Radia Windrunner, le « géant des airs » qui fait (surtout) le buzz !

Depuis quelques jours on ne peut plus ouvrir une information scientifique ou technologique sans entendre parler de lui. Du coup forcément nous étions obligés de nous intéresser à lui puisque ce Windrunner conçu par la start-up Radia est partout. Et force est de constater qu’en dehors d’une esthétique assez douteuse il soulève bien des questions, et pas uniquement sur sa motorisation. Focus sur un avion qui n’existe pas (encore) mais qui fait déjà du bruit !

Les premières infos qui sont apparues sur lui, en même temps que les vues d’artistes le concernant, tournaient autour du gigantisme de ses dimensions. Il est annoncé avec une envergure de 79.50 mètres pour une longueur de 108.50 mètres et une hauteur de 24 mètres. C’est tout bonnement hallucinant. Alors certes son envergure est très légèrement moindre que les 79.75 mètres d’un Airbus A380-800 et sa hauteur fait jeu égal avec les 24.10 mètres de l’avion de ligne européen. Mais c’est la longueur du fuselage qui est époustouflante. Car le Windrunner se révèle 35.80 mètres plus long que l’A380-800 mais aussi 41.80 mètres de plus que le Hughes H-4 Hercules, le plus grand hydravion de l’histoire aéronautique. Même les «monstres (soviétiques) de la Caspienne» auront l’air ridicules à côté de lui. Reste juste à savoir s’il faut employer le futur pour lui, ou le conditionnel.

Alors certes beaucoup me diront que le beau et le laid sont des valeurs très suggestives. Et ils et elles auront raison. Mais la vache qu’est-ce que ce Radia Windrunner est immonde !!! J’ai rarement vu un avion aussi moche. Sans rire même un enfant de 3 ans ferait mieux. Et pourtant sur le papier le concepteur de cet avion n’a rien d’un bambin. Mark Lundstrom (à ne pas confondre avec son homonyme universitaire de renom international sur les questions de physique) est un ingénieur aéronautique diplômé de la prestigieuse MIT et passé par Boeing et la NASA. Le CV tient donc la route. C’est d’ailleurs lui qui a créé la start-up Radia qui doit construire l’avion.

Bien sûr les intentions de Lundstrom sont les meilleures du monde puisqu’il a pensé son avion pour permettre le transport de l’un des éléments les plus fragiles et parmi les plus difficiles à emmener d’un point A à un point B sans problème : les pales des éoliennes terrestres. Même les Airbus BelugaXL européens et Boeing Dreamlifter américains n’y sont pas adaptés. Donc sur le papier le Radia Windrunner peut trouver sa place. Sauf que, et d’une celle-ci tient dans une véritable niche, et de deux plusieurs zones d’ombres persistent autour de sa technologie. En premier lieu sa motorisation pose bien des questions. On ignore quels réacteurs l’entreprise américaine a retenu. Car elle a forcément déjà fait son choix puisqu’elle annonce que son avion aura besoin d’au moins 1830 mètres de piste pour atterrir. Cela signifie qu’elle sait quelle est la puissance des moteurs en question. Et pour pouvoir soulever, faire voler, et poser un tel mastodonte des cieux il n’y a pas 36 solutions. On a le choix entre une version du General Electric GE9X, une du Pratt & Whitney PW4000, et une du Rolls-Royce Trent 1000. Plus gros et plus puissants c’est simple il n’y a actuellement rien de disponible sur le marché. Ensuite pour transporter jusqu’à deux pales d’éoliennes, pesant chacune environ 35 tonnes on se serait attendu à ce que les ingénieurs de chez Radia fasse appel à six réacteurs installés sur une aile en flèche comme sur feu l’Antonov An-225 Mriya ukrainien. Au lieu de ça ce sera donc quatre réacteurs et une aile droite, presque une aile parasol, avec des winglets à dièdre négatif.

À chaque fois que dans l’histoire de l’aviation des concepteurs eurent l’idée de voir grand, très grand, parfois trop grand, ils ont eu besoin de penser la motorisation comme puissante. Il suffit en cela de se souvenir du Dornier Do X allemand durant l’entre-deux-guerres et du Convair XC-99 lui aussi américain mais pendant la guerre froide. Et quand les réacteurs ne sont pas assez puissants il faut les additionner les uns aux autres, comme l’Antonov An-225 Mriya déjà cité ou le Boeing B-52 Stratofortress. C’est pourquoi si vraiment Radia se prépare à construire un quadriréacteur les moteurs en question seront les plus puissants du marché. Et je n’imagine pas un motoriste se lancer dans le développement d’un nouveau turbofan afin de faire plaisir à un constructeur totalement inconnu.

Sur l’esthétique même de l’avion un point rappelle fortement le passage de Mark Lundstrom chez Boeing : le poste de pilotage surélevé par rapport au fuselage de l’avion. Il semble calquer sur celui pensé par les équipes des Phantom Works en 2003 pour l’ekranoplan Pelican Ultra qui n’a d’ailleurs même pas atteint le prototypage.
En fait avec son Windrunner l’ingénieur américain s’inscrit dans une longue tradition des avionneurs d’outre-Atlantique à penser des avions cargos civils demeurés sans suite. C’était d’ailleurs déjà des avions souvent assez délirants. On ne peut s’empêcher de penser aux McDonnell-Douglas AAF de 1968 et Spanloader de 1981 ou encore au Lockheed  Flatbed de 1980 qui en dépit de la puissance industrielle de ces constructeurs à l’époque ne dépassèrent pas la planche à dessins. Comme ne pas également penser à l’ambitieux Fairchild XC-120 Packplane des années 1950 ? En fait on a beau retourner la question dans tous les sens ce Windrunner ne semble pas viable. Sans doute ai-je tort, je ne suis pas ingénieur, je ne suis qu’un modeste aérophile, mais l’histoire de l’aviation ne plaide pas vraiment dans le sens de Lundstrom et de son géant des airs. Pour autant on lui souhaite toute la réussite possible.

