Les combats aériens durant la Guerre du Football

Ce contenu est une partie du dossier thématique : Récits historiques et légendaires

Mettre les mots « guerre » et « football » dans la même phrase ne devrait pas être possible. En quoi un conflit pourrait avoir à faire quoi que ce soit avec celui qui est certainement le sport le plus populaire de la planète ? C’est pourtant bien la vérité, un match de football a été l’élément déclencheur, le catalyseur qui a conduit à l’éclatement d’un conflit en juillet 1969. Un conflit dans lequel l’arme aérienne joua un rôle de premier plan avec des avions souvent totalement dépassé mais pourtant bel et bien redoutables.

La Guerre du Football a opposé deux petits pays d’Amérique centrale : le Honduras et le Salvador. En fait le premier d’entre eux connaissait sur son sol une forte minorité salvadorienne qui ne fut jamais bien accepté par les autochtones. Aussi quand un match de foot qualificatif pour la Coupe du Monde 1970 vit s’opposer les deux pays et gagner le Honduras au score de 1 à 0, de premiers heurts légers éclatèrent. Le match retour ne permit pas de donner un vainqueur net et donc qualifier puisque le Salvador l’emporta 3 à 0. Mais déjà des émeutes éclataient ça et là et des violences eurent lieu de la part des policiers hondurienne. Même la puissance FIFA s’en inquiéta alors, mais sans se douter du sort funeste qui allait s’abattre sur la région après le match de belle. L’organisation internationale du football ordonna que la rencontre se fasse en terrain neutre au Mexique. Ce 24 juin 1969 le Salvador l’emporta 3 à 2 et fut qualifié pour les phases finales alors que le Honduras était éliminé.

Au Honduras les pogroms contre les populations d’origine salvadorienne devinrent quotidiens. Et cela dépassait allègrement les simples bagarres de hooligans que nous connaissons actuellement. Il y eu des meurtres et des viols en série. Dès le soir du match le Salvador annonçait la rupture des relations diplomatiques avec le Honduras en protestation contre ces violences. Dans le même temps sa petite armée était mise en alerte tandis que les réservistes recevaient l’ordre de rejoindre les casernes. La Fuerza Aérea del Salvador de son côté fit rapidement prendre les airs à plusieurs de ses avions chargés d’assurer la souveraineté de sa frontière avec le Honduras.

De l’autre côté de la frontière c’était sensiblement différent. Le Honduras disposait d’une des armées les plus faiblement équipée de toute l’Amérique centrale même et son aviation n’y faisait pas exception. Cependant tous les militaires honduriens étaient depuis 1950 des professionnels, ne disposant ni de réserviste ni de conscrit à la différence de son voisin.

C‘est le 3 juillet 1969 que les choses ont commencé à devenir sérieuses quand deux avions d’entraînement et de reconnaissance armée North American T-28D Trojan honduriens interceptèrent un avion civil salvadorien qui volait en limite des deux frontières, mais côté salvadorien. Le Piper PA-28 et son pilotes furent forcés de rejoindre l’espace aérien hondurien et de se poser sur une base militaire. Le pilote, un journaliste indépendant, fut jeté en prison pour espionnage. Il encourait alors la pendaison. Quelques heures plus tard un poste frontière des douaniers salvadoriens fut attaqué à la roquette par un avion portant les marquages honduriens sans que l’on ne puisse pour autant l’identifier. Deux gardes frontières furent tués.

Le 9 juillet 1969 l’ambassadeur du Salvador aux Nations Unies demanda la tenue d’urgence d’une réunion du Conseil de Sécurité pour tenter de mettre fin à ces violences et meurtres, et faire baisser l’escalade qui conduisait à la guerre. Soutenue par l’Union Soviétique cette requête est rejeté par les États-Unis, la France, et le Royaume Uni.
La guerre froide se joue aussi dans cette partie du monde, le Salvador étant alors aux mains d’une junte militaire marxiste et le Honduras pro-américain.

