Cette année marque le 80ème anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Alors que la Première Guerre mondiale a vu l’émergence des premiers bombardiers légers, la puissance de feu limitée de ces précurseurs n’eût pas un impact très significatif sur l’issue du conflit. On parle plus de harcèlement des troupes au sol afin de les démoraliser.
Il en fut tout autrement lors de la Seconde Guerre mondiale. L’arme aérienne est devenue redoutable et utilisée à grande échelle. Quand ils n’étaient pas occupé à combattre des ennemis dans le ciel, les chasseurs pouvaient transporter bombes et roquettes et ainsi appuyer les troupes au sol. À l’autre extrême, les bombardiers lourds effectuaient des bombardements stratégiques, très loin en territoire ennemi. Entre ces deux types de missions, les bombardiers stratégiques jouèrent un rôle tout aussi important durant le conflit. Souvent polyvalents, on retrouve dans cette catégorie aussi bien des bombardiers en piqué, des avions d’attaque au sol, que des bombardiers moyens et légers. Après le palmarès des dix principaux chasseurs de la Deuxième Guerre mondiale, voici l’équivalent pour ces avions si particuliers.
En dixième position: Lorsque l’on parle de polyvalence, le Ilyushin Il-4 en est l’illustration parfaite. Bien que capricieux à piloter, ce bombardier léger était apprécié pour sa robustesse, son armement défensif et ses performances. Disposant du rayon d’action nécessaire, il effectua des raids contre Berlin et fut l’un des principaux bombardiers soviétiques à long rayon d’action durant le conflit. C’est toutefois comme bombardier stratégique qu’il fut le plus utilisé. Pour les missions d’attaque au sol, il emportait des roquettes fixées sous voilure. L’Il-4 se révéla particulièrement précieux lors des batailles cruciales de Stalingrad et de Koursk, en frappant sans relâche les lignes d’approvisionnement de l’ennemi. Il excellait aussi comme avion de reconnaissance armée. Il fut également utilisé comme avion torpilleur et poseur de mines par la marine soviétique. Bref, un héros méconnu d’une période où l’existence de l’URSS ne tenait qu’à un fil. Fabriqué à plus de 5 250 exemplaires, il se permit même une brève carrière après-guerre, et fut baptisé Bob par l’OTAN.
En neuvième position: Le Martin B-26 Marauder se distingua avec le taux de perte le plus bas de tous les bombardiers de l’armée de l’air américaine durant le conflit. Surnommé le Faiseur de veuves à ses débuts, il devint un avion fort apprécié lorsque ses problèmes de jeunesse furent réglés. L’un des plus rapides bombardiers moyens de l’époque, il pouvait encaisser de lourds dommages et revenir tout de même à bon port. Le premier bombardier allié à réussir 50 missions fut d’ailleurs un B-26. Un Maraudeur a même survécu à 207 missions opérationnelles au-dessus de l’Europe, un record absolu pour les avions de combat américains. Le Marauder fut principalement utilisé sur le continent européen, mais participa également à des combats en Méditerranée et dans le Pacifique. Fabriqué à près de 5 300 exemplaires, il porta également les couleurs de la RAF et des Forces aériennes françaises libres (voir photographie en titre). Fin avril 1945, le B-26 effectua sa dernière mission de combat contre la poche de résistance allemande sur l’île d’Oléron en France.
En huitième position: Fabriqué à un peu plus de 6 500 exemplaires, le bombardier Heinkel He 111 participa à la Guerre civile espagnole à compter de 1937 au sein de la Légion Condor. Il fut l’un des acteurs de l’infâme bombardement de Guernica. Après les succès remportés durant l’invasion de la Pologne et de la France, les escadrons de He 111 subirent de lourdes pertes face aux chasseurs de la RAF durant la bataille d’Angleterre. Sur le front de l’Est, au-delà de son rôle de bombardier, le He 111 fut utilisé comme avion torpilleur au-dessus de l’océan Arctique et la mer Noire. Décliné en plusieurs versions visant à améliorer ses performances, son faible rayon d’action et son armement défensif inadéquat firent en sorte qu’il fut déclassé dans les dernières années de la guerre et relégué à des tâches de transport. Afin de développer un avion apte au tractage du planeur géant Junkers Ju 322 Mammut, les ingénieurs allemands concoctèrent l’insolite Heinkel He 111Z Zwilling qui n’eut guère de succès. Version du He 111 fabriquée en Espagne à compter de 1946, le CASA 2.111 équipée de moteurs britanniques Merlin demeura en service au sein de l’Ejército del Aire jusqu’en 1973 !
