Le Chengdu J-20, un chinois très discret ?

Discret, très discret. Alors que durant l’année 2016, le F-35 américain faisait régulièrement la une pour ses retards accumulés, ses coûts prodigieux ou ses échecs lors de combats simulés pour s’imposer comme chasseur de cinquième génération, l’Empire du Milieu était à l’aube de présenter sa propre version. Mis à l’étude a la fin des années 1990 lorsque la Chine se rendit compte qu’elle était incapable de réagir à l’arrivée de deux groupes aéronavals américains, composés de l’USS Nimitz et de l’USS Independance, venus soutenir Taiwan après une série d’exercices militaires réalisés par la Chine dans la région, le programme d’un chasseur tactique multi-rôles de nouvelle génération avant été remporté par la Chengdu Aircraft Corporation sous le nom de projet 718.

Le J-20
un développement inégal

Tout d’abord, la principale étude disponible à ce jour est celle de l’United State Naval Institute (USNI), une association non-gouvernementale de retraités de la Marine et des Marines américains, qui avait publié en 2017 un article de comparaison entre le F-35 et le J-20 à partir de deux rapports gouvernementaux américains au sujet du J-20 – Le rapport du Pentagone publié en 2011 sur la furtivité de l’avion et le rapport de 2016 sur ses capteurs et son armement.

Un avion grand, privilégiant la vitesse, sans moteurs adaptés pour ses objectifs

Lockheed-Martin F-22 Raptor de l’US Air Force

L’article commence par souligner que le J-20 paraît ”plus grand” que le F-22 Raptor mais avec une surface alaire plus petite de 25%, et une charge alaire presque identique à celle d’un F-35.

Le général d’armée aérienne Alexander Zelin, ancien commandant en chef de l’armée de l’air russe (VVS), estime que le rayon de combat du J-20 devrait avoisiner les 2 000 km. Avec quatre réservoirs externes tels que montrent les photos d’amateur, l’avion pourra accroître d’avantage sa distance franchissable, toujours selon l’article.

Ensuite, à l’écoute des déclarations officielles et des données numériques la latéralisation de l’avion a tout d’une réussite menaçante pour les adversaires de la République Populaire. Avec un premier vol en 2009 prévu et réalisé en 2011 et un coût unitaire évalué a cette époque aux 110 millions de dollars, relativement moins cher qu’un F-35 à 133 millions. En 2014, de nouvelles modifications fûrent appercues comme un revêtement furtif ou encore une entrée d’air réduite.

Mais ces prouesses technologiques ne sont pas sans rappeler une terrible lacune : les chinois, depuis toujours, ont des soucis avec les turboréacteurs. La motorisation du J-20 est d’origine russe, sans poussée verctorielle. Les deux premiers J-20 sont probablement motorisés par deux AL-31FN, turboréacteurs à double flux développés par Lyulka à l’origine pour le Su-27.

Le turboréacteur AL-31 FN développé par Lyulka

Le F-35, qui selon Lockheed Martin est doté d’une capacité limitée en super-croisière à Mach 1,2 sur 240 km, prend donc l’avantage sur le J-20, souligne le Dr. Mark B. Schneider.

Mais des capteurs de dernière génération copiant ceux de son rival chinois

Du nez vers l’empennage de l’avion, les capteurs sont très similaires à ceux des chasseurs de la même génération comme le Su-57 et le F-35. Ainsi si le J-20 est jugé d’une manière générale sous-motorisé, l’article de l’USNI parle des capteurs ”impressionnants” du J-20, avec, dans son nez, un radar à antenne de balayage électronique actif (AESA), et, sous son nez, un système optronique de ciblage. L’installation de ce système restait, au début de l’année 2018, hypothétique. Sur le côté du fuselage,en-dessous et au-dessus d’autres capteurs installés complétaient ceci en fournissant une couverture sur 360 degrés similaire à celle du F-35.

