La Russie a perdu 800 avions de combat en 20 ans !

C’est un chiffre énorme même pour le plus grand pays de la planète. L’évolution globale de l’aviation militaire russe a conduit celle-ci à disposer actuellement d’environ 1200 avions combat contre un peu plus de 2000 il y a vingt ans. Une courbe similaire a été constatée au sujet des hélicoptères d’attaque et d’appui qui sont passés durant la même période de 700 à 400 exemplaires. Est-ce pour autant réellement négatif une telle hécatombe dans les stocks d’aéronefs de combat en Russie ?

Quand l’Union Soviétique s’effondra en 1990-1991 son aviation était pléthorique, notamment en matière d’aéronefs de combat. Les années qui suivirent cette mort virent plusieurs chasseurs et chasseurs-bombardiers historiques quitter précipitamment le service actif. Plus pour des raisons de mauvaise santé économique et financière du pays que par choix tactique. Do svidaniya donc aux derniers Mikoyan-Gurevitch MiG-19, Sukhoi Su-15, et autres Yakovlev Yak-28. Il fallait au plus vite ramener les dépenses de défense à un niveau acceptable. La Russie ex-soviétique était en effet en état de banqueroute. Et elle le demeura durant toutes les années 1990.

En 2000 l’aviation russe ressemblait pourtant encore beaucoup à feue sa grande sœur soviétique. Les vieux avions de combat étaient toujours très présents, à l’image par exemple des Mikoyan-Gurevitch MiG-21, MiG-23, MiG-25 ou encore Sukhoi Su-17. Ces modèles en voie d’obsolescence représentaient encore le gros de la chasse et de l’appui tactique. Il fallait au plus vite mettre un coup de pied dans la fourmilière. Pourtant la volonté politique n’existait pas, à Moscou on laissa faire, se contentant d’envoyer en stockage les vieux avions qui ne pouvaient plus voler. Dans un souci de garder une forme de puissance de façade issu de la guerre froide la Russie pensait encore pouvoir impressionner ses adversaires. En fait ces derniers riaient plus souvent d’elle qu’ils ne tremblaient devant sa supposée puissance.
Ainsi entre janvier 2006 et juin 2008 environ cinq cents avions de combat furent stockés, majoritairement des MiG-23, MiG-27, et Su-17. En parallèle le MiG-21 tenait toujours bon, étant encore considéré comme un bon chasseur par des généraux tous issus de l’ère soviétique et incapables de se remettre en question.

Un chasseur hérité de l’ère soviétique ? Oui sans aucun doute…

L’électrochoc vînt en août 2008 lors de la guerre en Ossétie du Sud. Venues appuyer les forces séparatistes de cette province les unités russes durent affronter les forces géorgiennes. Ce qui sur le papier n’aurait dû durer que quelques heures se solda par un conflit de deux semaines durant lequel l’aviation russe se montra incapable d’appuyer correctement ses troupes au sol. Pis encore la petite chasse géorgienne réussissait à disputer la maîtrise du ciel aux avions de supériorité aérienne déployés par Moscou. Finalement ce conflit se termina comme il débuta : dans une totale impréparation pour la Russie.
Désormais le pouvoir politique allait prendre les choses en main.

Fini les avions d’ancienne génération désormais le Kremlin ne voulait plus que des avions conçus dans les années 1980. Aux vues du peu d’appareils de combat concernées il fallut ramener le curseur aux années 1970. Désormais les Mikoyan MiG-29, MiG-31, Sukhoi Su-24, Su-25, et Su-27 allaient représenter le gros de la chasse russe. Les dérivés de ce dernier chasseur étaient bien entendu eux-aussi concernés. Dans le même temps le duo autocratique Medvedev-Poutine annonçait le développement d’un chasseur furtif de supériorité aérienne capable de tenir la dragée haute aux avions alors en dotation dans l’US Air Force.

Aujourd’hui encore le Mikoyan MiG-31 demeure un des chasseurs russes les plus craints.

L’aventure en Ossétie du Sud avait également démontré la fragilité du système de projection russe de forces aéroportées au sol. En gros, dans le jargon post-soviétique, il s’agissait des hélicoptères de combat et d’appui tactique. Les plus vieux des Mil Mi-8 et Mi-24 allaient être revendus ou envoyé à la casse laissant la place à des Mi-17, Mi-35, et Ka-52 jugés bien plus modernes.
La période 2008-2020 a donc été bien plus florissante pour les ferrailleurs russes que celle de 2000-2008 ou même celle des années 1990.