Le 11 juillet 1969 ce sont cette fois des avions salvadoriens qui franchissent à deux occasions la frontière. Deux Goodyear FG-1D Corsair ont une première fois pris en chasse un Beechcraft Model 18 civil hondurien tandis que la seconde fois c’est un North American SNJ Texan d’observation qui repérait les abords d’une base militaire hondurienne. La DCA réalise des tirs de semonce, suffisant pour permettre au monomoteur salvadorien de rejoindre son espace aérien.

Malgré ce Mustang et ce Texan cette photo a été prise 24 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

En parallèle les violences des forces de police et de l’armée honduriennes contre les populations d’origine salvadorienne s’intensifient. Même les civils s’en mêlent. L’armée hondurienne est obligée de masser ses chars et fantassins à l’entrée des quartiers salvadoriens. Le 12 juillet elle lance l’opération Base Nueva qui consiste au rapatriement de tous ses aéronefs sur une seule et unique installation, la base de Tocontin non loin de la capitale Tegucigalpa.

Le 13 juillet c’est un hélicoptère Sikorsky H-19 hondurien qui subit des coups de feu depuis la frontière, le copilote est grièvement blessé. L’appareil réalisait une mission d’observation des positions d’artillerie ennemie.

Le lendemain, le 14 juillet 1969 la Guerre du Football devient une réalité ! Les blindés et l’infanterie salvadoriens pénètrent le territoire hondurien par deux fronts, l’un au nord et le second au sud. Dans les airs les Corsair et Mustang salvadoriens mitraillent les positions hondurienne et tirent des roquettes à haute vélocité contre les véhicules de l’armée et de la police hondurienne. 80% des blindés honduriens sont détruits au cours du premier jour de l’offensive. Le gros des troupes se replie très rapidement face à l’action conjointe de l’aviation et des troupes salvadoriennes. En début d’après-midi deux FG-1D Corsair salvadoriens bombardèrent le petit hôpital de la ville de Santa Rosa del Copan ainsi que son église où s’étaient réfugiées les populations civiles avoisinantes. Il y eu plus de 30 tués lors de ces frappes.

Fantassins et Corsairs salvadoriens envahissent le Honduras.

En fin d’après midi un Douglas C-47 salvadorien réussit à survoler la Base Nueva et à y larguer trois bombes de 120 kg par la porte arrière. Deux endommagèrent le tarmac et la troisième détruisit deux biplans et un Vultee BT-13 Valiant… tous trois réformés.

Le 15 juillet deux autres missions de bombardement furent ordonnés par l’état-major salvadorien qui profitait de la totale absence des airs de la chasse hondurienne bloquée sur la Base Nueva, faute de tarmac en état. Une de ces frappes eut pour cible une école militaire de la ville de Nacaome, heureusement déserté quelques heures auparavant. Là encore ce furent des Douglas C-47 qui assuraient cette mission. En fait ce jour là seuls les deux hélicoptères Sikorsky H-19 honduriens prirent les airs, principalement pour des missions de transport de troupe et de sauvetage. Dans ce cas l’un des deux appareils fut repeint à la va-vite avec une énorme croix rouge.

Le 16 juillet au petit matin la piste de Tocontin était réparée. Un Douglas C-47 hondurien prit les airs à destination de Tegucigalpa. Volant en rase motte il put bombarder les faubourgs de la ville et notamment un commissariat de police. Cependant seulement deux des 18 bombes de 50kg qu’il emportait toucha réellement une cible d’importance.
Mais le but était réussi, les militaires salvadoriens étaient désorientés.

Car ce raid aérien était une diversion. Quatre Corsair honduriens lourdement armés (une bombe de 250kg ou deux de 125kg, et six roquettes à haute vélocité chacun) furent chargés de frapper la principale base aérienne salvadorienne, sur l’aéroport international d’Ilopango. Faute de trouver des avions de combat ennemis ils détruisirent (à la mitrailleuse) deux avions de ligne de la compagnie nationale TACA alors stationnés : un Douglas DC-3 et un Vickers Viscount. Encore armés de leurs bombes et de presque toutes leurs roquettes ils décidèrent de changer de cible et attaquèrent la raffinerie d’Acajutla, la principale du pays qui alimentait l’armée et l’aviation salvadorienne. Deux dépôts de carburant furent également détruits. Il fallut plus de six jours aux pompiers salvadoriens pour éteindre ces incendies.