Et des espaces généreux pour l’armement

Située dans la partie basse du fuselage, d’une longueur estimée à 4,5 mètres pour 3 mètres de largeur, le J-20 emporte quatre missiles air-air de moyenne portée PL-15 ou les vieux PL-12, des missiles air-air à courte portée PL21 ou encore des missiles air-surface. Les missiles air-air de courte portée comparable aux Sidewinders américains, sont localisés aux niveau des petites soutes latérales de chaque côté du fuselage à proximité des entrées d’air pouvant chacune recevoir un missile air-air PL-10.

Au niveau des armes, les observateurs cités dans le texte mentionnent l’absence du canon, et la dotation d’un missile Air-Air de près de 300 km de portée, qui pourrait être une menace pour les AWACS, les avions ravitailleurs et les avions de chasse de 4ème génération.

Ainsi, point de vue technologique, l’article de l’USNI pense que le J-20 pourrait être une menace sérieuse pour les avions, les navires et les installations américaines dans une future proche, mais il ne pourra pas tenir dans un match 1 contre 1 face au F-35 qui est plus furtif, et mieux équipé en capteurs.

Des avions vraiment comparables ?

Mais, déjà, la guerre aérienne de nos jours n’est plus une joute de chevalerie entre deux appareils mais une confrontation de deux systèmes. Ensuite le développement de chaque vecteur dans l’aviation militaire répond obligatoirement à des besoins précis, exprimés dans un contexte à la fois ”de l’instant T” et évolutif sur 30 ans. La furtivité du F-22 par exemple, avait été réfléchie pour réduire le temps de réaction des systèmes de défense aérienne soviétique en basant sur des métriques, précises.

Comparaison visuelle des 4 appareils : S-27, J-20, T50 et F22

Par conséquent, l’étude comparative entre les deux appareils rappelle un peu le jeu de ”qui a la plus grosse” dans les cours de récré. Il faut plutôt essayer de comprendre quel est le contexte dans lequel les décideurs chinois basent leur réflexion à l’origine du programme J-20? Quels sont les scénarios et les besoins opérationnels dans lesquels l’avion doit évoluer et répondre ? Il faudrait alors reconstituer l’historique des études lancées depuis le 7ème plan quinquennal (19861990) auprès des deux principaux bureaux d’études Shenyang 601 et Chengdu 611, ainsi que les recherches en science fondamentales menées par les entités universitaires et institutionnelles à partir de cette même période. Un article de East Pendulum  pose la question ”Pourquoi le J-20 vole avec quatre réservoirs externes ?” par exemple, qui tente d’expliquer le besoin relativement important en autonomie du chasseur chinois par rapport aux objectifs politiques.

L’étude de cas du J-20 est un énorme jeu de puzzle pour les observateurs lambda non spécialisés, il nécessite donc beaucoup de recherches et de croisement d’information, une attitude impartiale et surtout, ne pas se laisser tenter par un quelconque ”glissage ” à vouloir comparer ce qui est parfois, incomparable…

Le J-20 un avion qui fait débat dans le ciel asiatique

Au-delà des débats sur ses caractéristiques techniques, le J-20 a aussi remué les cartes politiques en Asie et, à en considérer l’alerte posée depuis quelques mois sur le sujet, particulièrement en Inde.

En effet, certains comme l’Air Vice Marshall à la retraite Manmohan Bahadur réclament à corps et à cri une augmentation des budgets suite à l’apparition d’un avion furtif de cinquième génération. En notant, et même si les pourcentages restent à confirmer, que l’Inde dépense seulement 0,7% de son budget lorsque la Chine dépense 2.1%, il y a de quoi s’alarmer sur le long terme quant au creusement d’un fossé technologique entre les deux pays. Mais sur le court terme les doutes du chef de l’armée de l’Air indienne, l’Air Chief Marshall Birender Singh Dhanoa, quant à la véritable furtivité de l’appareil face au radars indiens tentent de rassurer temporairement la population.

