Fin août le Loch Ness sera envahi par les drones de cryptozoologues.

Jusque là les autorités écossaises subissaient ce phénomène alors que cette fois elles vont l’encadrer. Samedi 26 et dimanche 27 août 2023 plusieurs dizaines de drones légers sont attendus au-dessus du plus célèbre plan d’eau de Grande Bretagne à la recherche de sa mythique créature. Si le «kelpie» du Loch Ness fait souvent sourire il est aussi une manne financière essentielle pour le tourisme écossais et un sujet de recherches universitaires toujours bien présent depuis une soixantaine d’années. Pas sûr cependant que ces petits quadricoptères recherchent vraiment un dinosaure ayant survécu aux 66 derniers millions d’années.

Pour mémoire la créature (ou le monstre) du Loch Ness n’a rien d’une nouveauté. Des tablettes en grès du néolithique retrouvées dans les années 1930 à une vingtaine de kilomètres au nord du lac font référence à un grand animal serpentiforme et la première apparition revendiquée date de 565 après JC quand le moine évangélisateur Saint Colomban ait censé avoir sauvé une jeune fille de ses griffes. Figurant parmi les saints les plus importants du folklore chrétien Colomban est aussi connu pour avoir tué au moins deux «vouivres», des créatures mythiques ressemblant à de petits dragons, l’une en 585 à Metz dans le Grand Est et l’autre en 587 à Annegray en Bourgogne Franche-Comté. À l’époque le moine irlandais jouait les mercenaires tueurs de monstre pour le compte du roi d’Austrasie Childebert II. Ce qui permet d’être assez circonspect sur sa rencontre avec celui que l’on appelait pas encore «Nessie». D’ailleurs contrairement à ses combats sur le continent rien ne laisse à supposer qu’il ait tué la créature du Loch Ness.

Par la suite les observations vont se faire moins fréquentes jusqu’au siècle des Lumières où avec les sciences naturelles naissantes le mythe ressurgit. Surtout l’Écosse ressort au grand jour grâce aux naturalistes anglais et français qui forcément se passionnent pour cet animal. Au cours des XVIIIe et XIXe siècles «Nessie» n’a de cesse de pointer le bout de son museau et c’est à cette époque que le mythe de l’animal à trois bosses fait vraiment son apparition. Le percement à la dynamite d’une route le long du Loch entre 1932 et 1934 va littéralement décupler ses observations. Quelques années plus tard même la très sérieuse Royal Air Force s’y colle ! Et depuis un peu moins de dix ans des chercheurs de créatures ont dégainé un nouvel outil : le drone.

Pas question cependant que la RAF ne déploie un engin MALE il ne s’agit que de drones ultralégers dits grand public, les mêmes que nous pouvons vous et moi acheter en grande surface spécialisée ou sur le web. Des quadricoptères qui d’ailleurs enquiquinent (pour ne pas écrire autre chose !!!) copieusement riverains et touristes du lac.

Mais alors quelle est la nouveauté cette fois ? Le autorités écossaises vont encadrer durant deux jours une mission de recherche scientifique menée par le Loch Ness Centre de Drumnadrochit. Si vous avez déjà fait du tourisme dans cette partie de la Grande Bretagne vous connaissez forcément le nom de ce petit village puisqu’il est synonyme de château d’Urquhart, l’image d’Épinal du Loch Ness en dehors de sa créature. Le LNC est aujourd’hui considéré comme le moins invraisemblable des centres de recherche cryptozoologique en Écosse en grande partie parce que ses membres ont pour beaucoup un solide parcours universitaire et qu’aucun de croit en la survivance d’un dinosaure 66 millions d’années après leur disparition. C’est d’ailleurs bien parce que c’est le Loch Ness Centre qui en a fait la demande que les autorités écossaises ont donné leur aval pour le survol du plan d’eau et de ses rives durant le weekend du 26 et 27 août 2023. Pour nombre d’Écossais cette mission scientifique ou pseudo-scientifique doit permettre de faire oublié le fiasco Mavor daté de l’automne 2021 et largement relayé par la presse britannique, y compris la plus sérieuse.

