C’est un rapport qui était attendu par beaucoup de médias et de spécialistes de l’aéronautique. Ce jeudi 27 mai 2021 l’organisation non gouvernementale Transport & Environnement a révélé que l’aviation d’affaire est réellement bien plus polluante que l’aviation commerciale. Il pointe aussi du doigt une fiscalité très arrangeante sur ce genre d’avions, bien plus que pour les avions de ligne ou même pour les véhicules particuliers de monsieur et madame tout-le-monde. Ce rapport apporte aussi des pistes sur comment rendre l’aviation d’affaire plus éco-responsable.
Pour celles et ceux qui l’ignoreraient T&E n’est pas une ONG sortie ainsi du chapeau, comme par magie. De son vrai nom Fédération Européenne pour le Transport et l’Environnement elle existe depuis 1989 et possède son siège à Bruxelles. Elle est certes reconnue comme lobby écologiste en matière de transport durable mais son expertise est également appréciée par plusieurs gouvernements (notamment danois, néerlandais, et portugais) ainsi que par la commission européenne. T&E rend chaque année un rapport sur l’impact d’un domaine de transport vis-à-vis de l’environnement. Cette année c’est l’aviation d’affaire.
On pourrait croire qu’il s’agit là d’un marché de niche, et on aurait tort.
Sur l’exercice 2019 les vols d’affaire ont représenté 10% des rotations sur les aéroports français. On compte ainsi aussi bien ceux ayant traits à des vols d’appareils à réacteurs autant qu’à turbopropulseurs. Ces derniers étant particulièrement représentés sur les vols intérieurs. Pour autant 72% de l’aviation d’affaire demeure liée à des jets. Et c’est eux que T&E pointe du doigt.
J’en entends déjà qui en lisant ces quelques lignes hurlent déjà à l’aéro-bashing. En fait pas du tout notre domaine comme d’autres se doit d’accepter le monde qui évolue et change et l’écoresponsabilité en fait partie.
Les experts de Transport & Environnement mettent en avant trois chiffres assez effrayants, mais pas fondamentalement très surprenants. Entre 2005 et 2019 les émissions de CO2 en provenance des jets d’affaire ont augmenté de 31% alors que dans le même temps celles des avions de ligne baissait de 7%. C’est surprenant mais cela démontre que les motoristes n’appliquent pas les mêmes règles suivant que leurs réacteurs sont conçus pour transporter des passagers lambdas ou des passagers de marque.
Le deuxième chiffre est plutôt une donnée. Sur l’exercice 2019 toujours, qui a servi de référence à T&E, les jets d’affaire rejetaient une moyenne de dix fois plus de CO2 par passagers que les jets de ligne, et ce tous constructeurs confondus.
Le troisième et dernier est sans doute le plus affligeant : en Europe 1% de la population cause plus de 50% de la pollution par gaz à effets de serre issus de l’aéronautique civile.
T&E met d’ailleurs tout le monde dans le même sac : Bombardier, Cessna, Dassault, Gulfstream, et consort. Pas de bon élève mais aussi à contrario pas de cancre absolu. Idem pour les motoristes.
L’ONG met également en lumière le fait que la France est un bon élève en matière de réduction des vols intérieurs au profit de liaisons ferroviaires à grande vitesse. Cependant T&E souligne que cette politique de transport durable devrait aussi s’appliquer aux vols d’affaire. En effet on peut aisément se demander à quoi sert réellement un vol en Paris-Le Bourget et Lille-Lesquin sur jet d’affaire quand on sait que la capitale des Hauts-de-France n’est qu’à une heure de TGV de Paris-Nord.
La fiscalité verte est aussi au cœur des débats.
T&E souligne que les taxes sur le carburéacteur pour les jets d’affaire était en 2019 environ 40% moins chères que celles existant… sur l’automobile. En gros le citoyen lambda payait plus que les grosses fortunes.
En dehors des entreprises qui possèdent leurs avions d’affaires ou des sociétés de taxis aériens tous les jets d’affaire appartenant à des personnes physiques en France et exploités comme tel uniquement au profit de leurs propriétaires sont aux mains de fortunes d’un minimum d’un milliard d’euro de capital.
La question de la pollution vis-à-vis de l’aviation d’affaire est donc bien liée à une forme de lutte des classes. Non pas celle que Marx et Engels mettaient en lumière ou celle que Guesde et Jaurès combattaient mais une lutte des classes environnementales, une lutte des classes entre gros pollueurs et petits pollueurs, entre grosses fortunes et citoyens lambdas.
Bien entendu vous pouvez ne pas être en accord avec ce rapport de T&E, vous ne pouvez cependant pas vraiment nier qu’il interroge sur l’impact de ce transport aérien très élitiste beaucoup plus polluant que celui que nous autres pauvres hères employons pour nous déplacer.
Photo © Wikimédia Commons.
