Mirage 2000D : un nouveau camion à bombes pour l’armée de l’air française ?

Les Jaguar ayant été retirés du service et les Rafale n’étant pratiquement plus livrés qu’à l’export, l’emploi des forces n’ayant jamais atteint un tel niveau en OPEX (Opérations en Théâtres Extérieurs), il devenait urgent pour l’armée de l’air de retrouver un « camion à bombes » utilisable jusqu’en 2030 au moins.

La logique a fait que le Mirage 2000D le plus récent de la famille dont la livraison s’est étalée entre 1993 et le début des années 2000 a été choisi. Cet avion a été initialement conçu comme un biplace de pénétration tous temps y compris Jour/Nuit doté d’un excellent radar Air/Sol Antilope, d’un suivi de terrain très performant et avec deux centrales inertielles et un GPS il a tout pour aller sur son objectif de façon certaine. La date d’obsolescence programmée de cet avion se situe en 2030 .

Doté récemment du système d’échange de données « liaison 16 », le 2000D peut participer aux actions combinées de type OTAN , il a été également équipé du logiciel spécifique de liaison avec les forces terrestres. Les OPEX du type Sahel demandent l’utilisation de bombes à guidage final précis non seulement pour détruire plus certainement la cible mais aussi pour réduire le risque de dégâts collatéraux en particulier en milieu urbain. Pour ces bombes le tir sur coordonnées GPS n’est guère possible car les règles d’engagement très strictes, nous pouvons le comprendre, exigent une identification formelle de la cible.

La solution reste donc dans l’utilisation d’une nacelle d’acquisition visuelle de la cible d’une télémétrie et d’une d’illumination laser de cette dernière pour le guidage des bombes. Un dernier besoin est apparu depuis l’Afghanistan ; parfois dans certaines missions montrer sa force est suffisant. Dans ce contexte l’utilisation d’une arme basique à savoir le canon s’est avérée payante. L’ajout d’un canon fait donc partie du cahier des charges puisque cet avion en était dépourvu. Le système de détection et d’alerte de menaces dont le 2000D est équipé avait été rénové il y a une dizaine d’année et ses performances restent très satisfaisantes.

Une rénovation non sans contraintes…

La première contrainte pour armer un avion de combat est que le nombre de points d’emports de charges extérieures est toujours limité. Dans le cas du 2000D nous en avons neuf et, compte tenu de l’autonomie demandée au moins deux réservoirs largables de 2000 litres voire d’un troisième de 1300 litres sont nécessaires ce qui nous mobilise autant de points d’emport. Les deux points de voilure restants sont utilisés pour les missiles de défense aérienne indispensables. Restent disponibles les 4 points d’emports latéraux avant et arrière. Si les points latéraux avant sont pris l’un par une nacelle de désignation laser et l’autre par la nacelle canon il ne reste plus dans ce cas extrême que les deux points arrière pour les bombes…

La deuxième contrainte et pas des moindres dans ce programme de rénovation de 55 plateformes est la réduction récurrente et drastique des budgets de la défense au cours des quinze années passées et dont l’effet principal pour l’armée de l’air a été un vieillissement accéléré de la flotte des avions existants car non renouvelés.

Un Mirage 2000D français déployé durant l’opération Chammal en Février 2015

La rénovation et standardisation du M2000D compte tenu des contraintes mentionnées comprendra les éléments suivants :

  • Une nacelle mono-canon de 30 mm DEFA récupérés sur des avions retirés du service qui sera installée sur un point avant latéral (gauche). Une conduite de tir associée sera intégrée au Système de Navigation et d’Attaque (SNA).
  • La nacelle Damocles sera montée sur l’autre point avant latéral.
  • L’avion sera capable d’emporter toutes les munitions de type GBU 12,16,22,24 et 49.
    La MAGIC 2 du fait de son obsolescence actée pour 2020 sera remplacé par le missile MICA infrarouge sans intégration à une conduite de tir puisque le radar Antilope ne fonctionne pas en Air/Air.
  • Une cartographie numérique remplacera le système actuel qui est obsolète.
  • Une mise au même standard de tous les avions sera faite et corrigera toutes les modifications ponctuelles qui avaient été faites en son temps pour répondre à des besoins urgents et qui du fait de l’hétérogénéité induite de la flotte compliquait la maintenance.
  • L’officier système d’armes aura une tablette tactique qui lui permettra de s’interfacer directement avec le Système d’armes de l’avion pour l’utilisation des différentes armes dont les GBU.

