Il y a 80 ans l’Amérique répondait au Japon par l’audacieux raid Doolittle.

C’est une des pages les plus célèbres de l’histoire aéronautique de la Seconde Guerre Mondiale. Le samedi 18 avril 1942 les équipages de seize bombardiers moyens North American B-25 Mitchell eurent pour mission d’aller bombarder le Japon. Si tactiquement ce raid Doolittle ne fut pas réellement un succès il permit de remonter le moral des forces américaines, complètement à plat après la défaite des îles Marshall. Il est néanmoins entré dans la légende, en grande partie grâce à Hollywood.

Au début du printemps 1942 les États-Unis enchaînent les défaites dans le Pacifique. Après avoir vu leur flotte décapité à Pearl Harbor juste avant le précédent Noël les marins américains ont perdu le croiseur USS Chester dans la bataille des îles Marshall. Le porte-avions USS Enterprise y a d’ailleurs été lourdement endommagé, par le feu. Autant le dire le moral est dans les chaussettes. D’autant qu’en Europe rien ne se passe comme prévu non plus. L’Amérique a besoin d’un coup d’éclat.
Il viendra d’un officier déjà bien connu à l’époque : l’aviateur James Doolittle.

L’idées des généraux et amiraux américains fut assez simple : puisque le Japon avait bombardé l’Amérique à Pearl Harbor alors l’Amérique allait lui rendre la monnaie de sa pièce. L’option retenue par Doolittle était de faire décoller d’un pont d’envol de porte-avions une escadrille complète de bombardiers bimoteurs spécialement modifiés. Son choix se porta sur le B-25 Mitchell, un avion absolument pas pensé pour un embarquement aéronavale. Pourtant l’aviateur y croyait. Il devait ensuite recruté des pilotes et équipages, sous couvert du secret défense le plus élevé jamais vu aux États-Unis.

Doolittle entraîna ses équipages durant quatre semaines à terre avant de les amener à bord de l’USS Hornet. Ce porte-avions n’avait d’ailleurs pas été modifié pour permettre aux bombardiers de décoller ni même d’apponter. En fait cette dernière option n’était pas à l’ordre du jour puisqu’une fois leur mission réalisé les avions devaient rejoindre la Chine, en guerre contre le Japon et tenter de s’y poser avec le moins de dégâts possibles.
Le raid Doolittle, puisque c’est ainsi qu’il est connu, était à la fois un modèle de coopération entre l’US Army Air Force et l’US Navy et un modèle de courage mêlé à un peu (beaucoup) de folie.
Les objectifs étaient essentiellement symboliques, à l’image de la capitale du pays : Tokyo.

Embouteillage de B-25 Mitchell sur le pont de l’USS Hornet.

Le Président des États-Unis Franklin D. Roosevelt qui avait suivi tous les préparatifs n’exigea qu’une chose du colonel Doolittle et de ses hommes : épargner la famille impériale du Japon. Il fallait absolument éviter de reproduire l’erreur allemande qui en visant Buckingham Palace avait encore plus ligué le peuple britannique contre Hitler. Tokyo oui le palais impérial non. Pour le reste les équipages et le renseignement militaire avaient les mains libres. Sur les seize avions retenus dix devaient cibler la capitale ennemie, les six autres se partageant des objectifs à Kobe, Nagoya, Yokohama, et Yokosuka. Sur cette dernière c’était l’usine d’aviation du constructeur éponyme qui devait être partiellement détruite par les bombes américaines.
Et le samedi 18 avril 1942 enfin les seize avions se lancèrent à l’assaut de l’archipel nippon. La peur au ventre chaque équipage réussit à s’arracher du pont d’envol de l’USS Hornet et à prendre le cap du Japon, les soûtes chargées de bombes.

Un décollage pour l’Histoire.

