Hansa-Brandenburg W.29

La Première Guerre mondiale vit apparaître un concept qui perdura péniblement jusqu’aux années 1950 : l’hydravion de chasse. Ces aéronefs étaient généralement moins manœuvrant que les chasseurs terrestres mais permettaient bien souvent de défendre efficacement les navires et implantations navales. La plus part des belligérants s’y essayèrent ; le pays qui eut le plus de résultats entre 1914 et 1918 inclus fut sans conteste l’Allemagne ! L’un des plus réussis, mais aussi des plus surprenants, fut le biplace Hansa-Brandenburg W.29.

Entre la seconde moitié de l’année 1916 et la première moitié de 1917 l’ingénieur allemand Ernst Heinkel développa deux modèles d’hydravions biplans de chasse pour le compte de son employeur Hansa-Brandenburg. Respectivement désignés KDW pour le premier et W.12 pour le second ces appareils permettaient d’intercepter efficacement les avions et hydravions de la Triple Entente menaçant les navires de la marine impériale. Cependant fin 1917 celle-ci demanda à l’ingénieur de développer un chasseur plus lourdement armé permettant d’assurer la défense aérienne de ses arsenaux et ports-bases.

De manière assez surprenante Ernst Heinkel décida de s’orienter vers une architecture de monoplan à aile basse dérivant cependant de son biplan W.12. Comme ce dernier son nouvel appareil était un monomoteur doté de deux flotteurs. Rapidement l’ingénieur allemand présenta son projet à l’amirauté allemande qui l’accueillit avec fraîcheur. Heinkel eut alors l’idée de développer sa machine sous deux versions différentes : le W.29 monoplan et le W.19 biplan. Cette fois la marine impériale accepta et passa commande pour 80 hydravions, sans spécifier le nombre de chacun.

Extérieurement le Hansa-Brandenburg W.29 se présentait sous la forme d’un hydravion à flotteurs monoplan de construction mixte en bois entoilé et contreplaqué. Il possédait un petit empennage verticale inversé, une architecture fréquente sur les appareils allemands de ce genre à l’époque. La motorisation du W.29 tournait autour d’un Benz Bz III à six cylindres en ligne d’une puissance de 155 chevaux actionnant une hélice bipale en bois. Son armement se composait de deux mitrailleuses MG08 de calibre 7.92 millimètres tirant en position de chasse et d’une arme de calibre similaire, de modèle MG14, montée sur affût mobile arrière. Les deux membres d’équipages de l’hydravion prenaient place à bord d’un poste de pilotage biplace en tandem à l’air libre. Chacun était doté d’un petit pare-brise.
Le prototype réalisa son premier vol en mars 1918.

Curieusement le programme du W.19 prit lui un peu plus de retard. Si bien que quand son prototype vola en juin de la même année les premiers Hansa-Brandenburg W.29 de série avaient été livrés à la marine impériale allemande. Ernst Heinkel avait gagné son pari en imposant un hydravion de chasse monoplan.
La majorité des W.29 fut basée en Mer du Nord avec pour mission de faire la chasse aux hydravions patrouilleurs britanniques et français. Une des premières victoires fut l’interception et la destruction d’un Pemberton-Billing AD Flying Boat de la Royal Navy qui croisait au large des côtes belges en septembre 1918. Une patrouille de W.29 allemands le prit en chasse et le descendit assez rapidement. Les deux aviateurs britanniques périrent.
Malgré cette victoire aérienne l’amirauté allemande persistait à lui préférer le W.19 alors en cours de déploiement au sein des unités opérationnelles.
Quelques jours plus tard un hydravion français Donnet-Denhaut DD-8 réussit à s’échapper in-extremis au piège d’une patrouille de W.29 allemands. Sérieusement endommagé l’appareil tricolore rentra à sa base près de Boulogne-sur-Mer criblé d’impacts de balles.

La Première Guerre mondiale prit fin avant même que le Hansa-Brandenburg W.29 ait le temps d’obtenir un véritable tableau de chasse. Paradoxalement c’est alors que sa carrière décolla vraiment !
Des exemplaires furent commandés au constructeur au titre du dommage de guerre. Le Danemark, la Hongrie, le Japon, la Norvège, ou encore la Roumanie en firent l’acquisition en petite série.
Au Japon deux exemplaires supplémentaires, prélevés sur les stocks de la désormais ex-marine impériale allemande, furent versés aux avionneurs Aichi et Nakajima.

La marine danoise reçut en compensation de la guerre un hydravion avant d’obtenir en 1919 des autorités du Traité de Versailles le droit de construire hors licence quinze exemplaires. C’est l’Orlogsværftet, un chantier naval relevant de la marine danoise, qui assembla les hydravions sous la désignation HM.1. Ils servirent de fin 1919 à fin 1930 pour la patrouille côtière, la reconnaissance, et la défense aérienne portuaire. En 1927 l’un d’entre eux fut transformé, à titre expérimental, en monoplace.

Conçu durant la Première Guerre mondiale comme hydravion de chasse et utilisé pour la reconnaissance côtière une fois la paix revenue le Hansa-Brandenburg W.29 marqua son époque. Il servit de base de travail au très réussi W.33 ainsi qu’au Heinkel HE 1, le tout premier appareil réalisé et construit par l’ingénieur en son nom propre dont découla les Svenska S-1/S-2 suédois.