Affaire (bien évidemment) à suivre.

Illustration © Radia


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ARTICLE ÉDITÉ PAR
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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

18 Responses

  1. Bonjour Arnaud,
    merci pour cet article super intéressant sur cet avion inconnu pour moi (jamais entendu parler pourtant je « zieute » pas mal sur internet) et sur les autres appareils (Spanloader,Flatbed, Packplane) que je ne connaissais pas non plus.
    Par contre, je n’ai pas réussi à trouver de photos, plans,…etc du MDD AAF de 1968.
    Auriez-vous un lien à me proposer pour voir à quoi il ressemblait?
    Merci d’avance et bonne journée

  2. Je sais que c’est une vue d’artiste et je ne sais pas si cela viens de moi , mais l’envergure et la taille des ailes me semble ridicule par rapport au fuselage….

  3. Tu n’es pas ingénieur tu le dit toi même et pourtant tu critique le travail de gens bien plus intelligent et instruit que toi. Soit plus imble ! Cet avion n’a aucun avenir simplement parce que les éolienne ne seront qu’un feu de paille. Attendez qu’ont en finisse avec cette écologie punitive et qu’on adopte des moyen énergétiques fiable comme le nucléaire et le solaire. C’est uniquement pour sa que cet avion est sans avenirs !

    1. Un « un plus intelligent et instruit » aurait ouvert un livre d’ortograf 😉 et de conjugaison..

      « Humble » serait plus approprié, ainsi qu’un « ça » dans votre diatribe sur le nucléaire et l’avenir de cet aéronef…

  4. Hum, je ne suis pas ingenieur aeronautique, alors peut-etre que je juge mal, mais je me demande si des ailes si petites pour un monstre pareil ne posent pas un souci de portance. En tout cas son esthetique me fait penser a du retro-futurisme qui aurait toute sa place dans l’univers de Fallout.

    1. Pour résoudre (en partie) le pb de portance, il suffit de gonfler le fuselage à l’Helium 🙂

  5. Puisqu’on est dans les idées délirantes, pourquoi ne pas utiliser les pales d’éoliennes comme ailes pour un avion en kit ?
    On conçoit un fuselage qui s’adapte aux pales d’éoliennes, une fois sur le site des éoliennes, on démonte le fuselage et on le renvoie à l’usine pour un nouveau transfert

    1. Je vous suit dans votre « délire » , au lieu de démonter le fuselage , on l’utilise comme mat pour l’éolienne, il n’y aura que les moteurs a renvoyer à l’usine….

      1. Bah, tant qu’on y est, on garde les moteurs pour faire tourner les ailes/pales pour les jours sans vent…

        On peaufine le concept…
        On le couche sur le sol, et on appelle ça l’éolocopter…
        .:-) 😉

  6. Concept étonnant. L’avion fait penser à un DO17 qui aurait mal muté.
    Le plus surprenant, c’est que pour faire de l’énergie décarbonée, on imagine encore faire transiter des pales d’éolienne sur de très longues distances par avion. On est encore dans une vision du monde « transport pas chère, Chine atelier du monde » qui n’est plus d’actualité. C’est bancal. En revanche, si les distances sont plus courtes, est-ce qu’un dirigeable ne ferait pas mieux l’affaire avec une capacité à déposer directement sur site plutôt que sur un gros aéroport à distance de l’implantation finale? Quelque chose m’échappe…

  7. D’abord comme souvent un super article de fond, bravo Arnaud. J’avais vu passer cet avion sur Science&Vie mais ils n’en disaient pas le quart de votre article. Ensuite je suis d’accord qu’il n’est pas beau et qu’il ne donne pas confiance. Par contre merci j’ai appris grâce à vous que Boeing s’était essayé aux Ekranoplans.

  8. Pourquoi concevoir un avion pour un problème particulier puisqu’il existe déjà un avion capable de transporter ces charges hors gabarit et qui ne sert pas à grand chose: le Roc (ou Stratolaunch).
    Une pale d’éolienne étant déjà aérodynamique et autoportante, il suffirait de mettre un capot sur la racine et son système de fixation pour rendre cette partie aérodynamique, fixer par berceau la pale entre les 2 fuselages du Stratolaunch et décoller.

    OK, l’aérodynamique ne serait peut-être pas au top et l’écoulement sur la pale produirait des effets secondaires à corriger, mais entre ça et dépenser pour un nouvel avion à concevoir, construire, certifier et rentabiliser, il y a plus simple.

  9. j’ai l’impression de voir un cockpit de B36. Aussi gracieux.
    Concernant les pales d’éoliennes j’aurais plutôt pensé que le transporteur idéal serait un dirigeable type « Flying Whales » (en projet lui aussi), pour un transport sous élingue. les plus grandes semblent être d’un longueur de 50 m environ et d’un poids de 6 à7 tonnes. faire un avion avec une soute de plus de 100 m de long semble un pur délire d’ingénieur. mais je me trompe peut-être

  10. Il me semble au vu photo que le centre de gravité de cet aéronef serait très en avant de l’aile. Il y a certes le poids des moteurs dont on ignore tout.
    Et puis ce bord d’attaque tout droit, à quel si gros avion ayant volé faut il remonter, même à hélices ? Je ne sais pas en fait.

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