Un système ainsi défini beaucoup moins ambitieux qu’au départ !

Nous regrettons l’abandon sur le M2000D de la munition A2SM qui, du fait qu’elle est propulsée, a une portée importante qui offre un domaine de tir très ouvert et bien supérieur à celui des GBU en particulier pour un tir à partir d’une altitude de l’ordre de 25000’, hauteur recherchée pour diminuer la vulnérabilité aux menaces Sol/Air. Certes le coût unitaire en est élevé mais c’est un produit français aux caractéristiques bien connues ce qui n’est pas toujours le cas des munitions d’origine étrangère. La GBU 49 dont la charge militaire est très fortement réduite sera la seule solution pour réduire les risques de dommages collatéraux.

Les informations relatives à une intégration de la BAT120 guidée laser, nouveau développement Thalès/DGA, nous semblent irréalistes si l’on tient compte des contraintes budgétaires actuelles, mais pourrait revenir dans la course dans le cas d’une prolongation de la vie du Mirage 2000 au-delà de l’horizon 2030, hypothèse fort probable.

Bien sur le M2000D reste compatible de la nacelle ASTAC (Analyseur de Signaux TACtiques) qui sert pour analyser l’environnement électro-magnétique et la reconnaissance électronique de zone. Espérons que la nouvelle nacelle Talios développée par Thalès et actuellement en phase de qualification sur la base de Cazaux pourra remplacer Damoclès vieillissante. L’effet immédiat serait pour le M2000D une grande amélioration des performances opérationnelles en particulier grâce aux images en couleur et à la liaison de données montante et descendante dont elle dispose.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Henri de Waubert de Genlis
Henri de Waubert de Genlis
Né le 28 avril 1946 en France, Henri de Waubert de Genlis est un ancien pilote d'essai français issu de l'École de l'Air. Il a rejoint cette école en 1966 après les classes préparatoires scientifiques. Doté d'un goût très prononcé pour l'aéronautique militaire, il a très vite (en 1969) entamé une spécialité de pilote de chasse. Ce qui lui a notamment permis de passer par les bases de Tours et de Cazaux sur Mystère IV. Pendant son expérience à Cazaux, Henri de Waubert de Genlis a eu la chance de tester près de 30 différents appareils, parmi lesquels l'on peut citer les "Atlantic" NG 001, SA 361 viseur "Vénus", "Super Étendard", Macchi 339 et autres "Transall". Il a réalisé plusieurs essais d'armement pour le compte de l'Irak entre 1979 et 1983. Il eut également l'honneur de réaliser les premiers tirs de BGL, entendez Bombes Guidées Laser. On lui doit également la mise au point des armements guidés laser. Il quitte l'armée en 1983 pour créer sa propre société nommée ATE (Advanced Technologies and Engineering). Cette dernière était spécialisée dans l'ingénierie aéronautique, et à travers elle, l'homme a pu participer activement à la mise au point d'adaptation de systèmes d'armes sur des appareils sud-africains. L'Afrique du Sud a véritablement été un pays d'adoption pour l'ex-pilote de chasse, qui a, entre 1995 et 2000, occupé le poste de conseiller du Ministère des transports d'Afrique du Sud affecté aux départements « Road Department » et « Shipping Directorate ». C'est en 1993, qu'en tant que Conseiller du Commerce Extérieur de la France (CCEF), il devint président de la section française en Afrique du Sud. En 2004, il repart dans l'Hexagone où sa grande expérience lui permet de devenir conseiller auprès de plusieurs sociétés de la place, comme Dassault et MBDA. L'homme trouva ensuite le moyen de venir en aide aux jeunes étudiants et nouveaux diplômés, en les orientant vers des activités internationales. Parmi les nombreuses récompenses qui ont ponctué la vie d'Henri de Waubert de Genlis, il y a notamment celle de Chevalier de l'Ordre National du Mérite, reçue en 1982, ou encore la Médaille de l'Aéronautique, obtenue en 1983. Il ne faut pas non plus oublier la distinction de Chevalier de l'Ordre National de la Légion d'Honneur, reçue en 1996.
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Commentaires

10 réponses

  1. Je me pose la question pour l’intégration pour les MICA. Dernièrement il y avait des rumeurs sur l’abandon de cette partie du programme. Or, c’est vraiment handicapant. La coalition au Moyen-Orient aurait semble-t-il interdit aux 2000D d’opérer au dessus de la Syrie car ils n’étaient pas en mesure de se défendre contre une éventuelle attaque aérienne (il y a beaucoup de belligérants sur place et la tension reste importante). De fait les 2000D ont été redéployés en Afrique où nous opérons (presque) seuls et où il n’y a pas de danger dans le ciel. Qu’en sera-t-il donc ?

