Adolescent, je suis tombé par hasard sur un roman ayant pour toile de fond les aventures de l’explorateur viking Leif Erikson. Il n’en fallait pas plus pour susciter une fascination qui perdure à ce jour. S’ensuit des lectures sur la Saga d’Erik le Rouge qui relate les découvertes du Groenland et de terres plus à l’Ouest. Lors d’un voyage à Terre-Neuve il y a quelques années, l’Anse aux Meadows était donc un arrêt incontournable pour moi. Ce site archéologique, où l’on retrouve des habitations vikings reconstituées et des animateurs en costumes d’époque, est le seul endroit en Amérique du Nord où on a découvert à ce jour des vestiges incontestables d’occupation des Vikings remontant au onzième siècle. Presque cinq cents ans avant Christophe Colomb, Leif Erikson a indubitablement découvert l’Amérique, n’en déplaise à nos amis espagnols ! Dans les Sagas de Vinland, des indices laissent croire que le fils d’Erik le Rouge a poursuivi l’exploration du nouveau monde jusque dans le Golfe du Saint-Laurent. J’aime croire que Leif Erikson aurait même remonté le grand fleuve jusqu’à l’île d’Orléans près de chez-moi ! Celle là-même que Jacques Cartier a surnommée l’Isle de Bacchus, un demi millénaire plus tard, dû à la présence de vignes sauvages. Lorsque je fréquente les vignobles de l’Île d’Orléans, je me dis que ce paysage correspond davantage au mythique Vinland que l’austère Anse au Meadows située dans la taïga !
J’entend vous exclamer: Par Odin ! Qu’est-ce que les Vikings ont à voir avec l’aviation ? Disons que je ne suis pas le seul fasciné par l’histoire des Vikings. Bien plus que de redoutables guerriers, les Vikings fabriquaient d’excellents bateaux et maîtrisaient l’art de la navigation. Il n’est donc pas étonnant que certains constructeurs aéronautiques se soient inspirés de ces courageux navigateurs pour nommer leurs avions. Le premier aéronef à porter ce nom fut le Vickers Viking. Les débuts de cet avion amphibie britannique fut marqué par un drame retentissant. Alors qu’il se rendait à l’Exposition universelle de Paris, John Alcock trouva la mort en décembre 1919 lors d’un atterrissage d’urgence sur la Côte d’Évrard en Normandie… terre d’accueil des Vikings en France. La même année en juin, lui et Arthur W. Brown avaient accompli l’exploit de la première traversée transatlantique sans escale entre Terre-Neuve et l’Irlande, à bord d’un avion Vickers Vimy.

La production du Canadian Vickers Viking IV débuta à Montréal en 1923 pour équiper la toute nouvelle Aviation royale canadienne qui naquit l’année suivante. Cette version canadienne de l’hydravion britannique fut notamment utilisée pour effectuer des relevés aériens afin de cartographier le vaste territoire nordique de ce pays. Premier aéronef assemblé par Canadian Vickers, il a ouvert la voie aux hydravions de conception canadienne, dont le premier fut le Vedette.

Premier succès commercial d’après-guerre de l’avionneur britannique, le bimoteur Vickers VC.1 Viking a sillonné les cieux un peu partout dans le monde. Sans doute le client le plus prestigieux de cet avion fut le King’s Flight qui l’utilisa pour transporter les membres de la monarchie britannique. Fait amusant à rappeler: les têtes couronnées de la Grande-Bretagne ont du sang viking dans les veines depuis le couronnement de Guillaume le Conquérant.

Le Vickers Viking se distingue aussi pour avoir donné naissance au premier avion de ligne à réaction de l’histoire. Doté de réacteurs Rolls-Royce Nene, remplaçant les moteurs Bristol Hercules d’origine, le Vickers 618 Nene Viking effectua son premier vol le 6 avril 1948. Pour souligner le 39ème anniversaire de la traversée de la Manche par Blériot, le Nene Viking effectua la liaison Londres (Heathrow) – Paris (Villacoublay) dans la matinée du 25 juillet 1948 avec 24 passagers à bord. Une autre première mondiale pour cet avion expérimental !

Lancé en 1968, l’avion de tourisme à quatre places Bellanca Viking n’est pas aussi célèbre. Tout de même assemblés à plus de 1350 exemplaires à l’usine Bellanca au Minnesota, le nom Viking lui fut attribué pour honorer les nombreux travailleurs d’origine scandinave ayant immigré dans cet État américain. On trouve même une statue de Leif Erikson près du Capitole du Minnesota ! La production du Super Viking, (une version plus évoluée) cessa en 1975. Cet avion traîne la triste distinction d’être le dernier succès commercial de l’avionneur Bellanca qui conçut pourtant des avions innovants comme les Pacemaker et Airbus.

