Le plan d’achat du Dassault Aviation Rafale est-il en danger en Inde ?

C’est l’aboutissement d’une chasse aux sorcière orchestrée en Inde depuis plusieurs mois contre l’avion français. Le contrôleur et vérificateur général de New Delhi, équivalent indien de notre cours des comptes, vient de rendre un rapport très attendu autour de l’achat en 2016 des trente-six avions de combat Dassault Aviation Rafale par l’Indian Air Force. Il pointe des irrégularités entre les déclarations du gouvernement indien et la réalité dans le financement de ce programme. Ce qui a évidemment poussé une partie de l’opposition, soutenue par des intérêts étrangers, à demander l’annulation de ce contrat.

En fait on savait depuis mi-2018 que le contrôleur et vérificateur général de New Delhi enquêtait sur les conditions exactes d’obtention par Dassault Aviation du contrat visant à la fourniture de trente-six avions de combat Rafale pour les besoins indiens. Le rapport en question pointe avant tout des différences notables entre les ristournes annoncées sur le prix théorique (ou catalogue si vous préférez) de l’avion et celles appliquées dans la réalité actuelle. Lors de la signature du contrat en 2016 le gouvernement indien avait indiqué des remises d’environ 9 à 9.05% du prix effectif d’un Rafale par avion. Il s’agissait alors de justifier auprès de l’opposition indienne mais aussi des autres constructeurs en lice l’achat sur étagère de ces chasseurs omnirôles. La réalité des faits semblent montrer qu’en fait l’économie par avion ne dépasserait pas 2.6% ! Une différence suffisamment notable pour que certains députés d’opposition réclament en Inde l’annulation pure et simple du contrat.

Sauf qu’avec la très récente vague d’accidents et de crashs au sein de l’Indian Air Force cette requête a peu de chance d’aboutir. L’opinion publique indienne pousse même le gouvernement à trouver des solutions d’urgence pour remédier à ce fléau. Les médias locaux y vont aussi de leurs articles tous plus critiques les uns que les autres.

Mais donc ce rapport financier souligne aussi que les négociations menées à l’époque par Dassault Aviation et le ministère français de la défense ne présentaient aucune irrégularité. Une manière pour le contrôleur et vérificateur général de New Delhi de clouer le bec aux lobbyistes aéronautiques pro-américains et surtout pro-russes qui tentaient de salir la France dans cette affaire. Non clairement c’est bien le premier ministre Modi et son gouvernement qui sont ici sur la sellette.

En fait comment justifier une telle différence entre 9 à 9.05% et 2.6% de réduction ? L’écart est tellement énorme qu’il interroge forcément. En fait assez simplement, surtout si on connait un tant soit peu le très long feuilleton du Rafale en Inde. La remise de 9 à 9.05% était celle proposée initialement à l’Inde par les négociateurs français mais pas dans le cadre de l’achat des trente-six avions. Il s’agissait de la ristourne prévue pour le programme avortée MMRCA. Pour mémoire il prévoyait l’achat de cent vingt-six Rafale.
Pour le plan d’achat de 2016 ceux-ci avaient proposé des ristournes entre 2.5 et 2.8%, ce qui semble cohérent avec ces 2.6%.

Mais alors qui donc a fait l’erreur de confondre les deux programmes ? D’après le contrôleur et vérificateur général de New Delhi toujours pas les parties françaises, Dassault Aviation et le ministère de la défense ayant joué jusqu’au bout le jeu (très hexagonal) de la transparence.
Il ne reste donc que l’Indian Air Force, le gouvernement Modi, et l’avionneur HAL en charge de la sous-traitance de plusieurs points dans le contrat. Ce dernier semble aussi finalement à écarter. Les économistes indiens montrent surtout du doigt le gouvernement et les militaires. Ces derniers férocement favorables au Rafale avaient tout intérêt à le voir vite arriver en unité tandis que le gouvernement Modi y jouait une partition autour de son crédit sur la scène internationale.
Y a t-il eu entente entre les deux parties en question ? Peu de chances, mais ce serait plutôt la conjugaison des deux intérêts finalement très politiciens qui auraient amené à des déclarations erronées (voire mensongères) de la part du gouvernement indien et de l’état-major de l’Indian Air Force. Reste à savoir jusqu’où il y a erreur et à partir de quand il y a intention de dissimulation de la part des deux parties en question.

Pour autant le rapport du contrôleur et vérificateur général de New Delhi estime que l’accord signé en 2016 est moins favorable à HAL que celui initialement prévu dans le cadre du programme MMRCA. Ce qu’en fait beaucoup de médias aéronautiques avaient souligné à l’époque. Là encore c’est bien la communication des militaires et des politiques indiens qui est mis à l’index.

Du coup on pourrait vraiment finir par ce demander si ce n’est pas un problème de communication qui pourrait mettre en danger le programme Rafale en Inde ? Là-bas comme chez nous le temps est à la transparence, y compris dans les toujours très opaques marchés d’armement. En fait cette affaire pourrait bien devenir un cas d’école pour les années et décennies à venir. Seul l’avenir nous le dira.

Il faut souligner qu’en Inde le contrôleur et vérificateur général de New Delhi est un organisme publique considéré comme «indépendant» du pouvoir politique. Mais en Inde comme en Europe cette indépendance est très relative, on s’en doute.

Photo © Armée de l’Air.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

4 Responses

  1. L’Inde est le champion mondial du pot-de-vin, rien ne s’y fat sans un petit billet sous la table et ils réussissent à avoir une administration plus lourde que la française. Donc on peut supposer que l’opposition n’ayant pas eu son billet, elle cherche a faire capoter l’affaire.

  2. Qui des américains et des russes a le plus d’intérêt à voir capoter l’achat des Rafales indiens ?

  3. Bonjour Arnaud,
    Quand vous dites: » mettre en danger… », pensez vous a une possible annulation du contrat pour les 36 exemplaires commandés ou au contraire pour les évolutions de futurs contrats ?
    En tout état de cause, il est vraiment compliqué de travailler avec les Indiens.
    Merci.

    1. À vrai dire dans ce dossier tout est possible mais le danger est plutôt à chercher dans les futurs contrats, et notamment celui de 110 avions de combat que les militaires indiens voudraient voir tourner à l’avantage du Rafale.

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