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16 Responses
Quelle est la part d’émission de CO2 tu transport aérien, et je parle de l’ensemble, j’ai entendu un chiffre de 2-3 % de l’ensemble des émissions de CO2 mondiale? La part des vols d’affaires serait de 10 % de ces 2-3 %….
Je pense qu’effectivement, la fiscalité, et les motoristes doivent aussi faire des efforts, mais on ne m’enlèvera pas de la tête que c’est encore une affaire de lutte des classes, les méchants riches que voilà..
La Chine ouvre l’équivalent d’une centrale à charbon tous les 10 jours en moyenne, alors si l’on veut réellement diminuer les émissions de CO2 carbonées ce n’est pas le transport aérien qui va changer la donne.
Sauf qu’ici le sujet c’est l’aviation d’affaire. Si vous voulez critiquez la Chine et sa gestion environnementale vous trouverez des sites dont c’est le job.
Je critique rien du tout, et pas la chine en particulier qui est un état souverain (bien relire mon poste) je dis juste que la part de l’aviation en générale, et celle d’affaire en particulier est négligeable dans la globalité des émissions de CO2…… c’est pas là que les réductions porteront leurs fruits. Que les motoristes, et autres fassent des efforts c’est bien, et je pense que depuis l’essor des avions d’affaires les progrès sont notables, les moteurs d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec ceux du début, et il y a des recherches et tests en cours pour les améliorer encore…. alors quel est le but de ce rapport?
Par contre oui je critique ce rapport, et surtout son intérêt dans la lutte contre les émissions de CO2.
À part les émissions par passager (comparable à bus vs véhicule personnel) et les taxes sur les carburants, je suis sceptique pour le reste.
Les variations en % ne donnent pas les vraies quantités
« Le troisième et dernier est sans doute le plus affligeant : en Europe 1% de la population cause plus de 50% de la pollution par gaz à effets de serre issus de l’aéronautique civile. » vise bien l’aviation civile en générale mais pas celle d’affaires n’est-ce pas?
Pour moins consommer, les motoristes augmentent le flux secondaire (entre autres solutions), ce qui augmente sensiblement la taille de la nacelle, dont la limite est moindre sur un avion d’affaires.
L’emploi des bizjets se justifie par une flexibilité plus grande pour un gain de temps primordial pour les « affaires », Contrairement aux liners, la plupart des vols de bizjets sont les sauts de puce dans une même journée de travail, ce qui n’est pas très bon pour la consommation
Encore une fois, seule une minorité (10%) de ces avions sont utilisés pour le loisir des riches de ce monde, le reste c’est pour le travail, on ne les greffe pas l’étiquette « de luxe » comme pour les voitures ou les yachts
La chasse aux riches continue en Europe., malhereusement,… Et apres on s’offusque que ces personnes quittent l’Europe pour des pays ou ils sont accueillis a bras ouvert car ils amenent investissment, emploi et developpement. L’Europe continue sa chute.
Et sinon le rapport de votre commentaire avec l’article en particulier ou l’aéronautique en générale ? Ah bah oui aucun. C’est marrant mais on attire toujours des trolls avec des articles qui prennent des risques. Par contre le niveau intellectuel moyen des trolls est en chute libre, vous en êtes Voyageur la démonstration flagrante !
Évidemment, un avion d’affaire conçu pour transporter 4-6 passagers (en comptant le personnel de bord), c’est BEAUCOUP PLUS polluant par passager qu’un avion blindé en classe éco, pas besoin de sortir de X-Mines pour se le figurer.
Pour sortir du pur sujet aéro, ça rejoint le « séparatisme des riches » dénoncé de plus en plus fort – le meilleur (ou le pire) exemple étant les super-yachts, dont certains engloutissent pour fonctionner plusieurs milliers de litres de carburant PAR HEURE ! Le bilan carbone des super-riches est sans commune mesure avec celui de Monsieur-tout-le-monde…
Pour ceux qui veulent en savoir plus : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/010521/bord-des-superyachts-un-separatisme-de-grand-luxe
On peut le regretter, la question étant : qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?
Certes on peut considérer que l’étude sur laquelle est basée l’article enfonce des portes ouvertes mais elle a le mérite de donner des chiffres sur une période bien précise : 2019. Ça change des « lanceurs d’alertes » qui balancent des données non vérifiables.
Pour le reste je suis totalement d’accord avec vous Victor von jul les super yachts sont hyper polluants, sans commune mesure avec les jets d’affaire.
Bonjour à tous,
Quelques commentaires rapides sur ces chiffres intéressants. Je vais aller lire ce rapport pour mieux comprendre l’origine de ces résultats.
10% des rotations c’est beaucoup: certes ce sont depuis des aéroports dédiés, mais quand j’attends le départ de mes vols je ne vois pas autant d’avions d’affaires. Si on fait une extrapolation cela signifie qu’un passager sur 500 vole sur un avion d’affaires. C’est beaucoup pourquoi n’en fais-je pas partie ? Probablement parce que quand je fais un vol ils en ont fait 10. Au global le nombre de personne à sensibiliser est réellement très réduit (mais difficile à convaincre).
