La compagnie Finnair serait t-elle atteinte de « grossophobie » ?

Depuis quelques temps quand on parle de la Finlande sur les questions aéronautiques c’est souvent pour traiter de sa chasse désormais intégrée à l’OTAN ou de sa préparation à la réception de ses futurs F-35A Lightning II. Et pourtant c’est bien dans le domaine commerciale qu’elle fait l’actualité au travers d’une nouvelle politique menée par la compagnie aérienne Finnair. Sous couvert de vouloir améliorer le rendement de ses avions elle a choisi de peser une partie de ses passagers afin de mieux connaître leurs morphologies et leurs masses. Une campagne qui fait déjà hurler un peu partout en Europe les défenseurs des droits qui y voient une action grossophobe déguisée.

D’abord Finnair insiste sur le fait que pour des raisons purement logistiques cette campagne de pesées des passagers ne peut se faire qu’à l’aéroport international d’Helsinki juste avant l’embarquement. Le transporteur finlandais explique également que celle-ci est basée sur le volontariat et que si un passager ou une passagère refuse de monter sur la balance l’accès à l’avion ne lui sera pas refusé. Les informations récoltées sont purement à usage interne et la compagnie aérienne tient à préciser qu’elles sont anonymes et ne seront nullement communiqués à des tiers. La Finlande est membre de l’Union Européenne et Finnair ne tient pas à s’attirer les foudres de la commission. Elle a déjà sur le dos les activistes qui l’accusent de grossophobie déguisée.

Mais au fait pourquoi est-ce qu’une campagne de pesée des passagers d’une compagnie aérienne serait un acte grossophobe ? Simplement parce qu’il y a des précédents. Il y a quelques années des lobbyistes américains avaient tenté d’imposer des surtaxes aux passagers en état de surpoids ou d’obésité. Ils avaient flairé la bonne affaire et avaient réussi à convaincre plusieurs compagnies aériennes de se lancer dans l’aventure. À cette époque l’obésité concernait entre 33 et 34% de la population adulte américaine. Il y avait donc de l’argent à se faire. Sauf qu’ils se sont pris une volée de bois verts à la fois par le Congrès et par la Federal Aviation Administration. Leur politique était jugée discriminante et contraire aux lois fédérales américaines. D’autres pays ont par la suite été tenté d’imposer des tarifs spéciaux pour les personnes en surpoids ou en état d’obésité et à chaque fois cela avait été cassé par les tribunaux. Même en Russie.

Si on en croit les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé en Finlande l’obésité toucherait actuellement entre 20.7 et 21.1% de la population adulte. C’est beaucoup, mais ça reste inférieur à bon nombre d’autres pays européens comme l’Allemagne, la France, l’Italie, ou encore le Luxembourg. Pour autant est-ce une raison pour peser des passagers et risquer de semer le trouble chez eux ? Oui et non.

Oui si on part du principe que seuls les volontaires monteront sur la balance et que les chiffres récoltés permettront d’affiner la consommation de carburant nécessaire aux avions. Ce qui peut marginalement permettre une réduction très faible mais réelle des gaz à effet de serre. Non car en fait des modélisations informatiques gérées par des IA existent actuellement et sont proposées à la majorité des compagnies aériennes en tenant compte des évolutions médicales et sociétales, et notamment des habitudes de consommation.

Au moment où toutes les sociétés un minimum progressistes ne jurent que par la lutte contre le bodyshaming cette campagne de Finnair a de quoi surprendre. D’autant que le transporteur finlandais n’est pas réputé pour avoir des politiques internes réactionnaires, il a même plutôt bonne réputation sur les questions d’intégration et de reconnaissance des différences. D’où le questionnement : et si cette idée de peser les passagers n’était finalement qu’un énorme coup de com’ destiné à faire parler de la compagnie aérienne pour finalement pas trop cher ?

Affaire à suivre.

Photo © Wikimédia Commons

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

3 réponses

  1. J’avoue avoir des difficultés à voir cette action de Finnair de manière positive.

    Comme vous l’écrivez Arnaud, il y a des tas de données disponibles sur la population Finlandaise qui peuvent servir à cette fin.
    De plus, cette idée de faire ça sur le volontariat est d’autant plus aberrante que les données récoltées seront faussées. On peut penser qu’une bonne partie des personnes qui refuseront la pesée le feront à cause de leurs poids (que ça soit une mauvaise estime de soi ou d’une image que leur renvoient les autres ou la société).

    Enfin, si tout ceci part d’une volonté écologique dans le but d’utiliser moins de carburant, ne suffit-il pas de mesurer la consommation de carburant par rapport aux nombres de passagers par vol?

  2. Ne serait-ce pas plutôt un campagne visant à vérifier que les hypothèses pris pour le calcul de masse et centrage de leurs avions sont correctes? Le poids moyen des passager (en incluant les bagages cabines – c’est là la subtilité qui justifie une pesée au pieds de l’avion) est très important pour ce calculs, et se tromper de quelques kilos par passager peut impacter de manière significative le centre de gravité estimé au départ… Ce serait con qu’on découvre un jour qu’un avion a fini au tapis au décollage pck, bien que les pilotes aient correctement effectué leurs calculs, le CG était faussé par cette hypothèse et l’avion a décollé avec un CG bien trop arrière pour rester dans l’enveloppe de vol stable. N’y avait-il pas eu une histoire semblable avec une petite compagnies anglaise ou irlandaise qui a transporté une équipe de rugbyman (au format pas vraiment moyen) et avait eu des soucis au décollage?
    L’OACI a publié des chiffres moyens, mais il me semble que les compagnies US commencent aussi à revoir ces données moyennes.
    Et du coup, il s’agirait uniquement d’une opération de sécurité pour la compagnie (pourquoi toujours voir le mal…)

  3. Je suis gros et je peux vous dire que la grossophobie est partout en France. Paradoxalement des hommes fantasment de plus en plus sur les BBW mais la société reste globalement antigros. On nous accuse de tout et surtout du pire.

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