De l’USS Block Island à la classe America, la saga des navires d’assaut amphibie de l’US Navy

Ce contenu est une partie du dossier thématique : Histoire de l’aéronavale

S’il est indubitablement une marine de guerre qui surpasse les autres en matière d’équipement c’est forcément l’US Navy. Forte de ses dix supers porte-avions nucléaire de classe Nimitz ainsi que le Gerald R. Ford (premier de sa classe) et de ses navires d’assaut amphibie de classe Wasp et America la marine américaine aligne la plus formidable flotte de navire porte-aéronefs de la planète. Et c’est bien sûr sans compter sa cinquantaine de sous-marins nucléaire d’attaque, ses quatorze sous-marins nucléaire lanceurs d’engin, sa soixantaine de frégates lourdes classe Arleigh Burke, sa vingtaine de croiseurs lance-missiles classe Ticonderoga, ou encore sa dizaine de chasseurs de mines classe Avenger. Un inventaire à la Prévert particulièrement hallucinant.

Il nous permet de nous pencher sur ces fameux navires d’assaut amphibie qui font tant parler d’eux et ont permis depuis le début des années 1960 de servir le principe de Pax Americana.

Mais au fait c’est quoi exactement un navire d’assaut amphibie ?

Si on prend le terme stricto senso c’est un bâtiment de guerre permettant une opération militaire tant terrestre qu’aérienne. D’où le principe amphibie. En somme, les navires d’assaut amphibie américain permettent le débarquement par la mer mais aussi par les airs d’éléments de combat américain, généralement des fantassins de l’US Marines Corps parfois accompagnés de commandos des Navy Seals, sur un terrain sous le feu ennemi. C’est la raison pour laquelle les navires américains d’assaut amphibie opèrent toujours avec des hélicoptères d’attaque et de lutte antichar à bord, voire même des avions de combat à décollages et atterrissages verticaux de type McDonnell Douglas AV-8B Harrier II et bientôt le Lockheed-Martin F-35B Lightning II.

Pour comprendre l’importance de ces navires dans l’arsenal américain il convient de se pencher sur leur histoire pour le moins riche.

Focus sur des navires vraiment pas comme les autres

Depuis la guerre du Pacifique, et plus encore depuis les opérations en Normandie et en Provence, la marine américaine s’était faite une spécialité dans le débarquement de forces en très grand nombre face à une puissance ennemie lourdement armée. L’objectif en cette seconde moitié des années 1950 était donc de récidiver mais face à l’Union Soviétique et aux différentes nations communistes. Le but était donc de concevoir un navire à la fois porte-hélicoptère et transporteur de barges de débarquement.

Le premier bâtiment de ce type n’avait d’ailleurs pas été pensé comme tel puisqu’il s’agissait d’un porte-avions d’escorte de classe Commencement Bay, l’USS Block Island (CVE-106) transformé en 1955 afin de devenir le LPH-1, prototype de tous les navires d’assaut amphibie de la marine américaine. Mais ces transformations ne se firent pas sans mal. En effet, la quille et la coque de ce navire ne permettait pas l’accueil des barges de débarquement nécessaires aux opérations amphibies. Finalement le LPH-1 n’entra jamais en service opérationnel.

L'USS Block Island (CVE-106) en configuration porte-avions d'escorte.
L’USS Block Island (CVE-106) en configuration porte-avions d’escorte.

Néanmoins, quatre porte-avions furent transformés et armés dans ce nouveau rôle, les USS Boxer (CV-21), USS Princeton (CV-37), USS Thetis Bay (CVE-90) et USS Valley Forge (CV-45) qui devinrent respectivement LPH-4, LPH-5, LPH-6, et LPH-8. Ils servirent pour certains jusqu’au début des années 1970 mais furent principalement utilisés dans le cadre de missions d’entraînement ou d’exercices internationaux. Les LPH-4 et LPH-5 furent néanmoins employés au Vietnam de manière occasionnelle.

Les marins américains durent en fait attendre 1961 et l’armement de l’USS Iwo Jima (premier de sa classe) sous la désignation LPH-2. Avec sa capacité d’accueil et de transbordement pour 1800 soldats et officiers du corps des Marines c’était devenu un outil essentiel dans la réaction américaine. En outre, il pouvait alors emporter 20 hélicoptères d’assaut Sikorsky UH-34D Seahorse, bientôt rejoints par des Bell UH-1B Iroquois.
C’est durant la guerre du Vietnam que pour la première fois des hélicoptères de combat y furent embarqués, il s’agissait de Bell AH-1J Sea Cobra.

L'USS Tripoli (LPH-10) durant la guerre du Vietnam.
L’USS Tripoli (LPH-10) durant la guerre du Vietnam.