Augmentation de 31% contre baisse de 7% ne serait-ce pas du à une forte augmentation du trafic civil ? Est-ce que le taux de renouvellement des avions de ligne n’est pas plus important compte tenu du nombre km parcourus ? Globalement la flotte de ligne ne serait-elle pas « plus jeune » donc avec des moteurs plus performants ?
1% de la population pour 50% des gaz à effet de serre. Les rapports aiment bien ce type de comparaison « choc » histoire de stigmatiser un peu. Compte-tenu des chiffres précédents (0.2% des passagers sur vols d’affaires… courts) cela signifie que sont plutôt concernés les gens qui voyagent beaucoup sur les lignes régulières… Et là je suis obligé de reconnaître que prendre l’avion entre deux villes françaises (aller et retour dans la journée ou le lendemain) est très mauvais pour l’environnement. Est-ce vrai dans les pays où l’énergie électrique pour les trains est totalement d’origine fossile ?
En tout cas merci Arnaud pour cet article qui nous conduit à réfléchir à l’aspect écologique de notre passion commune.
La visio-conférence ne va sans doute pas disparaître après le covid, donc moins de classes affaire dans les gros porteurs déjà.. Cela va t-il contribuer à augmenter le prix des billets ?
Pour l’aviation d’affaires, les très riches semblent maintenant encore plus riches, donc pas sûr que ça baisse beaucoup..
De toutes façons c’est facile de « basher » l’aviation, tout en ouvrant des marchés communs avec le Brésil ou le Canada ?
Pour le Brésil, déforestation de la forêt primaire, pour faire de la viande gonflée aux hormones, qui traversera l’Océan a bord de navires bien plus polluants que des avions… Cherchez la logique ?
La culpabilisation, sans non plus faire n’importe quoi, mais très peu pour moi !
Sans compter que sauf erreur de ma part, faire tourner des forêts de serveurs est beaucoup polluant.
Oui et non : un centre de données, vous pouvez le faire tourner avec de l’électricité produite par de la biomasse, des éoliennes ou du solaire (ou les 3 combinés, c’est la beauté de la chose). Un avion, on ne peut le faire voler qu’avec du kérosène.
Eh oui, il faut faire des efforts tous azimuts et ce même si nos décideurs politiques semblent l’ignorer/ les repousser. L’aviation a sa part à faire, tout comme le commerce. Pour l’aviation, mettre en place des taxes mondiales sur le kérosène serait déjà un bon début – ce dernier est quasiment non-taxé, ce qui n’est pas le cas du carburant que vous mettez dans votre voiture, par exemple. Encore un exemple de comment les riches peuvent profiter de la vie tandis que le commun des mortels paye (je m’arrête là, sinon on va m’accuser d’être contre les gens qui réussissent gna gna gna 😀 )
Quoi taxer les riches et les ultra-riches c’est mal en 2021 ? Bah zut alors…
Rajouter que les avions atterrissent loin des centre villes où l’on a généralement rendez-vous, ce qui est un désavantage par rapport au train ; et qu’un train « décolle » quelque soit la météo, ce qui n’est pas toujours le cas des avions, surtout sur les aérodromes secondaires. Le jet d’affaire, c’est une question d’affichage et un handicap très souvent, à moins de faire un Montpellier/Brest où le temps de trajet ferroviaire doit être plutôt longuet.
De manière plus globale sur les trajets d’affaire, je peste quand un.e employeur.e me paye l’avion, car il me faudra rejoindre l’aéroport loins de chez moi, me présenter une heure à l’avance à l’embarquement, que je devrait prendre une navette ou un taxi à l’arrivée ; bien sûr idem pour le retour, Sachant que je mettrait plus de temps qu’avec le train, que je polluerai nettement plus, que le billet sera plus onéreux pour l’entreprise … Et que la seule raison de ce choix est que l’employeur.e, malgré son salaire plus enviable que le mien, est qu’elle lui permettra d’accumuler des « miles » pour voyager à bon compte pour lui-elle et sa famille lors de leurs vacances.
@Fred
« Le jet d’affaire, c’est une question d’affichage et un handicap très souvent, à moins de faire un Montpellier/Brest où le temps de trajet ferroviaire doit être plutôt longuet. »
Vrai pour un seul voyage et encore pour être sûr d’être à l’heure, mieux vaut éviter les « transports collectifs » ou y être la veille, ce qui n’est pas toujours possible.
Mais si vous avez 3 rdv dans la même journée dans 3 endroits de France distants de quelques centaines de km entre eux, vous faites comment?
Vous allez me dire que c’est anecdotique, et vous aurez raison, c’est le cas des vols d’affaires comparés à ceux de lignes régulières