Durant l’entre-deux-guerres plusieurs pays européens cherchèrent à se doter d’une industrie aéronautique en propre. La Pologne étaient de ceux-ci, et elle s’appuyait sur une riche tradition métallurgique héritée de la seconde moitié du 19e siècle. C’est ainsi que le célèbre avionneur P.Z.L. a vu le jour, se spécialisant dans l’aviation militaires. L’entreprise sut développer aussi bien des chasseurs monomoteurs que des bombardiers bimoteurs ou encore des bombardiers légers de reconnaissance. Dans cette dernière catégorie sa plus célèbre réalisation est le P.23 Karaš.
C’est au début des années 1930 que le ministère polonais de la défense demanda à P.Z.L. de développer un monoplan de nouvelle génération. Le futur avion devait être capable de remplacer deux modèles de biplans acquis auprès de la France : le bombardier moyen Breguet Br 19 ainsi que les avions de reconnaissance armé Potez 25 et Potez 27. Les militaires polonais cherchaient en effet à s’équiper d’un bombardier de reconnaissance ayant des capacités accrues d’attaque en piqué.
Le programme reçut la désignation de P.23 Karaš.
Les motoristes polonais n’ayant alors aucune compétence permettant d’équiper le futur avion des pourparlers furent lancés avec plusieurs entreprises étrangères. Bristol au Royaume-Uni, Gnome & Rhône en France, ou encore Pratt & Whitney aux États-Unis furent approchées. Finalement c’est avec la première de ceux-ci que P.Z.L. fit affaire. Un accord de licence industrielle tournant autour du Pegasus Mk-IIM fut signé au printemps 1932 avec la société tchécoslovaque Skoda. Celle-ci disposait d’une usine polonaise dans la banlieue de Varsovie.
L’ingénieur-chef polonais Jerzy Dąbrowski, l’ex bras droit de Zigmund Pulawski, présenta les premières ébauches du futur P.Z.L. P23 Karaš. L’avion était le premier du genre en Pologne construit autour d’un fuselage et d’une voilure basse cantilever entièrement usinés en métal. Pour son époque et pour son pays le nouvel avion était très innovant.
Afin de vérifier la validité de cette nouvelle aile Dabrowski décida d’en monter une version réduite, représentant 78% de la taille réelle, sur un biplace de sport P.19 appartenant à l’entreprise et habituellement utilisé pour des vols de liaisons et de démonstration. Les essais furent concluants, le P.23 Karaš pouvait être assemblé à l’état de prototype.
Extérieurement le P.Z.L. P.23 Karaš se présentait donc sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever construit à 80% en métal. Son moteur à neuf cylindres en étoile Skoda Pegasus IIM-2 entraînait une hélice bipale en métal et développait une puissance de 578 chevaux. Son train d’atterrissage classique fixe disposait de jambes avant carénées et d’un patin de queue en bois. L’armement de l’avion se composait de trois mitrailleuses britanniques Vickers de calibre 7.7mm fabriquées sous licence locale par la Państwowa Fabryka Karabinów. La première était installée en position de chasse et tirait de manière synchronisée avec le pas de l’hélice. Les deux autres étaient installées dans des postes de tir : une à l’air libre en dorsale et une dans la baignoire ventrale. Une charge de bombe de 700 kilos était installée en soute et sous voilure. Le P.23 Karaš était biplace, l’observateur assurant les missions de tirs dans les deux postes, le pilote remplissant lui le rôle secondaire d’officier de bombardement.
C’est dans cette configuration que le premier vol intervint le 1er avril 1934.
Dès les essais en vol les autorités polonaises furent séduites par l’avion. Et ce même si à l’usage il se révéla assez médiocre dans le bombardement en piqué et meilleur lors des phases d’attaque en ressources. Qu’à cela ne tienne le P.Z.L. P.23 Karaš ne serait donc pas un bombardier en piqué. Finalement l’avion fut déclaré opérationnel dans les forces aériennes polonaises en novembre 1936. Un premier lot de quarante avions servit pour des manœuvres aériennes et la représentation. Désignés P.23A ils furent réaffectés au printemps 1937 à l’entraînement avancé et la transformation opérationnelle des équipages. Les 210 exemplaires suivants, destinés eux aux missions de reconnaissance armée et de bombardement léger furent désignés P.23B. Rien ne les différenciait, si ce n’est que l’armement avait été déposé sur les P.23A.
L’année 1937 vit également la société P.Z.L. signer un contrat d’exportation pour cinquante d’une version améliorée désignée P.43 Karaš et destinée à la Bulgarie. À la différence des P.23 ceux-ci disposaient d’une motorisation française non construite sous licence et articulée autour d’un moteur à quatorze cylindres en étoile Gnome & Rhône 14N-01. Celui-ci développait 983 chevaux de puissance et possédait une charge de combat maintenue à 700 kilos. Sur P.43 la grosse différence était que l’équipage était amené à trois membres en lieu et place des deux. Les premiers P.43 entrèrent en service dans la force aérienne bulgare début 1939. Malheureusement celle-ci n’obtint jamais sa pleine dotation, la Pologne étant envahie par l’armée allemande début septembre et quinze jours plus tard par les forces soviétiques.
En septembre 1939 le P.Z.L. P.23 Karaš était le bombardier de reconnaissance standard de l’aviation polonaise. L’avion pourtant se trainait déjà une sale réputation, ayant connu vingt-et-un accident dont quinze qui entraînèrent la mort de l’équipage. Pour autant dès le 2 septembre 1939 deux P.23 Karaš participèrent à une action de guerre contre l’Allemagne nazie aux côtés de bimoteurs P.37 Los. Leur cible était une forte position ennemie en Basse Silésie. Sur les six avions polonais engagés aucun ne rentra à sa base. Les P.23 et P.37 étaient tombés sur les chasseurs allemands Messerschmitt Bf 109 de la Luftwaffe.
Durant les deux premières semaines du conflit la chasse allemande se fit une spécialité de descendre les P.Z.L. P.23 Karaš polonais. Messerschmitt Bf 109 et Bf 110 abattaient les bombardiers légers de reconnaissance à chaque rencontre. Quand la Pologne signa l’armistice avec l’Allemagne nazie un total de cent dix-neuf P.23 avaient été perdus en missions. Et pourtant seuls soixante-sept d’entre-eux l’étaient du fait direct de la chasse hitlérienne, les autres étant perdus par accidents ou bien suite à des atterrissages malencontreux.
Au titre de la compensation la Luftwaffe saisit un total de trente avions. Sept furent expédiés en Allemagne pour y être testés en vol. Les vingt-trois autres furent versés à la force aérienne royale roumaine qui les employa jusqu’à la fin de la guerre pour des missions secondaires. Et les P.43 dans tout cela ? Eux aussi participèrent à la guerre jusqu’à la fin des hostilités.
Une fois la paix revenue en 1945 une dizaine de P.43 Karaš était encore en état de vol. Ils furent employés jusqu’en 1947 pour des missions secondaires comme le remorquage de cibles, l’entraînement avancé, ou encore la surveillance frontalière.
Fondamentalement le P.Z.L. P.23 Karaš n’était pas un mauvais avion… en 1932. Sept ans plus tard quand la Seconde Guerre mondiale s’engagea ce bombardier de reconnaissance était totalement obsolète face à une chasse équipée d’avions modernes comme l’était la Luftwaffe. Il est à l’image de cette aviation polonaise totalement dépassée en 1939 et dotés d’avions d’un autre temps. Ironie de l’Histoire quand la Pologne se rendit à l’Allemagne nazie elle alignait encore la majorité de ses… Breguet Br 19 !
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