En septième position: Le premier client du Douglas A-20 Havoc fut la France, qui n’eût le temps de réceptionner 116 appareils sur les 370 commandés avant l’armistice. Désignés Douglas DB7, leur participation aux combats fut brève. Sous les couleurs de l’Armée de l’air de Vichy, les DB7 furent initialement engagés contre les alliés en Méditerranée, avant de rejoindre les Forces aériennes françaises libres. Les autres DB7 commandés par la France seront plutôt livrés à la Grande-Bretagne et qui les nomma Boston. D’autres suivront. Munis d’un radar et de canons, des A-20 agiront comme chasseurs de nuit. D’autres se spécialiseront dans les raids de nuit. Les Américains l’utilisèrent comme avion d’attaque au sol durant les campagnes d’Afrique du Nord et d’Italie. C’est toutefois l’URSS qui alignera le plus grand nombre d’appareils Havoc grâce au programme Prêt-Bail. Le A-20G, muni d’un nez en dur abritant quatre canons Hispano M2 de 20 mm et deux mitrailleuses de 12,7 mm, fut la version la plus produite. Réputé facile à piloter et très maniable, le Havoc sera finalement fabriqué à 7 478 exemplaires.
En sixième position: À une époque où les avions de guerre en bois étaient considérés obsolètes, De Havilland conçut le bombardier léger DH.98 Mosquito. Initialement boudé par la RAF, le Mosquito se révéla être l’un des meilleurs avions de la Deuxième Guerre mondiale, lui valant le surnom de Merveille en bois. Sa structure de contreplaqué moulée et lamellé de balsa et de bouleau, en firent un avion très léger, tout en évitant d’utiliser des matériaux stratégiques comme l’aluminium. Avec ses lignes épurées et ses puissants moteurs Merlin, le Mossie pouvait facilement semer les chasseurs ennemis. L’avion était si rapide qu’il n’avait besoin ni de blindage, ni d’armement défensif. Sa construction en bois lui conférait en outre une très faible signature radar, ce qui fait du Mosquito le premier avion furtif de l’histoire. Il effectua des raids spectaculaires, bombardant avec précision des installations de la Gestapo en pleine ville et même la principale station de radio à Berlin. Muni de caméras, il excellait comme avion de reconnaissance. Doté d’un nez en dur muni de canons et de mitrailleuses, le Mosquito devint également un redoutable chasseur nocturne et un avion d’attaque, emportant des roquettes sous voilure pour cette tâche. Grâce à sa vitesse, le Mosquito excellait aussi à la chasse aux missiles V1. En fait, le Mosquito était si performant qu’il détient le record de l’avion le plus sécuritaire du Bomber Command durant la guerre. Impressionnés, les Allemands ont bien tenté de le copier avec leur Focke-Wulf Ta 154 Moskito, mais sans succès. Le Mosquito fut fabriqué à près de 7 800 exemplaires, dont plus d’un millier au Canada. Sa production n’a cessée qu’en 1950 ! Vous l’aurez compris, il s’agit de l’un des mes avions préférés. Aujourd’hui, il ne subsiste qu’une petite poignée de Mossie en état de vol, dont un exemplaire préservé par le KF Centre of Excellence au Canada.
