En 2017, la Base des forces canadiennes (BFC) Bagotville célèbre ses 75 ans d’existence. L’Escadron 425 «Alouettes», qui s’y est installé à demeure depuis les années 1960, personnifie le visage francophone de cette base particulière enracinée au Royaume du Saguenay.
Comme bien des aérodromes au Canada, BFC Bagotville est un rejeton de la Deuxième Guerre mondiale. En 1939, l’entreprise Aluminium Company of Canada (ALCAN) représente à elle seule près des trois quart de la capacité de production d’aluminium de l’Empire britannique grâce à ses installations au Québec. Matériel hautement stratégique pour la fabrication d’avions et l’effort de guerre, la production d’aluminium va quintupler au Saguenay durant la guerre. L’expansion rapide de l’aluminerie d’Arvida et la construction de nouvelles centrales hydroélectriques, dont celle de Shipshaw qui est l’une des plus puissantes de l’époque, requiert des efforts titanesques. La protection de ce complexe industriel, incluant Port Alfred, devient vitale pour les Alliés face aux incursions de sous-marins allemands dans le fleuve Saint-Laurent et jusque que dans le fjord du Saguenay.
C’est sur cette toile de fond que la construction de deux aérodromes est initiée en 1941. Situé sur la rive nord du Saguenay, le RCAF Station St-Honoré ouvre en juin 1942. Construit sur la rive sud, ce sera au tour de la Station Bagotville d’être inaugurée le mois suivant. St-Honoré constitue un aérodrome auxiliaire à celui de Bagotville durant le conflit. La mission principale des aviateurs de Bagotville est clairement exprimée par la devise officielle de la base: Défendez le Saguenay. Bagotville va également contribuer au Programme d’entraînement aérien du Commonwealth en accueillant la première Unité d’entraînement opérationnel (No. 1 OTU), étape ultime de la formation des équipages avant leur déploiement au front. Près d’un millier de pilotes compléteront leur entraînement à Bagotville, mais une quarantaine d’aviateurs y perdent la vie. La défense du Saguenay est initialement assumée par l’Escadron 130, puis l’Escadron 129, dotés de chasseurs CCF Hurricane fabriqués à Thunder Bay.
Dès ses débuts, l’aérodrome de Bagotville accueille également des avions civils. Durant la guerre, Canadian Pacific Airlines y assure une liaison régulière vers Montréal avec des Douglas DC-3. Vers la fin de la guerre, les activités militaires déclinent à Bagotville, la formation de pilotes cessant dès octobre 1944 et au début de 1945 les militaires désertent Bagotville et St-Honoré. La Guerre froide avec l’URSS va donner un second souffle à la base de Bagotville. À compter de l’été 1951, elle sert à l’entraînement des pilotes de chasse devant être déployés vers les bases canadiennes nouvellement implantées en France et en Allemagne dans le cadre de l’OTAN. Avant d’être déployés vers l’Europe, les Escadrons 413 et 414 seront les premiers à s’entraîner à Bagotville avec leurs nouveaux appareils Canadair CL-13 Sabre.
En 1954, Bagotville devient aussi un maillon important du système de défense de l’espace aérien continental qui évoluera pour devenir le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (North American Aerospace Defense Command -NORAD) en 1957. Bagotville redevient une base d’attache permanente d’escadrons de chasse, en débutant avec des intercepteurs tout temps CF-100 Canuck qui se déploieront en alternance vers les bases canadiennes en Europe.
Au début des années 1960, les CF-100 de Bagotville furent remplacés par des intercepteurs à long rayon d’action CF-101 Voodoo pouvant emporter des missiles air-air AIR-2 Genie à tête nucléaire. C’est avec cette nouvelle monture que l’Escadron 425 Alouettes s’implanta à Bagotville en 1962. En 1969, l’Escadron 433 doté d’appareils Canadair CF-5 augmenta les moyens aériens de Bagotville.
À compter de 1985, les intercepteurs Voodoo des Escadrons 425 et 433 de Bagotville laisseront place aux CF-18 Hornet multi-rôle qui agissent encore aujourd’hui comme fer de lance des moyens défensifs et offensifs de l’Aviation royale canadienne. Pour les amateurs d’hélicoptères, ils ne sont pas en reste puisque Bagotville est également la base d’attache de l’Escadron 439 «Tigres» spécialisé dans les opérations de recherche et sauvetage. Initialement dotés d’hélicoptères CH-118 Iroquois, les Tigres effectuent depuis 1996 leur mission avec des CH-146 Griffon.
Finalement, il n’est pas rare d’apercevoir à Bagotville des Dassault/Dornier Alpha Jet qui jouent le rôle de bandits lors d’exercices d’entraînement. En mars 2017, des congénères plus prestigieux effectuaient une escale technique à Bagotville, soit ceux de la Patrouille de France alors en route pour sa tournée nord-américaine.
Les pistes de Bagotville continuent toujours de desservir tant le trafic aérien militaire que civil. En pleine Guerre froide, seule l’entreprise d’état Trans-Canada Airlines y était toutefois tolérée. La coexistence des activités civiles et militaires à Bagotville est certes plus facile aujourd’hui, mais toujours sous l’œil attentif des contrôleurs aériens militaires. Seul accident tragique à déplorer durant toutes ces années, une collision sur une des pistes impliquant un CF-101 Voodoo et le Vickers Viscount CF-THA coûta la vie à deux civils en 1962. Depuis l’an 2000, l’aérogare civile relève désormais des autorités municipales qui comptent bien développer le plein potentiel de cet aéroport régional.
Aussi, l’aéroport accueille depuis 1953, à tous les deux ans, un meeting aérien connu sous le nom de Spectacle aérien international de Bagotville dont les organisateurs promettent d’en mettre plein la vue cette année afin de souligner le 150ème anniversaire de la Confédération canadienne ainsi que le 75ème de la BFC Bagotville. Enfin, sous la plume de Marc-André Valiquette, un livre bilingue de 512 pages intitulé Bagotville – 75 ans de défense aérienne, vient de paraître pour ceux qui veulent en savoir plus, ou me faire un petit cadeau !
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2 Responses
Bravo pour cet article Marcel! A partir de la ville de Québec, nous prenons en direction nord « la route du parc », la 175 et après environ 220 km nous arrivons à la nouvelle ville de Saguenay. L’aéroport se trouve à quelques kilomètres de la ville. Les résidents de la région de Charlevoix située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent entre Petite-Rivière-Saint-François et l’embouchure du Saguenay sont habitués au survol à basse altitude ne nos CCF-118. Et avec la tenue en mai ou juin 2018 dans Charlevoix `du G8, le grondement des General Electric F404-GE-400 des Hornets se fera entendre davantage.
Mon oncle RAYMOND SINCENNES étais mecanicien tech. avec 433 et je crois 425 a la fin des années 60,si quelqu un se souvient de lui SVP me contacter par e.mail ,sincennesj@videotron.ca