Bien entendu pour le plus grand nombre, et notamment les béotiens en matière d’aéronautique l’avion vedette de la guerre du Golfe fut le Lockheed F-117A Nighthawk. La propagande et la surmédiatisation faites autour du chasseur furtif américain furent telle qu’elles éclipsèrent durablement nombre d’autres avions d’armes engagés dans cette guerre aérienne. Ce fut notamment le cas des McDonnell Douglas F-4G Phantom II, la version de lutte contre les défenses anti-aériennes ennemies connue alors sous le surnom de Wild Weasel, c’est à dire la « belette sauvage ».
En même temps qui pouvait alors s’intéresser à l’action de ces gros biréacteurs de combat archiconnus du grand public puisque présent dans l’arsenal américain depuis la guerre du Vietnam ? Sauf que dans le Golfe les F-4G Phantom II avaient une mission bien particulière : débusquer et neutraliser les radars de défense aérienne et les batteries de missiles sol-air du régime irakien afin d’ouvrir un corridor aérien sécurisé pour les avions d’attaque et les bombardiers. En effet, les avions furtifs ne représentaient qu’une part infime de l’armada aérienne internationale, la plus importante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En ce début d’année 1991 l’armée irakienne, au sens le plus large du terme, était la septième puissance militaire mondiale avec plus d’un million de combattants et entre 800 et 1000 avions de combat de facture britannique, française, et surtout soviétique. Mais surtout ce qui inquiétait les forces coalisées, c’était bien le système anti-aérien irakien fourni par Moscou et Paris depuis une dizaine d’années. Il fallait donc frapper fort ces systèmes, et seuls les Wild Weasel semblaient aptes à cela.
Lorsque le 17 janvier 1991 l’ultimatum de la communauté internationale expira, chacun savait que la guerre allait débuter. L’opération Bouclier du Désert laissait la place à Tempête du Désert. Mais au fait pourquoi en était-on arrivé à vouloir engagé le combat contre une telle puissance régionale ? Pour cela il fallait remonter cinq mois et demi plus tôt, lorsque début 1990 les armées irakiennes envahirent la petite monarchie du Koweït, un des principaux producteurs mondiaux de pétrole et donc un des états les plus riches de la planète. Le dictateur Saddam Hussein ne comptait pas uniquement mettre la main sur cette manne financière mais également prendre possession de l’important débouché maritime koweïtien. Le 29 novembre 1990 le conseil de sécurité de l’ONU adopta la résolution 678 relative à une injonction visant au départ des troupes irakiennes avant le 15 janvier 1991 au soir, sous peine d’y être contraint par la force.
En fait depuis l’invasion du Koweït les Américains, et leurs principaux alliés, avaient fait de l’Arabie-Saoudite et des monarchies du Golfe le plus important site de déploiement militaire depuis le 6 juin 1944. Des dizaines de milliers de soldats appuyés par des centaines d’avions de combat et de soutien opérationnel se rassemblaient, prêts à franchir la frontière avec l’Irak.
À 1 heure du matin, ce 17 janvier 1991, les très discrets Lockheed F-117A prirent les airs afin de frapper les points névralgiques du régime baasiste tandis que les missiles de croisière BGM-109 Tomahawk étaient tirés depuis plusieurs navires de l’US Navy croisant dans le Golfe.
Mais surtout dans le même temps une soixantaine de McDonnell Douglas F-4G Phantom II quittaient leur base saoudienne. Chaque avion emportait deux missiles antiradars AGM-88 HARM (pour High-speed Anti-Radiation Missile) capables de frapper à peu près n’importe quel radar et/ou batterie de défense anti-aérienne.
En fait avant même que les Wild Weasel n’entrent dans l’espace aérien irakien, les généraux reclus à Bagdad connaissaient leur arrivée. Ou tout du moins ils le croyaient. En fait l’état-major américain décida de leurrer les radars irakiens au moyen de trente-huit drones cibles Northrop BQM-74E Chukar III appartenant à l’US Navy et lancés aussi bien depuis des bases terrestres saoudiennes que depuis des avions porteurs quadriturbopropulseurs Lockheed DC-130A. De par leur signature ces drones firent croire aux Irakiens à une attaque massive contre le système de défense aérienne.
Immédiatement les radars se mirent en alerte et s’illuminèrent, se révélant ainsi aux équipages des McDonnell Douglas F-4G de l’US Air Force. Guidés par deux Boeing E-3A Sentry ceux-ci n’avaient plus qu’à ouvrir le feu. À 3 heure 05, soit à peine plus de deux heures après l’entrée au-dessus de l’Irak des biréacteurs le corridor était ouvert, permettant aux avions non furtifs de venir frapper les principales cibles militaires mais aussi certains ouvrages d’art irakiens. Trente-deux des trente-huit BQM-74E avaient été abattu par la DCA irakienne mais c’était là le rôle de ces avions sans pilote.
De leurs côtés les équipages de Wild Weasel n’enregistrèrent aucune perte, bien que trois avions rentrèrent avec plusieurs impacts de calibre 23mm, certainement du fait de canons anti-aériens soviétiques quadritubes ZSU-23/4 très répandus dans ce pays.
Au petit matin du 17 janvier 1991 la voie était ouverte, la guerre du Golfe pouvait commencer, et avait déjà commencé. Avions et hélicoptères américains, britanniques, français, saoudiens, et autres avaient pénétrés le territoire irakien et s’apprêtaient à réduire en miettes cette armée tant redoutée. Pour autant la mission des Phantom II tueurs de radars n’était pas terminée, mais ça c’est une autre histoire.
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