Voilà très certainement un aéronef connu par encore moins d’aérophiles. Le bimoteur Vance Viking était un avion-cargo rapide, à très long rayon d’action et capable de voler à très haute altitude. L’entreprise Vance Aircraft Corporation fut fondée par Claire K. Vance, un pilote célèbre de l’US Air Mail Service. Ayant effectué son premier vol en juillet 1932, le Vance Viking ne fut fabriqué qu’à un seul exemplaire malgré ses performances remarquables. Son promoteur est décédé en décembre 1932, lorsque que le Boeing Model 40 qu’il pilotait a heurté une colline cachée par le brouillard de la côte californienne. Cette aile volante bi-poutre aurait-elle inspiré les concepteurs du célèbre Lockheed P-38 Lightning ? Fait à souligner, le patronyme Vance aurait des origines écossaises et normandes.

Redouté avion embarqué de lutte anti-sous-marine, le choix de nom du Lockheed S-3 Viking s’imposait de lui-même. Successeur du Grumman S-2 Tracker, il est entré en service actif à compter de 1974. À partir de 1987, la majorité des S-3A ont été progressivement modernisés au standard S-3B capables de tirer des missiles anti-navires AGM-84 Harpoon. De la Guerre froide, en passant par la Guerre du Golfe et même transformé en avion de ravitaillement pour la traque des terroristes islamistes en Afghanistan, le valeureux S-3 Viking a terminé sa carrière opérationnelle en 2009 en laissant un grand vide. Tel un Jörmungand (Serpent de mer), l’idée d’une remise en service des S-3 Viking entreposés dans le désert de l’Arizona à Davis-Monthan AFB refit surface à quelques occasions. Lockheed Martin a notamment proposé des S-3 remis à neuf pour remplacer les appareils Grumman C-2A Greyhound utilisés pour les missions de ravitaillement en vol. C’est finalement le Boeing V-22 Osprey qui fut retenu à cette fin. Face aux problèmes récurrents du Osprey, parions que plusieurs pensent encore au bon vieux Viking.

Autre mot utilisé pour désigner un Viking, Norseman (Homme du Nord) est également le nom attribué à un avion de brousse canadien, soit le Noorduyn Norseman. Bien adapté aux milieux nordiques comme son nom l’indique, cet avion a rendu de fiers services dans les régions sauvages, tant en Amérique du Nord qu’en Scandinavie. Témoignant de l’appréciation à l’égard de ce broussard nordique, un appareil Norseman ayant conservé sa livrée de l’Aviation royale norvégienne vole toujours aujourd’hui pour la plus grande joie des amateurs scandinaves de vieux coucous.

Notons par ailleurs que le constructeur aéronautique canadien Viking Air a évité que le tout aussi légendaire avion de brousse Twin Otter soit destiné au Helheim (Royaume des morts dans la mythologie scandinave). Norvégien ayant immigré au Canada, le fondateur de cette entreprise eut la brillante idée d’en relancer la production après une vingtaine d’années d’interruption. Notons que la production du Viking Twin Otter 400 est désormais assurée par De Havilland Canada qui a gobé Viking Air.

Enfin, saviez-vous que chaque avion de la Scandinavian Airlines System (SAS) est baptisé d’un nom viking ? Cette tradition remonte aux débuts de SAS en 1946. Du Douglas DC-3 Fridtjof Viking encore en état de vol, jusqu’au contemporain Airbus A350 Ingeborg Viking, les Scandinaves ont délaissé leurs drakkars pour prendre le large !

Jadis, la seule façon pour les Vikings de s’envoler était de mourrir les armes à la main afin d’être emportés par les Valkyries vers le Valhalla. Disons que leurs descendants actuels peuvent s’envoler plus aisément ! En ce temps des fêtes au Bar de l’escadrille, je lève mon verre de Glögg (vin chaud scandinave) à nos fidèles lecteurs. Je vous souhaite un très Joyeux Noël et une Nouvelle Année remplie de découvertes et d’aventures !
P.S. Les Scandinaves clament que le Père Noël réside en Laponie. Tout le monde sait très bien que sa résidence principale est dans le Grand Nord canadien, dans un lieu tenu secret tout près du Pôle Nord. Peu importe, le Père Noël est un citoyen du monde qui a nul besoin de passeport lorsqu’il fait sa tournée mondiale avec son traîneau et ses rennes !
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3 réponses
Alors d’abord non le Père Noël est bien européen, il vit en Laponie. Par contre ton article est vraiment très sympa et m’a permis de revoir le Vance Viking que je n’avais plus croiser depuis des années. Et voici ci-dessous une photo qui permet de mieux voir la taille de l’avion par rapport aux personnels.
https://www.airwar.ru/image/idop/cw1/viking/viking-6.jpg
Tes connaissances dans le domaine aéronautique n’ont de cesse de m’épater ! Pour le reste, je t’invite à écrire à : Père Noël, Pôle Nord, HOH OHO, Canada. Il te répondra, mais pas cette année car il est dans ses derniers préparatifs pour sa grande tournée. Garde l’adresse pour l’année prochaine ! 🙂
J’irai même plus « haut », il y a le moteur de fusée Viking