En cinquième position: Voilà bien un autre avion légendaire. Le North American B-25 Mitchell est instantanément devenu une vedette, suite à l’audacieux Raid de Doolittle. Ce bombardier moyen facile à piloter, rapide, très robuste et doté d’une puissance de feu redoutable, était adoré de ses équipages. Fabriqués à à plus de 9 800 exemplaires, les B-25 furent largement utilisés par les États-Unis, mais aussi par la RAF et d’autres forces aériennes du Commonwealth. Plus de 860 B-25 furent également convoyés vers l’URSS en transitant par la route aérienne de Nord-Ouest. Très polyvalents, les B-25 bombardèrent et mitraillèrent des cibles terrestres, détruisirent les navires ennemis, appuyèrent les invasions amphibies et furent également utilisés comme avions d’entraînement, de transport et de reconnaissance photographique. Transformés en canonnière volante, certains furent même équipés d’un canon de 75 mm, mais la version à dix mitrailleuses Browning de 12,7 mm pointant du nez de l’appareil fut davantage utilisée. Décollant de leurs bases en Sardaigne et en Corse, les B-25 jouèrent un rôle majeur durant la campagne d’Italie. Pouvant utiliser de courtes pistes sommairement aménagées, ils firent également merveille sur le front du Pacifique. Après-guerre, une dizaine de forces aériennes, dont celles des États-Unis et du Canada, vont continuer à utiliser des B-25 comme avions de formation, de transport et de relevés aériens, et ce jusqu’au début des années 1960. Ceux utilisés par l’URSS après-guerre furent codifiés Bank par l’OTAN.
En quatrième position: Surnommé Peshka, le Petlyakov Pe-2 fut le bombardier léger produit en plus grand nombre (environ 11 400) par l’URSS durant la guerre. À son apogée, il représentait 75% de la flotte de bombardiers bimoteurs russes. Cet avion de combat fut aussi l’un de plus versatiles de l’arsenal soviétique: bombardier, bombardier en piqué, bombardier-torpilleur, chasseur de nuit (Pe-3), avion d’attaque au sol (équipé de canons de 23mm), avion de reconnaissance et chasseur lourd. Sans charge de bombes, le Pe-2 pouvait rivaliser en vitesse avec le chasseur allemand Messerschmitt Bf 109. Certains disent qu’il était l’équivalent du Mosquito britannique, mais il n’était pas aussi facile à piloter. Combiné à la formation généralement déficiente des pilotes soviétiques, cela fit en sorte que les escadrons de Pe-2 subirent de lourdes pertes. Il joua néanmoins un rôle décisif dans les victoires de l’armée soviétique. Comble d’ironie, le Pe-2 fut conçu par Vladimir Petlyakov alors qu’il était emprisonné durant les purges staliniennes. Affichant des qualités remarquables, l’avion fut rapidement mis en production. Enfin récompensé pour son travail, Petliakov ne put savourer longtemps sa dignité retrouvée. Il fut tué en janvier 1942, lorsqu’un appareil Pe-2 qui devait l’amener à Moscou s’écrasa.
En troisième position: Voici un autre avion souvent comparé au Mosquito, du moins pour sa versatilité. Assemblé à près de 15 000 exemplaires, le Junkers Ju 88 fut l’un des avions de combat allemands les plus polyvalents et les plus efficaces de la guerre. À l’origine un Schnellbomber (bombardier rapide), il se déclina en diverses versions: bombardier en piqué, chasseur de chars, bombardier-torpilleur, intercepteur de jour, chasseur de nuit et avion de reconnaissance. Avion exigeant à piloter, les jeunes équipages du Ju 88 étaient plus effrayés par leur avion que par l’ennemi. Durant la Bataille d’Angleterre, la moitié des Ju 88 perdus résultèrent d’accidents aux mains de pilotes inexpérimentés. Des modifications apportées aux versions suivantes, couplée à une meilleure formation des pilotes, firent en sorte que le Ju 88 fit enfin merveille contre les forces soviétiques. Munis de canons Schrage-Musik tirant vers le haut, les Ju 88 transformés chasseurs de nuit firent des ravages parmi les hordes de bombardiers tactiques de la RAF. D’autres avions dérivés du Ju 88 virent le jour durant le conflit, notamment le Ju 388 Störtebeker et le Ju 188. Fait inusité, un petit nombre de Ju 88 furent utilisés par la France après-guerre, les derniers étant retirés en 1951.