La décennie suivante vit l’apparition d’une nouvelle famille de navires américains d’assaut amphibie, la classe Tarawa qui avait la particularité d’avoir été pensée pour accueillir des avions de combat à décollages et atterrissages verticaux. Pour cela, le pont d’envol avait été repensé et renforcé. Mais surtout les navires classe Tarawa furent pensés ab-initio pour recevoir des aéroglisseurs en lieu et place des traditionnels barges de débarquement héritées de la Seconde Guerre mondiale.

L'USS Tarawa (LHA-1) en opérations dans les années 1970.
L’USS Tarawa (LHA-1) en opérations dans les années 1970.

Pour gommer les nombreuses fautes de conception de la classe Tarawa l’US Navy lança en 1989 la surprenante classe Wasp, désormais réellement et à 100% apte au déploiement d’aéroglisseurs et/ou de barges. Mais surtout ces bâtiments furent pensés pour accueillir tous les types d’hélicoptères en service aux États-Unis et non uniquement ceux habituellement embarqués. L’heure était à l’interopérabilité.

McDonnell Douglas AV-8B Harrier II et navire aéroglisseur en action depuis l'USS Bataan alias LHD-5.
McDonnell Douglas AV-8B et navire aéroglisseur en action depuis l’USS Bataan alias LHD-5.

Durant toutes les années 1980, 1990, et 2000 la marine américaine jongla avec ses bâtiments de classe Iwo Jima, Tarawa, et Wasp entre nécessité de service et désarmement. Seulement au début du 21ème siècle, il devint évident qu’une nouvelle classe devenait nécessaire, pour combattre l’obsolescence des bâtiments existant alors. C’est pourquoi en 2014 apparu l’USS America (premier de sa classe) destiné au remplacement futur des plus anciens Wasp. Ce sont les navires de la classe America qui recevront dans les années à venir les avions furtifs F-35B Lightning II en opérations de combat.

L'USS America (LHA-6), premier de sa classe.
L’USS America (LHA-6), premier de sa classe.

Pour bien comprendre voici une liste des différents navires par classe :

Navires de classe Iwo Jima
  •  USS Iwo Jima, LPH-2, armé en septembre 1960 et désarmé en septembre 1993.
  •  USS Okinawa, LPH-3, armé en avril 1962 et désarmé en décembre 1992.
  •  USS Guadalcanal, LPH-7, armé en mars 1963 et désarmé en août 1994.
  •  USS Guam, LPH-9, armé en janvier 1965 et désarmé en aout 1998.
  •  USS Tripoli, LPH-10, armé en août 1966 et désarmé en septembre 1995.
  •  USS New Orleans, LPH-11, armé en novembre 1968 et désarmé en octobre 1997.
  •  USS Inchon, LPH-12, armé en juin 1970 et désarmé en juin 2002.
Navires de classe Tarawa
  •  USS Tarawa, LHA-1, armé en mai 1976 et désarmé en mars 2009.
  •  USS Saipan, LHA-2, armé en octobre 1977 et désarmé en avril 2007.
  •  USS Belleau Wood, LHA-3, armé en septembre 1978 et désarmé en octobre 2005.
  •  USS Nassau, LHA-4, armé en juillet 1979 et désarmé en mars 2011.
  •  USS Peleliu, LHA-5, armé en novembre 1976 et désarmé en mars 2015.
Navires de classe Wasp
  •  USS Wasp, LHD-1, armé en juillet 1989 et toujours en service en avril 2016.
  •  USS Essex, LHD-2, armé en octobre 1992 et toujours en service en avril 2016.
  •  USS Kearsarge, LHD-3, armé en octobre 1993 et toujours en service en avril 2016.
  •  USS Boxer,LHD-4, armé en février 1995 et toujours en service en avril 2016.
  •  USS Bataan, LHD-5, armé en septembre 1997 et toujours en service en avril 2016.
  •  USS Bonhomme Richard, LHD-6, armé en août 1998 et toujours en service en avril 2016.
  •  USS Iwo Jima, LHD-7, armé en février 2000 et toujours en service en avril 2016.
  •  USS Makin Island, LHD-8, armé en octobre 2009 et toujours en service en avril 2016.
Navires de classe America
  •  USS America, LHA-6, armé en octobre 2014 et toujours en service en avril 2016.
Bell / Boeing MV-22B Osprey en action depuis le pont d'envol du LHD-1 USS Wasp.
Bell / Boeing MV-22B Osprey en action depuis le pont d’envol du LHD-1 USS Wasp.

Au moment où ces lignes sont écrites un deuxième navire de classe America, l’USS Tripoli (LHA-7) attendait d’être armé, sa construction étant terminée.

Avec cette courte liste on remarque que la puissance navale américaine n’est pas feinte. Pour celles et ceux qui seraient tentés de croire que les bâtiments de guerre de cette famille sont de petite taille, il faut savoir que ceux de la classe America sont comparables en déplacement et en dimensions avec le… porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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