Les porte-avions d’eau douce du Lac Michigan

Ce contenu est une partie du dossier thématique : Histoire de l’aéronavale

Lors d’un récent voyage d’affaires à Chicago, quelle ne fut pas ma surprise d’apercevoir un appareil Grumman F4F Wildcat exposé dans un coin tranquille du Terminal 2 de l’aéroport international O’Hare. Intrigué, je me suis approché pour lire les affiches explicatives pour y apprendre que l’aéroport porte le nom O’Hare en hommage à Edward Henry «Butch» O’Hare, héros de l’aéronavale américaine lors de de la Seconde Guerre mondiale.

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Grumman Wildcat / Aéroport intrenational O,Hare à Chicago

Né en 1914 à Saint-Louis dans le Missouri, ce pilote de chasse de l’US Navy devint instantanément célèbre lorsque qu’en février 1942, il s’attaqua seul à une formation de huit bombardiers Mitsubishi G4M Betty qui se dirigeaient tout droit vers l’USS Lexington qui avait dépêché tous ses autres chasseurs vers d’autres vagues d’avions ennemis. Il abattit cinq bombardiers et en endommagea sérieusement un autre. Il fut décoré de la Medal of Honor pour cet exploit et devint le premier as de l’aéronavale américaine durant le conflit du Pacifique. À bord de son Grumman F6F Hellcat, le lieutenant O’Hare disparut au combat le 26 novembre 1943, alors qu’il commandait la première attaque de nuit jamais lancée depuis un porte-avions américain contre une formation de bombardiers nippons.

Butch O'Hare
Edward Henry «Butch» O’Hare

Quelques années plus tard, le colonel Robert R. McCormick, éditeur du Chicago Tribune, suggéra de changer le nom de l’aéroport de Chicago afin d’honorer Butch O’Hare, ce qui fut fait en 1949. L’aéroport international O’Hare expose aujourd’hui un Grumman F4F-3 aux couleurs de celui qu’il pilotait en février 1942.

Deux portes-avions sur le lac Michigan

Tout cela est bien intéressant me direz-vous, mais que diable cela a-t-il à voir avec le titre du présent article ? C’est-là que l’histoire prend un tournant inattendu, puisque les affiches expliquent que le Wildcat exposé à l’aéroport est un appareil récupéré au fond du lac Michigan où il s’était retrouvé suite à une manœuvre manquée d’appontage sur un porte-avion. Pour reprendre une expression chère à un de mes héros de jeunesse, mille millions de mille sabords de tonnerre de Brest un porte-avion d’eau douce ?!? Bien oui, non pas un, mais deux porte-avions ont navigué sur le lac Michigan durant la Deuxième Guerre mondiale. Ce n’est pourtant que depuis 1959 que les écluses de la voie maritime du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs permettent aux navires océaniques de se rendre jusqu’au cœur du continent nord-américain.

Le superlatif Grands Lacs n’est pas exagéré, puisque ce sont de véritables mers intérieures. Le lac Michigan à lui seul fait près de 550 Km de long par 190 km de large, avec une profondeur moyenne de 85 mètres. Hors de portée des avions et sous-marins ennemis, la Naval Air Station Glenview, située en banlieue de Chicago, fut active de 1923 à 1995 et joua un grand rôle durant le Second Conflit mondial en formant la plupart des pilotes de l’US Navy et des Marines. Souhaitant disposer rapidement de plates-formes flottantes pour parfaire la formation des futurs pilotes de l’aéronavale, l’US Navy réquisitionna en 1942 les deux plus gros navires civils naviguant sur les Grands Lacs pour les transformer en porte-avions qui se joignirent au 9th Naval District Carrier Qualification Training Unit.

Construit en 1913, le bateau de croisière Seeandbee était mû par des roues à aubes latérales. Acquis en mars 1942 par l’US Navy, il fut rapidement transformé en porte-avions et entra en service dès le mois d’août 1942 sous le nom d’USS Wolverine.

SeeandBee 2
Seeandbee
Conversion Wolverine
Conversion du Seeandbee
USS Wolverine IX-64
USS Wolverine

Se joignant au premier en mai 1943, le second porte-avions rebaptisé USS Sable était à l’origine un autre bateau luxueux de croisière, soit le Greater Buffalo lancé en 1924.

Greater Buffalo2
Greater Buffalo
USS Sable
USS Sable

Les navires USS Wolverine et USS Sable n’avaient pas les mêmes capacités que les porte-avions océaniques. Évidemment désarmés, non dotés de hangars internes et de monte charges, leur propulsion était assumée par des roues à aubes. Relativement lents, cela compliquait les décollages de leur pont dont la longueur n’excédait pas 168 mètres. Les pilotes entrainés sur de si courtes surfaces flottantes n’avaient donc que peu de difficulté à s’adapter par la suite aux porte-avions de combat. Toutefois, les délicates manœuvres d’appontage et de décollage sur ces porte-avions particuliers causa la perte de 8 pilotes et de 140 appareils qui s’abîmèrent dans les eaux du lac, soit: 41 TBM/TBF Avenger, 38 SBD Dauntless, 37 F4F Wildcat, 17 SNJ Texan, quatre F6F Hellcat, deux SB2U Vindicator et un F4U Corsair.

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Plusieurs de ces appareils ont été localisés et un certain nombre récupérés au fil des ans. Le lac Michigan représente encore le plus grand «gisement exploitable» d’avions de combat de la Deuxième Guerre mondiale admirablement préservés dans ses eaux froides. Les porte-avions d’eau douce furent toutefois ferraillés dès la fin du conflit et seules quelques photographies et tournages d’époque témoignent de ces navires très particuliers.

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Chicago avec USS Wolverine et USS Sable à l’avant plan

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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