Avec le F-35A Lightning II les Canadiens essayent de sauver la face.

La Royal Canadian Air Force volera bien sur Lockheed-Martin F-35A Lightning II, c’est désormais une certitude. Outre-Atlantique le feuilleton entre l’avion de combat américain de 5e génération et l’Aviation Royale Canadienne se déguste comme un plat qu’on aime faire mijoter… longtemps. Il n’est désormais plus du tout question que le F-35A ne porte jamais la cocarde à feuille d’érable mais plutôt qu’il le fasse moyennant des engagements supplémentaires aux profits de l’économie canadienne. En cas de refus le gouvernement Carney fait planer une menace qui à coups sûrs refile les chocottes à l’avionneur américain : le Saab JAS 39E/F Gripen.

Il faut savoir que les responsables de la RCAF / ARC ne sont pas particulièrement enclins à remplacer le McDonnell-Douglas CF-188 Hornet actuellement en dotation par une flotte double F-35A Lightning II et JAS 39E/F Gripen. Comme de nombreux généraux de l’OTAN ils préféreraient largement avoir recours à un seul modèle, si possible l’avion furtif de Lockheed-Martin. Cependant comme dans toutes les grandes démocraties au Canada c’est aux pouvoir exécutifs et législatifs que revient le dernier mot. Donc si le gouvernement de Mark Carney, via sa ministre de l’Industrie Mélanie Joly, dit deux modèles d’avions de combat ce sera deux modèles d’avions de combat. Aucune discussion possible.

Sauf si, comme certains le pensent, l’avion suédois joue ici le rôle de la carotte. Vous savez celle qu’on agite devant l’âne pour qu’il avance dans le sens où on veut. Et dans le rôle de l’animal ? Lockheed-Martin.
Rappelons que depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche les Canadiens ne sont pas super à l’aise avec leur grand voisin du sud. Faut dire que le locataire du Bureau Ovale leur a fait une promesse menace qui ne passe pas tip top : en faire des Américains. Vous imaginez la Royale Canadian Air Force devenir l’Air National Guard du Canada ? En réponse un mouvement de protestation est né au printemps dernier, il est apparu super vite. On aurait cru à un soufflé. Sauf que chacun connait son souci si on attend trop ? Le soufflé retombe. C’est ce dont on s’est rendu compte depuis l’été dernier.

Un soufflé retombé c’est vraiment pas terrible. Alors on essaye de le refaire, de relancer quelque chose. C’est exactement le nouvelle posture du gouvernement canadien. Tenter de remettre le plat dans le four. Non pas que je sois à court d’imagerie culinaire mais tout le monde aura compris où les Canadiens veulent en venir. Et leur dernière arme est à manier avec beaucoup (mais alors beaucoup) de précautions : le chantage. D’abord quand les Canadiens font chanter les Américains c’est un peu comme s’ils essayaient d’apprendre à cuisiner à des Français. Mais surtout ils usent de méthodes de joueurs de poker alors que c’est une partie d’échecs qui se profile. Menace d’acheter des Gripen en cas de refus de l’avionneur Lockheed-Martin d’engager des actions en faveurs de l’économie canadienne c’est plutôt osé. On se serait attendu à ce que les Canadiens tentent le coup avec Dassault Aviation ou Eurofighter, pas avec Saab. Pour la petite histoire Ottawa reste étrangement silencieux sur la nature des actions en faveur de son économie…

Alors certes l’avionneur canadien propose un partenariat avec Bombardier en vue d’un assemblage local des JAS 39E/F Gripen mais ce n’est pas ça qui peut faire plier Lockheed-Martin ; à part peut-être de rire. Soyons sérieux cinq minutes la menace des Canadiens ça revient à : «si vous ne nous faites pas de cadeau on achètera tout de même le F-35 mais un peu moins que prévu et en plus on ira s’acheter des Gripen que nos militaires ne veulent pas». Ah y a pas à dire quand les Canadiens lancent des pourparlers ça envoie du bois. C’est Bohort leur négociateur ?

Quel devrait être la réaction de Lockheed-Martin ? De toutes manières les Canadiens ont déjà commencé à payer la première tranche de F-35A donc l’avionneur américain n’est pas tout à fait perdant. Il pourrait jouer l’accalmie et accepter que le gouvernement Carney ne perde pas trop la face. D’autant qu’il a sans doute d’autres avions et quelques hélicos Sikorsky à leur vendre dans les années à venir.

Affaire à suivre

Photo © US Air Force