Ne cherchez pas les avions aussi mythiques que lui dans l’histoire de l’aviation militaire, voire même de l’aviation tout court, ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Le Lockheed U-2 est aujourd’hui encore un des jets les plus fabuleux qu’il soit, alors même qu’il vola pour la première fois le lundi 1er août 1955. Le plus beau dans son histoire c’est qu’il est toujours opérationnel au sein du 9th Reconnaissance Wing de l’US Air Force. Avec lui c’est 70 ans à 70 000 pieds, son altitude de croisière.
Tout ou presque a été écrit sur lui. Il faut dire qu’en 70 ans d’existence il en a fait couler de l’encre le bougre. Le Lockheed U-2 c’est depuis deux générations et demi un des mètres étalons de l’aviation un peu comme le Nieuport XI, le Douglas C-47 Skytrain, le Supermarine Spitfire, ou encore le Boeing 747. Ce que Kelly Johnson et les ingénieurs des Skunk Works ont réalisé au début des années 1950 c’est avant tout un coup de génie. Et un monstrueux pari ! Car fondamentalement l’U-2 demeure un des avions les plus lents de sa catégorie, mais aussi un des moins manœuvrables, et aux décollages et atterrissages parfois rocambolesques. Pourtant il marche. Ou plutôt il vole. Et depuis 70 ans il vole même très bien. Bien sûr certains ont été perdu en opérations, le plus célèbre étant celui de Gary Powers descendu le 1er mai 1960, mais c’est loin d’être le seul. L’US Air Force reconnait la perte en mission d’au moins vingt-et-un exemplaires. La réalité pourrait osciller entre trente et trente-cinq avions perdus. On ne le saura jamais puisque leurs pilotes opéraient pour la CIA.

Très honnêtement les aviateurs et les espions américains avaient un culot monstre d’envoyer des pilotes de chasse violer en profondeur l’espace aérien soviétique afin de recueillir le précieux renseignement. En 70 ans le Lockheed U-2 a volé à peu près partout où l’Amérique avait besoin de lui : URSS et Cuba bien sûr mais aussi Chine, Vietnam, Iran, Irak, ou même plus récemment la Mer Noire. L’une des forces du U-2 c’est d’avoir enterré deux de ses présumés successeurs : le Martin RB-57 Intruder et surtout le Lockheed SR-71 Blackbird. Eux sont désormais des pièces de musée, l’U-2 de son côté vole encore. À priori pourtant plus pour très longtemps puisqu’il doit être retiré du service l’an prochain. Gros souci son successeur naturel doit lui aussi bientôt quitter le devant de la scène dans les prochains mois : le drone HALE Northrop Grumman RQ-4 Global Hawk. Si on excepte les très mystérieux drones furtifs Lockheed Martin RQ-170 Sentinel et Northrop Grumman RQ-180 Great White Bat l’US Air Force n’a plus d’avions de reconnaissance stratégique digne de ce nom. Il se murmure de plus en plus que malgré son retrait annoncé pour 2026 il sera encore là en 2027 ou 2028. En fait c’est simple plus la retraite s’approche pour lui et plus elle s’éloigne.

Je ne sais pas si nous célèbreront les 80 ans de l’avion mais mon petit doigt me dit que ses 75 ans avec l’avion encore opérationnel est loin d’être une idée délirante. Le Lockheed U-2 en est capable ! Joyeux anniversaire au plus bel avion espion de tous les temps. Avis totalement personnel et absolument pas impartial.
Photos © Lockheed-Martin et US Air Force.
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6 réponses
L’avènement des satellites d’observation, leurs améliorations optiques et leur permanence font que les vols de U2 sont de moins en moins critiques pour recueillir du renseignement. Ce n’est pas plus mal pour les pilotes, qui n’ont plus à serrer les fesses en priant de ne pas se faire intercepter !
Le problème des satellites c’est qu’ils sont prévisibles… donc ils ne peuvent pas remplacer intégralement le travail « manuel »…
sinon concernant le U-2, le plus culotté fut quand même la version navalisée qui a été envoyée espionner les essais nucléaires… français dans le Pacifique… depuis l’USS Ranger !
C’est dingue que ce dinosaure volant soit encore en service de nos jours à l’ère des satellites et des drones HALE.
Pour l’anecdote c’est un avion très difficile à piloter car à haute altitude, c’est à dire 21000 mètres, l’atmosphère se fait rare, il ne faut pas que l’avion décroche en perdant de la portance mais aussi vu que la vitesse du son diminue selon l’altitude il ne faut pas que l’avion approche une vitesse transsonique, c’est à dire proche de mach 1, sans le vouloir. L’avion serait dangereusement déstabilisé. Parfois il n’y a qu’une différence de 30 km/h entre la vitesse minimale et la vitesse maximale à respecter, ce qui nécessite une attention particulière du pilote durant toute cette phase.
Dimitri ce n’est pas tout à fait ça l’explication (enfin il me semble, je peux me tromper). La Vmax (VNE, vector never exceed) du U2 est de mach 0,65, il n’est donc nullement question d’approcher la vitesse du son, qui ne baisse pas dans de si importantes proportions (environ 1220 km/h au niveau de la mer, 980 km/h à 24000 m soit mach 0,8). Le Lockheed U2 peut être comparé à un planeur lourd motorisé.
Et lorsqu’on monte en altitude avec un planeur (record absolu 22657 m, en 2018, quand même) le domaine de vol se retrécit avec une VNE qui se rapproche aussi de la vitesse de décrochage en atmosphère raréfiée. La VNE en air calme d’un planeur est de l’ordre de 300 km/h.
Le risque, c’est qu’en écoulement laminaire (seul le vol d’onde permet d’atteindre les hautes altitudes), le frottement de l’air fasse vibrer à fréquence constante la structure du planeur (on les entends parfois « chanter » les grandes plumes) jusqu’à l’apparition, au dessus de la VNE, de phénomènes de résonance qui peuvent détruire la structure du planeur. Et avec l’altitude, la vitesse indiquée par le badin est faussée du fait de la baisse de la pression atmosphérique: il faut ajouter 1% par tranche de 600 pieds): la vitesse vraie de l’écoulement de l’air devient nettement supérieure à celle mesurée par le badin. C’est pourquoi ces vols sont si délicats.
J’espère que mes souvenirs d’ancien vélivole ne me trahissent pas
En faisant les calculs c’est vous qui avez totalement raison. A 70000 pieds la vitesse d’écoulement de l’air est 3,5 x plus rapide que celle indiquée par le badin… Un U2 volant à 285 km/h au badin à une telle altitude a en réalité de l’air qui s’écoule à 1000km/h autour de lui… Sûr qu’aborder le domaine transsonique avec des grandes plumes droites n’est pas une situation d’avenir.
Mea culpa.
Bonjour,
C’est vrai que l’avion était tellement bon qu’ils ont réouvert la chaine de fabrication pour en refabriquer des neufs?