En deuxième position: S’il y a un avion allemand de la Deuxième Guerre mondiale que même les néophytes peuvent reconnaître au premier coup d’oeil, c’est bien le Ju 87 Stuka. Véritable symbole du Blitzkrieg (Guerre éclair), la précision inégalée des frappes de ce bombardier en piqué firent de cet avion une arme de choix fabriquée à près de 15 200 exemplaires. Sirènes hurlant en plongée, le Ju 88 jouait aussi dans le registre de la guerre psychologique. Robuste et fiable, mais relativement lent, le Stuka était toutefois vulnérable à la chasse ennemie. Durant la Bataille d’Angleterre, plus de 20% des Stuka engagés furent ainsi perdus. Sur le Front de l’Est, les Allemands furent surpris par l’efficacité mortelle des chars T-34 soviétiques. Le développement d’un avion chasseur de blindés s’avérait donc pressant. Lourdement blindé, et armé de deux canons de 37mm montés dans des nacelles sous les ailes, le Ju 87G fut la réponse à ce défi. Tirant des munitions à noyau de carbure de tungstène, ces canons étaient capables de percer le blindage de la plupart des véhicules blindés. Aux commandes d’un Ju 87G, Hans-Ulrich Rudel a réussi l’exploit de détruire à lui seul plus de 500 chars soviétiques durant le conflit. Lorsque Fairchild Republic a commencé à travailler sur ce qui allait devenir l’A-10 Warthog, le livre Stuka Ace écrit par Rudel fut une lecture obligatoire pour tous les membres de l’équipe de conception !
En première position: L’avion militaire fabriqué en plus grand nombre de tous les temps est le Ilyushin Il-2 Shturmovik. Entre 1941 et 1945, il fut assemblé à près de 36 200 exemplaires ! Un seul autre avion bat ce record, soit le Cessna 172 lancé en 1956 et encore en production après plus de 45 000 exemplaires assemblés. Bien que conçu comme un avion d’attaque au sol muni de canons de 23mm, ou de 37mm selon la version, le Shturmovik se révéla davantage efficace comme bombardier. Emportant jusqu’à 192 petites bombes antichar de 2,5 kg, ces sous-munitions pouvaient pénétrer le blindage supérieur de n’importe quel char allemand en service. Larguées d’une altitude d’environ 100 mètres, elles couvraient une zone de destruction d’environ 1 000 mètres carrés. Utilisées pour la première fois lors de la bataille de Koursk, elles se sont révélées très efficaces. Selon les cibles visées, le Shturmovik pouvait également larguer des bombes à fragmentation ou incendiaires. Surnommé la Mort noire par la Wehrmacht, tant il était craint, le Shturmovik s’attaquait aussi bien aux navires, aux blindés, à l’artillerie et aux lignes de ravitaillement. Doté d’un imposant blindage et capable d’encaisser de lourds dommages, les pilotes de la Luftwaffe le surnommait Betonflugzeug (avion en béton). Il n’était toutefois pas invincible, et les pertes furent élevées les premières années du conflit dû à l’inexpérience des pilotes et à des tactiques de combat déficientes. Bien que la propagande soviétique ait largement exagéré les prouesses du Shturmovik, il n’en demeure pas moins qu’il est devenu l’avion emblématique du succès des forces aériennes soviétiques durant la guerre. Après-guerre, le Shturmovik demeura en service en URSS, ainsi que dans nombre de pays satellites, jusqu’au milieu des années 1950. Version améliorée du Il-2, le Il-10 Beast fut employé en grand nombre par les forces communistes lors de la Guerre de Corée.
Voilà un aréopage susceptible d’alimenter bien des discussions animées au Bar de l’escadrille où je lève mon verre aux courageux équipages de ces avions légendaires. Il ne faut pas oublier les ingénieux mécanos qui réparaient et bricolaient fréquemment ces avions afin de mieux les adapter aux réalités du front. Sans équipes au sol, point d’avions fonctionnels ! Et sans passionnés, point de Warbirds préservés pour la postérité !

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2 réponses
Mouais perso je pense qu’il manque des bombardiers britanniques comme le Blenheim ou le Beaufort. Mais bon ce n’est que mon avis.
Ce sont les dix avions produits en plus grand nombre d’exemplaires et non un inventaire exhaustif. À contrecœur, j’ai donc dû laisser tomber ceux fabriqués en nombre insuffisant, mais tout aussi intéressants.