Étienne DORMOY

D'une rive à l'autre de l'Atlantique Nord

Étienne Dormoy nait le 10 février 1885 à Vaudoncourt dans le département du Doubs. Sa famille protestante est très religieuse ; son père est pasteur. Élevé à la dure c’est un élève brillant qui obtient à l’âge de 16 ans son baccalauréat et part étudier les sciences physiques et l’électricité à Lille. À 21 ans il sort ingénieur, diplômé du prestigieux Institut industriel du Nord. Il commence à travailler pour une société minière en tant qu’ingénieur électricien.
En 1910, à l’âge de 25 ans il se voit offrir un baptême de l’air : c’est pour lui une révélation. Il sera ingénieur en aéronautique.

En 1911 il s’installe à Bétheny près de Reims et entre comme designer dans un bureau d’études de la société Deperdussin. Ses qualités d’ingénieur font de lui un employé modèle. Étienne Dormoy participe aux côtés d’Armand Deperdussin et de Louis Béchereau à la conception du célèbre Monocoque. En 1913 sa maîtrise de l’anglais lui offre un voyage aux États-Unis où il travaille comme ingénieur chef détaché auprès de Maximilian Schmitt Aeroplane & Motor Works, une société basée dans le New Jersey et qui assemble et commercialise le Deperdussin Monocoque. Quand un an plus tard l’avionneur change de raison sociale et devient SPAD Dormoy y revient, en tant que principal assistant de Béchereau. Ce dernier le considère alors comme son bras droit.

À ses côtés l’ingénieur électricien participera à divers travaux avant d’être rappelé par l’armée. La France vient d’entrer en guerre contre l’Allemagne et l’empire austro-hongrois. Les qualités de pilote d’Étienne Dormoy l’envoient dans le ciel, au-dessus des tranchées. Il vole alors sur bombardier biplan Voisin LA-III. Louis Béchereau faisant jouer ses relations Dormoy est démobilisé en septembre 1915 et retrouve les équipes de SPAD. Il participe activement au développement du chasseur S.VII.
En avril 1917 le haut-commissaire de la République Française aux États-Unis André Tardieu fait appel à lui afin de l’assister dans les négociations avec les Américains en vue de leur venue en Europe, sur le front. Étienne Dormoy doit notamment leur présenter le tout nouvel avion SPAD, le S.XIII. Jusqu’en juillet 1919 il est le représentant officiel de l’avionneur français aux USA. Une fois sa mission américaine terminée il envoie sa lettre de démission et annonce demeurer aux États-Unis.

Après un rapide passage chez le motoriste Packard il est embauché comme ingénieur civil par l’US Army Air Service. Il rejoint un bureau d’étude de Dayton dans l’Ohio. En 1921 Étienne Dormoy obtient la double nationalité américaine et française. Bien que travaillant pour les militaires la plus part de ses recherches et applications sont alors à portée civile. On retient notamment son banc d’essais et avion de record Dormoy Bathtub, précurseur des actuels ULM ou encore l’invention en 1924 de l’épandage agricole aérien, à partir d’un Curtiss JN-4 Jenny spécialement modifié.

En 1925 l’ingénieur et homme d’affaire Alfred Verville lui propose le titre d’ingénieur chef dans la société qu’il vient de fonder : Buhl Aircraft Company. Dormoy réalisera pour lui des avions construits en petite série, pour les besoins civils comme le sesquiplan AirSedan. Sa plus grande réussite sera pourtant un engin expérimental : l’A-1. Il s’agit alors du tout premier autogire au monde à disposer d’une hélice propulsive, c’est à dire installée à l’arrière du fuselage. Fragilisée par la crise financière de 1929 la société dépose le bilan à l’été 1932. À cette époque Dormoy passe pour être un des ingénieurs les plus innovants aux USA, son idée d’avion de travail agricole s’est répandue dans tout le pays et il touche des royalties sur chaque production.

Étienne Dormoy pourrait alors parfaitement s’arrêter de travailler, et ce même s’il envoie régulièrement de grosses sommes d’argent à sa famille restée dans le Doubs. Mais l’homme est un bourreau de travail. Il est recruté par Boeing pour sa division d’avions de chasse. Il travaille d’abord comme assistant chef ingénieur sur le biplan XF6B destiné à l’US Navy avant de se voir octroyer la direction d’équipes autour du XP-936 pour le compte de l’US Army Air Corps. Ayant l’idée d’intégrer des spécificités industrielles venues de France il fait de cet avion une réalité militaire sous le nom de P-26 Peashooter. Poussant ses idées jusqu’au bout il développe l’YP-29 qui ne connaitra pas le succès. Malgré cela en 1936 l’avionneur Consolidated lui offre un pont d’or et lui remet sa propre équipe à San Diego dans le sud de la Californie.

Son premier chantier est de reprendre la conception de l’hydravion patrouilleur XP3Y refusé par l’US Navy. Étienne Dormoy a alors l’idée de redessiné la voilure, la coque, et certains éléments aérodynamiques. La motorisation est changée également et l’armement renforcé. L’ingénieur franco-américain a compris que désormais les hydravions patrouilleurs se devaient d’être lourdement armés. Sa copie rendue l’appareil est commandé en série par l’aéronavale américaine sous la désignation de PBY Catalina. À San Diego les équipes de Dormoy développent par la suite les Consolidated XP4Y Corregidor et PB2Y Coronado. Particularité notable le chef ingénieur ne vole jamais à bord d’un de ses hydravions : il ne sait pas nager et a peur de l’eau !

Flying Bathtub, l’ancêtre de l’ULM signé Étienne Dormoy.

Une fois la paix revenue en 1946 et Consolidated devenu Convair Étienne Dormoy se lance dans l’étude et le développement d’un avion de tourisme de nouvelle génération. Baptisé Model 106 Skycoach celui-ci se présente sous la forme d’un monoplan à aile basse doté d’un empennage double dérive et d’un moteur à six cylindres en ligne doté d’une hélice propulsive. Résolument futuriste l’avion ne dépasse pas le stade expérimental, Beechcraft proposant au même moment son Model 35 Bonanza.
Il revient au succès grâce aux fondamentaux de l’aviation autour de son Convair Model 110, un bimoteur de transport commercial qui servira de prototype au CV-240 construit à plus de 1000 exemplaires et qui sera ensuite décliné en CV-340, CV-440, CV-540 et ainsi de suite.

À partir de 1950 Étienne Dormoy est nommé ingénieur chef honoraire. Il forme les nouveaux venus. En parallèle il joue les inventeurs du dimanche et dépose notamment un brevet pour ce qui sera plus tard le barbecue électrique. L’ingénieur électricien n’est jamais très loin chez lui. Le 28 février 1959, sept mois seulement après sa retraite, il décède d’un infarctus. Il est enterré à San Diego.

Outre ses contributions aux SPAD VII et au Consolidated PBY Catalina Étienne Dormoy reste dans l’histoire de l’aviation comme le père de l’aviation agricole, de l’ULM tel que nous le concevons aujourd’hui, et du chasseur américain P-26. Il est notoirement plus célèbre aux États-Unis qu’en France. Il était le cousin germain de l’homme d’état et résistant Marx Dormoy.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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