Max Ward, le maverick de l’aviation canadienne

Pour nos lecteurs les plus jeunes, et ceux de l’extérieur du Canada, Max Ward leur est sans doute inconnu. Se décrivant lui même comme un pilote de brousse dans la jungle de la bureaucratie, ce coloré personnage a révolutionné le transport aérien dans les territoires du nord-ouest canadien avant de s’attaquer aux géants Air Canada et Canadian Pacific Airlines. Il est récemment décédé à l’âge vénérable de 98 ans. Pour lui rendre hommage, voici donc un bref rappel de l’aventure de ce passionné de l’aviation qui a fondé Wardair.

Natif d’Edmonton en Alberta, Maxwell William Ward s’enrôle dans l’Aviation royale canadienne (ARC) en 1940 et reçoit ses ailes de pilote en 1941. Plutôt que de rejoindre le front, il est assigné au Programme d’entraînement aérien du Commonwealth comme pilote- instructeur. Max Ward quitte l’ARC en 1945 et obtient son brevet de pilote commercial. En 1946, il met sur pied la Polaris Charter Company à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest. Avec son unique biplan DH.83 Fox Moth, il transporte des prospecteurs et du matériel vers des camps d’exploration minière dispersés dans cette vaste contrée subarctique encore peu cartographiée. Trop vite en affaires, Max Ward connaît ses premiers démêlés avec les autorités fédérales car il ne détient pas les permis nécessaires pour opérer une telle entreprise. Il est contraint d’abandonner, mais ce n’est que partie remise.

Max Ward et son DH.83 Fox Moth

De retour à Yellowknife, il fonde Wardair qui lance ses opérations en 1953 grâce à l’acquisition d’un appareil DHC-3 Otter. Max Ward est parmi les premiers acquéreurs de cet imposant avion de brousse lancé l’année précédente par de Havilland Canada . À l’époque, ce sont les plus petits et moins coûteux Noorduyn Norseman qui dominent encore les cieux des contrées sauvages du nord-ouest canadien. Plusieurs prédisent l’échec commercial de Wardair, mais Max Ward a vu juste. L’activité minière est en plein essor et nécessite du transport aérien de plus grande capacité.

Max Ward aux commandes de son premier DHC-3 Otter
Avions DHC-3 Otter et DHC-2 Beaver à quai, Yellowknife

Wardair connaît une expansion rapide avec l’acquisition d’autres appareils DHC-3 Otter, mais aussi d’avions DHC-2 Beaver auxquels s’ajouteront au fil des ans des DHC-6 Twin Otter et DHC-7 Dash 7 pour devenir un des plus importants transporteurs régionaux du nord-ouest. Aussi, Wardair fait usage d’avions de transport lourd Bristol Freighter. À Yellowknife, on parle de la période pré-Ward et post-Ward, tant il a marqué le développement de ce vaste territoire où le transport aérien est un service essentiel. En reconnaissance de cet apport, un appareil Bristol Freighter aux couleurs de Wardair est aujourd’hui exposé comme monument près de l’entrée de l’aéroport de Yellowknife.

DHC-3 Otter dans son élément naturel
DHC-7 Dash 7
Bristol Freighter sur socle à Yellowknife

Débordant des contrés nordiques, Max Ward se lance dans une nouvelle aventure en 1962 avec l’acquisition d’un premier quadrimoteur Douglas DC-6B pour explorer le marché des vols nolisés (charter) internationaux. Dès 1966, son entreprise rebaptisée Wardair Canada fait l’acquisition de ses premiers avions de ligne à réaction, soit des trimoteurs Boeing 727, auxquels s’ajoutent bientôt des appareils Boeing 707. Max Ward souhaite également se lancer dans le marché des liaisons régulières pancanadiennes et internationales mais se heurte rapidement à une farouche opposition des grands transporteurs nationaux déjà établis ainsi qu’aux entraves réglementaires favorisant particulièrement la société d’état Air Canada.

Douglas DC-6B
Boeing 727

Max Ward contourne ces obstacles en mettant sur pied le Club Wardair dont les membres ont le privilège d’avoir accès à des vols nolisés réguliers. Ainsi, Wardair Canada peut faire indirectement ce qui lui est interdit, soit de vendre des billets d’avion directement à ses clients. Dans les années 1970, Wardair Canada connaît un grand succès et se hisse au rang de troisième transporteur aérien en importance au Canada. Contrairement aux autres grands joueurs du secteur qui cherchent à maximiser les profits en entassant les passagers et en réduisant la qualité des services en vol, Max Ward mise sur le confort et le plaisir de voler tout en maintenant des prix compétitifs. Wardair Canada multiplie les destinations et augmente considérablement sa capacité avec l’ajout d’appareils Douglas DC-10 et Boeing 747.

Boeing 747

Une vague de déréglementation du transport aérien en Amérique du Nord dans les années 1980 présente de nouvelles opportunités que Max Ward compte bien exploiter. Wardair Canada se lance dans un ambitieux plan de croissance en commandant quatorze Airbus A310, douze McDonnell Douglas MD-88 et douze Fokker 100. La sévère récession économique des années 1980 a toutefois raison des ambitions de Max Ward qui est contraint de vendre son entreprise en 1989. Ainsi disparaît Wardair Canada dans un exercice de consolidation de divers transporteurs regroupés dans une nouvelle entité, soit Canadian Airlines.

Airbus A310

Pour clore le chapitre de sa vie professionnelle, il fait don en 1989 au Musée canadien de l’aviation d’un appareil DHC.83 Fox Moth magnifiquement restauré aux couleurs de la première entreprise qu’il avait lancé en 1946. Son amour des grands espaces sauvages et de la confrérie des pilotes de brousse ne l’a toutefois jamais quitté. Résidant toujours dans sa ville natale d’Edmonton, il s’envolait l’été venu pour séjourner à son chalet sur les rives du lac Redrock au Nunavut. C’était l’endroit où se tenait de grands rendez-vous avec ses anciens collègues pilotes de brousse ainsi que les membres de sa famille. Nul doute qu’il manquera beaucoup à ses amis, ses enfants, ses petits-enfants et surtout Marjorie, sa fidèle complice depuis 1944 qui savait si bien lui donner des ailes. Quant à moi, je lève un verre au Bar de l’escadrille pour lui souhaiter bon vol vers sa nouvelle destination.

DHC.83 Fox Moth

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

2 Responses

  1. Bonjour Marcel.
    Merci pour ce billet au final très stimulant.
    Car ce n’est pas tous les jours que je découvre qu’un entrepreneur s’offre un appareil aux dimensions du Boeing 747…

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