Les biologistes marins et cryptozoologues du Loch Ness Centre ainsi que les autorités écossaises sont bien conscients qu’ouvrir ainsi l’espace aérien du lac risque de déclencher la frénésie de nombreux pilotes amateurs. Le risque est cependant calculé. La fourchette basse parle de 70 à 90 drones présents sur le site durant 48 heures et la fourchette haute de 155 à 175. Toutes les images captées devront être immédiatement versés au LNC, et ce même si rien n’a été vu. Surtout les drones utilisant des images vidéos HD seront limités aux rives du Loch Ness. Le survol de ses eaux étant alors réservé à ceux utilisant une caméra infrarouge là aussi à haute définition. C’est cette dernière technologie qui devrait mettre les scientifiques écossais à l’abri d’un embouteillage de drone.

L’idée n’est pas de débusquer un grand vertébré piscivore ou partiellement carnivore ayant survécu depuis le crétacé tertiaire mais bel et bien de tenter d’observer le plus profondément, si possible sous la surface des eaux, ce qui vit là. En outre des hydrophones vont être plongés à plusieurs dizaines de mètres dans le lac (sa profondeur moyenne est de 132 mètres) afin d’écouter ce dernier sans pour autant être parasité par les émissions sonores certes faibles mais bien réelles des drones.

Vu de l’extérieur un tel déploiement de forces peut faire sourire, voire même franchement se marrer. Mais à l’ère du tout numérique, alors que chacun a dans sa poche un smartphone pouvant faire des photos et vidéos de très grande qualité le danger autour du Loch Ness est bien réel. Depuis plusieurs mois au moins sept deepfakes ont été démontées par les cryptozoologues, des vidéos entièrement travaillées par ordinateurs et qui laissaient voir la créature. Six connues présentaient un dinosaure et étaient donc totalement fantaisistes. La septième interrogea bien plus la communauté scientifique puisqu’elle était relative à l’otarie à long cou popularisée par le célèbre zoologue franco-belge Bernard Heuvelmans disparu voici 22 ans. Cette deepfake n’a été dénoncée que grâce à des lignes de code retrouvées et non à des erreurs visuelles. C’est pourquoi l’opération de cette fin août 2023 est essentielle aux scientifiques, afin de préserver le peu de crédibilité que les cryptozoologues peuvent parfois avoir.

Il est à signaler que comme dans la totalité des missions de recherches scientifiques ou pseudo-scientifiques ce n’est pas l’intégralité du plan d’eau qui sera investigué mais bien son tiers le plus proche du canal calédonien. Ce qui tend à prouver que les biologistes marins et les cryptozoologues du Loch Ness Centre s’orientent eux aussi sur un animal qui ne serait pas à proprement parler un habitant du lac mais un visiteur très régulier pouvant vivre en eau de mer autant qu’en eau saumâtre. On en revient de plus en plus à l’hypothèse de la laimargue du Groenland, un requin bien connu pour flirter avec les embouchures de fleuves et les plans d’eau rattachés aux mers et océans. Les riverains de la baie de Somme en France ou encore ceux du Saguenay au Québec l’ont d’ailleurs déjà aperçu à de nombreuses reprises.

Baptisé Loch Ness Exploration ce rassemblement encadré de drones devrait voir arriver des télépilotes amateurs de toute la Grande Bretagne mais aussi d’Allemagne, de Belgique, de France, et d’Italie. On parle même d’Américains et de Canadiens. Il faut dire que pouvoir survoler librement le Loch Ness et ses rives a de quoi exciter plus d’un d’entre eux. Et même s’ils ont 99.99999% de chances de rentrer bredouilles de leurs observations il est certains qu’ils vont vraiment kiffer leur weekend.

Photo © Keypublishing.

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

4 réponses

  1. Arnaud, je suis déçus, moi qui pensais que tu t’étais reconverti dans la cryptozoologie et que tu nous annonçais la probable découverte d’un plésiosaure géant dans le Loch Ness.
    Mais rien, rien de rien, tous juste un requin du Groenland et c’est encore c’est très hypothétique….

    Bravo et merci pour tous ces articles.

    1. Rien qu’un « requin du Groenland » serait une belle découverte même si à titre très personnel je serais ravi qu’un drone photographie voire filme la fameuse « otarie à long cou » si chère à feu Bernard Heuvelmans.

  2. Je suis fasciné par cette histoire.

    Certains disent qu’il devait y avoir quelque chose d’inhabituelle dans les eaux du loch, au regard des persistances des témoignages dans le temps. Mais que cette fameuse chose étant en population limitée serait maintenant éteinte ! (hypothèse)

    Perso, je reste ouvert à tout sur ce sujet.

    1. C’est un des buts de l’opération dont parle l’article : tenter d’élucider le mystère.

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