intérêt d’une chasse embarquée est la projection de force. L’Espagne fait visiblement le choix de renoncer à cette projection pour se concentrer sur la défense de son territoire (et du territoire Otanien). L’avenir dira si c’est un bon choix.
Est-ce qu’ils ont prévus d’augmenter leur capacité de ravitaillement en vol pour compenser la perte de projection? Un chasseur terrestre actuel peut aller très loin si on le ravitaille, ce qui compense en partie la perte de projection du porte-avion.
Autre question : Je sais que le concept SCAF n’est visiblement pas vraiment défini mais sait-on si il est prévu pour décoller d’un Catobar? La France veut que le chasseur SCAF soit embarqué. Il serait VTOL?