L’avion furtif X-2, future arme high-tech japonaise

Quoiqu’il en soit cela montre bien que la Chine a entamé sa transition de suiveur vers un premier rôle en terme d’industrie aéronautique militaire. Ceci d’autant plus que Yang Wei, l’ingénieur en chef du programme du J-20 déclarait un peu plus tôt à le 14 mars ne pas être satisfait de l’appareil et être déjà en phase de création de nouvelles versions. Cette capacité à créer un avion de combat par ses propres moyens laisse la presse japonaise s’interroger encore sur le développement de son propre avion de combat alors que s’installe une usine de F-35 sur son territoire. Certaines annonces de l’arrêt de la recherche pour un développement ont même été démenties formellement par le ministre de la défense Itsunori Onodera tandis que les tests sur l’avion de cinquième génération X-2 Shinshin de Mitsubishi poursuit son cours. En poussant le Japon à la fois sur le front du F-35 et sur celui du maintien d’un savoir faire local, la Chine marque des points.

Mais ce qui est étonnant c’est la suite de la déclaration de Yang Wei qui annonce la poursuite du développement d’un avion de sixième génération, probablement le Shenyang FC31, alors même que de sérieux doutes non seulement sur la motorisation mais aussi sur la furtivité du J-20 persistent. Il faut alors essayer l’exercice de penser en fonction des objectifs chinois et aussi considérer que malgré ses défauts, le J-20 est aujourd’hui en production et servi par toute la capacité industrielle que la Chine peut lui donner pour atteindre une superiorité par le nombre alors que les Etats-Unis ont arrêté la production de F-22.

En conclusion si le J-20 est un appareil qui fait débat sur ses capacités, il est un nouveau vecteur qui peut tirer profit de l’appareil industriel chinois pour imposer une supériorité aérienne en Asie qui devient avec les récents problèmes en Corée ou ceux, plus récurrents, de revendication entre la Chine et ses voisins. Cependant il convient de toujours chercher à comprendre les raisons d’être de cet avion à l’aune des objectifs politiques chinois pour éviter des comparaisons qui n’auraient pas lieu d’être. Car quel que soit son usage opérationnel futur, la seule certitude que l’on puisse avoir est la montée en puissance de l’industrie aéronautique de l’Empire du Milieu.


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Antoine Coppin
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Commentaires

9 Responses

  1. Permettez-moi de corriger deux très grosses erreurs dans l’article.
    1. « F-35 […] ou ses échecs lors de combats simuler pour s’imposer comme chasseur de cinquième génération »
    Ceci parle très probablement de l’exercice F-35 vs F-16 (avec deux bidons …). Il faut mettre les choses dans leurs contexte
    «  »If I went out and fought an F/A-18 on day one I’d get destroyed, » said Flatley. « But if you do what the jet is really good at, you can do things those other jets wouldn’t dream of. » »
    « Since that test, the F-35’s record speaks for itself. During Red Flag, the US Air Force’s most realistic and challenging jet-fighter training event, the F-35 came out with a stunning 20-1 kill ratio on the legacy aircraft that had once beaten it. »
    http://uk.businessinsider.com/f-35-vs-f-16-15-18-lost-beaten-flatley-comeback-2017-4?r=US&IR=T

    Quelques informations additionnelles:
    « To sum it up, my experience so far is that the F-35 makes it easier for me to maintain the offensive role, and it provides me more opportunities to effectively employ weapons at my opponent. »
    https://theaviationist.com/2016/03/01/heres-what-ive-learned-so-far-dogfighting-in-the-f-35-a-jsf-pilot-first-hand-account/

    « I typically tell new pilots that the F-35 sits somewhere in between the F-16 and F/A-18 when it comes to within visual range maneuvering. »
    […]
    « The first time the opponents showed up [in the training area] they had wing tanks along with a bunch of missiles. I guess they figured that being in a dirty configuration wouldn’t really matter and that they would still easily outmaneuver us. By the end of the week, though, they had dropped their wing tanks, transitioned to a single centerline fuel tank and were still doing everything they could not to get gunned by us. A week later they stripped the jets clean of all external stores, which made the BFM fights interesting, to say the least… »
    http://www.f-16.net/forum/download/file.php?id=26975