Au cours du raid un des Corsair fut touché et obligé d’aller se poser au Guatemala. L’avion fut saisi et le pilote envoyé à l’hôpital avant d’être reconduit au Honduras quelques jours plus tard. Le Vought F4U-5N ne fut jamais rendu.

Beaucoup de choses ont été écrites sur les combats aériens entre les avions à moteurs à pistons honduriens et salvadoriens, et il est difficile de démêler ce qui relève du factuel de ce qui relève de la propagande. Toujours est-il qu’on est à peu près sûr que le 16 juillet 1969 un North American T-28D Trojan hondurien réussit à s’adjuger un Goodyear FG-1 Corsair salvadorien, entre autre parce que les mitrailleuses de ce dernier s’étaient enrayées. Le lendemain eut lieu celui qui est certainement le plus célèbre combat aérien de ce conflit.

Il opposa deux North American F-51D Mustang salvadoriens à deux Vought F4U-5N honduriens. C’est aux commandes de l’un de ces dernier, codé FAH609, que le major Fernando Soto Henriquez descendit à la mitrailleuse le Mustang du capitaine Humberto Varela, quelque part au-dessus de la ville de Nacaome. Toujours sur le même avion Soto abbatit ensuite deux FG-1D Corsair salvadoriens, le dernier réussissant cependant à se poser en catastrophe. Son pilote étant un instructeur et pilote de voltige, il lui restait quelques techniques. Fernando Soto Henriquez entra dans l’histoire de l’aviation en devenant le dernier pilote de chasse au monde à avoir abattu un avion de combat à moteur à pistons depuis un même avion de combat à moteur à pistons.

Le « célèbre » Corsair FAH609.

Il est à noter que durant le conflit un seul jet fut engagé, un Lockheed T-33 T.Bird appartenant à la Fuerza Aérea Hondureña. Il servit comme plastron de chasse. Chargé d’effrayer la chasse ennemi il devait l’attirer loin pour permettre aux vrais chasseurs et bombardiers d’opérer sans risque. Une technique pas si idiote que ça.

Lorsque la guerre prit fin le 18 juillet, après que la communauté internationale s’en soit mêlée, plus 2000 personnes y avaient perdu la vie. Des civils comme des militaires, et ce sans compter les victimes des violences civiles commises avant le 14 juillet 1969.
En accord avec l’Organisation des États Américains, le Président des États-Unis Richard Nixon tapa du poing sur la table et menaça d’envoyer un porte-avions au large du Salvador… et du Honduras. Ce qui aurait été bien inutile, les Salvadoriens n’avaient plus les moyens de faire la guerre, faute de carburant.

À l’époque malgré la violence de ses combats la Guerre du Football n’intéressa pas vraiment le monde. Il faut dire qu’au plus fort du conflit, le 16 juillet 1969 l’actualité se passait dans un autre endroit. Pas très loin d’ailleurs, en Floride, à Cap Canaveral d’où Buzz Aldrin, Neil Armstrong, et Michael Collins les trois astronautes de la mission Apollo 11 venaient de quitter la Terre à destination de la Lune. La grande Histoire éclipsait ce conflit.

Et même aujourd’hui, près de cinquante ans plus tard il est difficile de démêler le vrai du faux dans cette guerre où les deux pays usaient et abusaient de la propagande. Pour la petite histoire, le Salvador ne remporta aucun de ses trois matchs de pools lors de la Coupe du monde 1970, ne réussissant même pas à marquer un but !

Pour mieux comprendre les forces aériennes engagées voici un petit récapitulatif des moyens à disposition par chaque aviations militaires lors du conflit :

Fuerza Aérea Hondureña :
Fuerza Aérea del Salvador :
Véritable reliquat de la Guerre du Football ce Douglas C-47 servait toujours début 2017 au Salvador.

À la vue de ces parcs aériens et en se souvenant que la Guerre du Football s’est déroulée en juillet 1969 on comprend mieux pourquoi ce conflit est souvent considéré comme totalement anachronique. Bien entendu tous ces aéronefs ne participèrent pas aux opérations.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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