Au moment où l’Europe s’enfonçait dans la guerre et que l’Union soviétique observait avec inquiétude l’expansion allemande, le bureau d’études Mikoyan-Gurevich entreprenait ses premiers pas dans l’aviation de chasse avec un projet ambitieux destiné à révolutionner l’interception à haute altitude. En 1939, Artem Mikoyan et Mikhail Gurevitch, deux ingénieurs prometteurs du secteur aéronautique soviétique, recevaient l’autorisation de développer un chasseur monoplace optimisé pour les combats en altitude, marquant ainsi les débuts d’une collaboration qui allait devenir légendaire dans l’histoire de l’aviation militaire mondiale.
Le programme d’armement soviétique de l’époque réclamait un intercepteur capable de neutraliser les bombardiers ennemis à des altitudes supérieures à 5000 mètres, domaine où les chasseurs existants comme le Polikarpov I-16 montraient leurs limites. Les spécifications techniques exigeaient une vitesse maximale de 650 km/h à 7000 mètres d’altitude, un plafond opérationnel de 12000 mètres et un temps de montée à 5000 mètres inférieur à six minutes. Le prototype I-200, qui deviendrait le MiG-1, était conçu autour du puissant moteur Mikulin AM-35A développant 1350 chevaux, une motorisation exceptionnellement performante pour l’époque mais dont la masse et l’encombrement allaient conditionner l’ensemble de la conception.
La cellule du MiG-1 adoptait une architecture mixte particulièrement innovante pour l’époque, combinant une construction métallique pour la section centrale de l’aile et la partie avant du fuselage, tandis que les surfaces arrière et les empennages étaient réalisés en bois et contreplaqué. Cette approche permettait de réduire significativement le poids structural tout en conservant la rigidité nécessaire aux évolutions à haute vitesse. L’aile basse à profil laminaire, d’une envergure de 10,20 mètres, était optimisée pour les performances en altitude, tandis que le fuselage effilé et la verrière fermée témoignaient d’une recherche aérodynamique poussée. Le train d’atterrissage rétractable et les surfaces de contrôle métalliques complétaient une configuration résolument moderne.
Le vol inaugural du prototype eut lieu en avril 1940 aux mains du pilote d’essais Arkady Ekatov, révélant immédiatement des performances exceptionnelles en altitude mais aussi des caractéristiques de vol problématiques. Les essais démontrèrent une vitesse maximale de 628 km/h à 7000 mètres et un plafond pratique de 12000 mètres, performances remarquables qui masquaient cependant des défauts rédhibitoires. La maniabilité s’avérait catastrophique, particulièrement aux vitesses de combat, tandis que la stabilité longitudinale posait des problèmes constants. L’armement se limitait à deux mitrailleuses ShKAS de 7,62 mm et une mitrailleuse Berezin UBS de 12,7 mm, configuration insuffisante face aux bombardiers lourdement blindés de l’époque.
Malgré ces défauts évidents, l’urgence de la situation géopolitique poussa les autorités soviétiques à ordonner la production en série du MiG-1 dès la fin de l’année 1940. Les premiers appareils de série entrèrent en service opérationnel au début de 1941, équipant les régiments de chasse de la VVS déployés sur la frontière occidentale. Les pilotes découvrirent rapidement les limites de leur nouvel appareil : optimisé pour les combats à haute altitude, le MiG-1 se révélait inadapté aux réalités tactiques du front est, où les engagements se déroulaient généralement entre 1000 et 4000 mètres. À ces altitudes, les chasseurs allemands Messerschmitt Bf 109 dominaient largement, exploitant sans pitié les faiblesses du chasseur soviétique.
L’expérience opérationnelle des premiers mois de l’opération Barbarossa révéla cruellement les insuffisances du MiG-1. Les pertes s’accumulèrent rapidement, les pilotes se plaignant de l’instabilité de l’appareil en combat tournoyant et de l’armement dérisoire face aux bombardiers Heinkel He 111 et Junkers Ju 88. La vitesse ascensionnelle remarquable et les performances en altitude ne compensaient pas les défauts fondamentaux de maniabilité et d’armement. Les rapports de combat soulignaient également les problèmes de fiabilité du moteur AM-35A, particulièrement sensible aux conditions opérationnelles difficiles du front.
Face à ces constats alarmants, le bureau Mikoyan-Gurevitch entreprit dès l’été 1941 une refonte complète de l’appareil, donnant naissance au MiG-3. Cette nouvelle version conservait la motorisation AM-35A mais intégrait des modifications substantielles destinées à améliorer les qualités de vol et l’armement. Le poste de pilotage était désormais entièrement fermé avec une verrière coulissante améliorée, offrant une meilleure protection et une visibilité optimisée. Les surfaces de contrôle furent redessinées pour améliorer la maniabilité, tandis que la structure de l’aile recevait des renforts destinés à supporter des charges de combat plus élevées.