Le moins qu’on puisse dire c’est que le Japon ne les attendait pas. Le contre-espionnage américain avait fonctionné à plein régime. Du coup la DCA mais aussi la chasse défensive étaient à minima aux abords des principaux objectifs de l’aviation américaine. Au-dessus des cibles les trappes s’ouvrirent et les bombes commencèrent à tomber. Pearl Harbor était vengée. Les dégâts furent finalement minimes même si le raid fit une cinquantaine de morts et un peu plus de 400 blessés dont des civils. Une des bombes qui devait frapper l’usine d’aviation de Yokosuka rata sa cible et endommagea… le porte-avions léger Ryūhō. Celui-ci était à quai. Les soûtes vides, les réservoirs de carburants en baisse les B-25 Mitchell de Doolittle n’avaient plus qu’à rejoindre la Chine.

Douze seulement y arrivèrent, se crashant généralement dans la campagne. Trois autres s’abîmèrent dans les froides eaux de la mer de Chine méridionale tandis que le quatrième s’écrasa en URSS. Ce pays n’étant alors pas en guerre contre le Japon l’équipage fut arrêté et interné dans un camp de prisonniers. Staline ne souhaitant pas s’attirer les foudres américaines les « prisonniers » furent particulièrement bien traités et rapidement rendus, via un petit mensonge diplomatique, aux autorités de l’USAAF.

Sept membres d’équipage américains périrent dans le raid : trois au cours des crashs de leurs B-25 Mitchell et les quatre autres du fait des forces japonaises. Celles-ci abattirent trois d’entre eux qui essayaient de s’opposer à elle tandis qu’un dernier mourut en captivité, vraisemblablement de dysenterie. Trois autres furent capturés et libérés en 1945.
Tous les autres purent rejoindre les États-Unis, certains blessés, mais vivants. Doolittle était de ceux-ci. Ils furent accueillis comme il se devait : en héros.

Le lieutenant Robert Hite capturé et ici exhibé par les forces japonaises en 1942. Il fera partie des survivants de 1945.

Par la suite Hollywood s’empara de cet acte de guerre ô combien audacieux et en fit un fait majeur de la Seconde Guerre mondiale. Ce qu’objectivement il n’est pas vraiment, sauf aux regards des questions aériennes et navales. Surtout le cinéma arrangea grandement le raid Doolittle à sa sauce, au point d’une certaine manière de le dénaturer.

Quatre-vingts ans plus tard il demeure tout de même un modèle du genre. Avant Doolittle et ses hommes personne n’avait jamais fait décoller d’un porte-avions des appareils aussi gros que le North Americain B-25 Mitchell.
Le futur bombardier de l’US Air Force a été baptisé en l’honneur de ces pilotes d’exception, il s’appellera B-21 Raider.

Photos © Bibliothèque du National Air & Space Museum.

NDLR : Un mini-dossier historique sur le raid Doolittle est en préparation depuis quelques semaines. Il sera publié sur notre site d’ici à l’été prochain.
Merci pour votre patience.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 Responses

  1. J’ai lu que le raid de Doolittle avait poussé les japonais à agrandir encore le périmètre de la Grande Asie, et donc d’attaquer Midway, avec une diversion sur les Aléoutiennes.

  2. Unne mission incroyable ô combien couillue !
    Si le porte avion n’était pas modifié, les B-25 eux l’était. Ils était allégés en démontant tout les éléments non indispensables comme la mitrailleuse de queue remplacés par des manches à balai peint en noir et l’emport de bombes limité à 1000 kg alors que le B-25 pouvait aller jusqu’à 1500 kg. L’équipage américain interné en URSS pendant 13 mois c’était pour ne pas froisser le Japon et bien montrer qu’ils n’étaient pas complice de ce raid. Mais ensuite les autorités soviétique les ont rendus par un simulacre d’évasion par l’Iran.

  3. Entre le 1er B-25 (avec Doolittle à son bord) à décoller possède environ 100m de pont de moins que le dernier B-25, sacrée performance là aussi!
    Un an après jour pour jour, l’Amiral Yamamoto était mort, son avion abattu par des P-38 US

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