    « When asked about my first flight in the F-35, I compared it to flying a Hornet (F/A-18), but with a turbo charged engine. I now can quote a USMC F/A-18 Weapons School Graduate after his first flight in the F-35: «It was like flying a Hornet with four engines!» »
    […]
    « We see this every day when training with the F-35; we detect the F-16s flying in the local airspace at vast ranges, compared to when we detect another F-35. »
    https://nettsteder.regjeringen.no/kampfly/2016/09/16/lack-of-perfection-does-not-mean-disaster-how-i-read-test-reports-as-a-pilot/

    Pilote Norvégien affirme que le F-35 est plus maniable que le F-16
    https://nettsteder.regjeringen.no/kampfly/2017/06/02/f-35-og-luft-til-luft-rollen/

    31 pilots expérimentés préfèrent tous le F-35
    https://www.heritage.org/defense/report/operational-assessment-the-f-35a-argues-full-program-procurement-and-concurrent

    2. Le prix du F-35 « Avec un premier vol en 2009 prévu et réalisé en 2011 et un coût unitaire évalué a cette époque au 110 millions de dollars, relativement moins cher qu’un F-35 à 133 millions. »
    F-35A: $94.6M (low rate initial production lot 10 (LRIP 10) including F135 engine, full production in 2018 to be $85M)[8]
    F-35B: US$122.8M (LRIP 10 including engine)[8]
    F-35C: US$121.8M (LRIP 10 including engine)[8]
    https://en.wikipedia.org/wiki/Lockheed_Martin_F-35_Lightning_II

    1. Vous n’avez nullement corrigé d’erreur, d’ailleurs de quel droit corrigeriez vous de tels erreurs? Vous ne faites, une fois encore qu’apporter votre avis. Ni plus ni moins, et perso je suis très sceptique concernant certaines de vos sources.

  2. « mais il ne pourra pas tenir dans un match 1 contre 1 face au F-35 qui est plus furtif »
    Possible, mais la furtivité du F-35 est déjà misérable, il se fait repérer sans problème par des radars basses fréquences, et ceux ci se démocratisent a vitesse exponentielle au fur et a mesure que le ciel ce couvre d’avions dit « furtif ».

    Par conséquent, la furtivité passive ne sera bientôt plus un critère majeur a moins d’une avancée significative dans le domaine

    1. Le problème avec les radars basses fréquences est double: la taille de l’antenne et la résolution.

  3. Le J-20 est vraiment imposant pour un avion de chasse. Aussi grand et lourd voir plus qu’un mirage IV. Niveau maniabilité ? Après comme vous dîtes un combat aérien aujourd’hui ce sont deux ordinateurs qui se battent sans que les avions soit visiblent l’un de l’autre. Et puis il a des formes et angles complexes, pas autant épuré qu’un F-22, et surtout des plans canard. Pas sûr que ce soit l’idéal pour de la furtivité passive.

  4. Et encore un avion qui servira à rien 😉

    C’est ça continuez de claquer des milliards dans des avions qui ne connaîtront jamais les théâtres d’opération. J’espère qu’ils ont au moins pensé à mettre un système de verrouillage air-sol pas comme sur le f-22. Bref je prefere depenser le Rafale qui est polyvalent ou dans la cyber-défense

  5. C’est bien je vois que vous avez un nouveau journaliste, votre  » famille  » s’agrandit, ça veut dire que votre blog fonctionne bien et attire de nouvelles personnes. L’article est passionnant.

  6. Très bon article, merci pour ce point de vues tant stratégique que politique de l’utilité de cet appareil qui il est vrai apparaît sous motorisé… Pour l’instant, car avec l’achat de quelques su35S nos amis Chinois ne devraient pas tarder à l’équiper de F117S de facture locale…!!!

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