    A voir donc ce que donnera cette refonte, mais on peut se poser la question du maintien en service de cette flotte jusqu’en 2030. L’avion aura alors une petite quarantaine d’années et pas mal de miles au compteur. L’achat de Rafale, plus onéreux certes, mais avec de bien meilleures capacités et une disponibilité plus grande était, je pense, la meilleure option.

  2. Suite à la coupe budgétaire de 850 millions d’euros du ministère des Armées, la rénovation des 2000D fait partie des programmes reportés.
    Concernant la nacelle ASTAC, « l’environnement électromagnétique et la reconnaissance électronique de zone » ça consiste en quoi exactement ? Peut-on écouter les échanges radio ou les conversation téléphoniques ?Détecter les radar ?

  3. Pas de mode Air/Air sur 2000D… .?
    Il me semblait que, d’après leurs témoignages, les pilotes en opex nuit/mauvais temps pouvaient rejoindre les tankers grâce à leur radar ?

  4. @ Xav520: la terminologie exacte aurait du être « un mode air/air très limité ».

    En effet l’Antilope peut accrocher une cible, mais portée et fiabilité de l’accrochage sont faibles. Les méthodes les plus fiables pour rejoindre un tanker restant la L16 (quand celui ci en est doté
    …), ou les yeux 🙂

    En fait le Mica sans intégration en conduite de tir fera comme si vous donniez un fusil à un myope ne voyant qu’à une dizaine de mètres. Par contre le gain en autoprotection va être appréciable.

    Cependant la 2000D, même ainsi doté, ne pourra pas être considéré comme un véritable appareil aux capacités air/air suffisantes pour assurer sa protection.

  5. Le 2000-D ,bon juste pour chasser du pickup au Sahel ,mais en Syrie avec de la menace sol air et air air ,il aurait fallut avoir au moins du 2000-9 ! Ou alors 2000-D accompagnés de 2000-5 ( après tout les USA disent eux même que le f35 doit être accompagné de f22). Après la solution unique on le sait tous : rafale ( encore faut-il en avoir assez). Si les Emirats Arabes Unis veulent retrofiter leur 2000-9 , c’est qu’ils connaissent la flexibilité d’emploi de cette version du 2000 ( la meilleure version ,la plus aboutie, presque un rafale !)

  6. J’espère que les productions de Dassault ne sont pas frappées d’obsolescence programmée ! Je pense qu’il faut entendre « fin de potentiel » ou « usure structurelle » dans votre propos.
    « L’obsolescence programmée est l’ensemble des techniques destinées à réduire la durée de vie ou d’utilisation d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement, avant son usure normale »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Obsolescence_programmée
    http://www.liberation.fr/futurs/2012/10/28/la-vie-gachee-des-objets_856572

    1. Désolé d’intervenir aussi tard.
      En fait le terme d’obsolescence programmée, tel que défini dans wikipédia, est une opération commerciale.
      Mais dans le cas des équipements dont il est question ici, il s’agit d’une obsolescence à deux niveaux et cela ne concerne pas la fin de potentiel ni l’usure structurelle : il suffirait alors de reconstruire à l’identique, mais une obsolescence à la fois technologique et opérationnelle.

      Les progrès de la technologie appellent parfois de nouvelles machines, comme les smartphones de plus en plus évolués. Mais cela ne veut pas dire que la technologie en question réponde à un besoin autre que celui de vendre.

      Mais les besoins opérationnels se découvrent chaque jour sur le champ de bataille et demandent des évolutions technologiques. L’appui feu d’aujourd’hui nécessite une retransmission au sol des information du pod en haute définition : l’homme vu est-il muni d’une arme ou d’une fourche ? Là, ce sont les opérations qui ont besoin de technologie.

      Quand on parle d’obsolescence programmée dans ce cas, cela veut simplement dire que les programmes prévoient le remplacement des technologie parce qu’elles seront alors considérées comme obsolètes au regard des besoins.

      Obsolescence programmée dans le cas des objets de hautes technologies = programmer l’obsolescence des technologie pour des raisons commerciales.
      Obsolescence programmée dans le cadre opérationnel = avoir un programme de gestion de l’obsolescence de fait des produits.

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