La motorisation du MiG-3 bénéficiait d’améliorations notables avec l’adoption du moteur AM-35A développant 1350 chevaux en régime continu et jusqu’à 1400 chevaux en régime de combat. Cette puissance accrue permettait d’atteindre une vitesse maximale de 640 km/h à 7800 mètres, performance remarquable qui plaçait le MiG-3 parmi les chasseurs les plus rapides de son époque. L’autonomie était portée à 857 kilomètres avec les réservoirs internes, permettant des missions d’interception de longue durée. Le plafond pratique atteignait 12000 mètres, confirmant la vocation haute altitude de l’appareil.
L’armement du MiG-3 recevait des améliorations significatives avec le montage de deux mitrailleuses synchronisées ShKAS de 7,62 mm dans le capot moteur et d’une mitrailleuse lourde Berezin UBS de 12,7 mm tirant à travers le moyeu de l’hélice. Cette configuration, bien qu’encore modeste, offrait une puissance de feu supérieure au MiG-1. Certains appareils recevaient des pods d’ailes permettant le montage de deux mitrailleuses ShKAS supplémentaires, portant l’armement total à six armes, configuration qui améliorait sensiblement l’efficacité au combat mais au détriment des performances.
La production du MiG-3 débuta à l’automne 1941 dans des conditions particulièrement difficiles, les bombardements allemands perturbant régulièrement les chaînes d’assemblage. Les usines moscovites produisirent néanmoins les premiers appareils de série avant la fin de l’année, tandis que l’évacuation des installations vers l’Oural permettait de maintenir un rythme de production minimal. Les pilotes découvrirent un appareil sensiblement amélioré par rapport au MiG-1, mais qui conservait les défauts fondamentaux liés à l’optimisation haute altitude. La maniabilité restait problématique aux altitudes de combat tactique, limitant drastiquement l’efficacité opérationnelle.
L’entrée en service opérationnel du MiG-3 coïncida avec les offensives allemandes de l’hiver 1941-1942, période où les chasseurs soviétiques étaient cruellement nécessaires pour défendre Moscou et Leningrad. Les régiments équipés de MiG-3 furent déployés prioritairement dans la défense aérienne des grandes villes, mission pour laquelle l’appareil montrait quelques aptitudes grâce à ses performances en altitude. Cependant, les combats au-dessus du front révélaient quotidiennement l’inadéquation entre les qualités de l’appareil et les réalités tactiques. Les pilotes allemands évitaient systématiquement les combats en altitude, préférant attirer les MiG-3 vers des altitudes plus basses où leurs Messerschmitt Bf 109F dominaient largement.
Durant cette période critique, les MiG-3 furent également expérimentés dans des missions d’attaque au sol, rôle pour lequel ils n’avaient jamais été conçus. L’installation de roquettes RS-82 sous les ailes permettait d’engager les formations blindées allemandes, mais l’efficacité restait limitée. L’appareil manquait de blindage et de robustesse pour survivre aux missions à basse altitude, tandis que l’armement demeurait insuffisant pour infliger des dommages significatifs aux véhicules blindés. Ces expérimentations coûteuses en hommes et en matériel démontrèrent définitivement l’inadaptation du MiG-3 aux missions autres que l’interception haute altitude.
La concurrence pour les moteurs Mikulin AM-35A avec le programme Ilyushin Il-2 Sturmovik constitua un élément décisif dans le destin des chasseurs MiG. À partir de 1943, la priorité absolue accordée à la production du célèbre avion d’attaque au sol priva les MiG-3 de leur motorisation, rendant impossible la poursuite de la production. Cette situation contraignit définitivement le bureau Mikoyan-Gurevitch à abandonner ses premiers chasseurs, malgré les tentatives d’adaptation d’autres motorisations moins performantes. Les derniers MiG-3 sortirent des chaînes de production au début de 1942, totalisant environ 3422 exemplaires pour l’ensemble des variantes MiG-1 et MiG-3.
Le retrait progressif des MiG-1 et MiG-3 du service de première ligne débuta dès 1942, les unités de chasse recevant prioritairement les nouveaux Yakovlev Yak-3 et Lavochkin La-5, appareils mieux adaptés aux conditions de combat sur le front est. Les MiG-3 survivants furent progressivement relégués vers des missions secondaires : reconnaissance tactique, entraînement avancé et défense de points stratégiques éloignés du front principal. Certains appareils continuèrent à servir dans ces rôles jusqu’en 1944, mais leur contribution opérationnelle demeura marginale comparée aux autres chasseurs soviétiques de l’époque.
L’héritage des premiers chasseurs MiG dépassa largement leur contribution opérationnelle immédiate. L’expérience technique acquise sur ces cellules haute performance, particulièrement dans le domaine de l’aérodynamique et de la construction mixte, s’avéra déterminante pour les développements futurs. Les leçons tirées des défauts de maniabilité et d’armement du MiG-1 et du MiG-3 influencèrent profondément les conceptions ultérieures du bureau Mikoyan-Gurevitch. Cette expérience formatrice permit aux ingénieurs soviétiques de maîtriser les technologies nécessaires au développement des futurs chasseurs à réaction, domaine où MiG allait connaître ses plus grands succès et terroriser l’aviation occidentale durant les décennies suivantes de la guerre froide.
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