Kamov Ka-52 et Mil Mi-28, les nouveaux visages de l’appui tactique rapproché en Russie.

Pourtant cela ne concernait que l’aviation de combat terrestre. Un pan entier de la chasse russe reste à moderniser : l’aéronavale. Et là ce n’est plus la même chose car les amiraux russes sont arc-boutés contre toute forme de réforme. Qu’ils veuillent conserver leurs chasseurs embarqués Mikoyan MiG-29K et Sukhoi Su-33 se comprend parfaitement. Par contre qu’ils refusent de voir disparaitre leurs chasseurs terrestres MiG-31, Su-27, et autres Su-30 dont la place serait plutôt dans les forces aériennes est incompréhensible. En fait il s’agit là encore de prérogatives issues de l’ère soviétique.
En fait le seul avion que les amiraux russes ont accepté de rayer de leur arsenal était le petit chasseur embarqué Yakovlev Yak-38, au tout début des années 1990. Cet avion ne fut jamais particulièrement apprécié des Soviétiques qui le jugeait inutile. L’abandon dans la foulée de l’ambitieux programme Yak-141 confirme à quel point leur erreur fut colossale. La jeune Russie tournait le dos au décollage vertical.

Mille cent avions de combat et hélicoptères d’appui ont donc disparu de l’arsenal russe entre 2000 et 2020. Et au final celui-ci ne s’en porte pas plus mal. Environ trois cent cinquante appareils ont été profondément modernisés, dont la moitié sont des MiG-31. Et surtout les Su-30 et Su-35 permettent désormais à la Russie de revenir dans la cours des grands, en attendant le Su-57 bien sûr. Entre l’ère soviétique et aujourd’hui une chose par contre a changé : certains jets d’entraînement, les Yakovlev Yak-130 en fait, sont considérés directement comme des avions de combat par l’état-major moscovite. Ça n’aurait jamais été concevable du temps de l’URSS.

Le Sukhoi Su-34 est sans doute en 2021 un des meilleurs avions de pénétration au monde.

Alors oui pour la première fois de son histoire la Russie dispose d’une aviation de combat à taille humaine, mais surtout d’une aviation bien moins déliquescente qu’elle ne l’était il y a 20 ans. Rendez-vous en 2040 pour voir si elle aura beaucoup changé…

Photos © ministère russe de la défense.

 

 


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

10 Responses

  1. Soit environ 40% de moins en 20 ans. C’est presque pire en France. En 2000 la France possédait dans les 450 avions de chasse, marine nationale incluse. Aujourd’hui, toujours marine incluse c’est 240. En 20 ans la seule chose qui a changé c’est qu’une centaine de Rafales ont remplacés plus de 200 Jaguar, Mirage IV, Mirage F1, Super Etendard, 2000 N et trois quart des 2000 B/C. Rendez-vous compte entre 2012 et 2020 l’armée de l’air n’a été livrée que de 30 Rafales.

    1. @Dimitri : Ce type de calcul n’est pas pertinent. Il faut mettre en perceptive la disponibilité de chaque appareil.

      En schématisant (j’ai bien dit schématisant !), il est possible qu’UN Rafale soit aussi disponible que DEUX Mirage 2000 ou TROIS jaguar. Aussi, la comparaison de un pour un est biaisée. On peut faire le même exercice avec des avions encore plus anciens : Mirage III vs Mirage 2000, Super Mystère B2 vs Mirage III, etc.

  2. @Dimitri :

    Ne pas oublier non plus que le Rafale remplace à lui seul sept types d’appareils, alors, forcément, et qu’un Rafale est estimé valoir, au plan militaire, trois Mirage 2000, alors, forcément, ça entraîne une réduction du nombre d’avions.

    1. Je n’aime pas trop ce genre de comparaison. Certe le Rafale est un avion omnirole capable de remplacer ces différents avions et tout comme vous j’ai lu qu’un seul Rafale pouvait remplacer 3 mirage 2000 (même si ça me paraît exagéré) mais la différence c’est qu’un Rafale ne pourra être qu’à un seul endroit et pas trois endroits à la fois. Sans parler de la disponibilité. Si on en tiens à votre raisonnement je préfère avoir 300 mirages avec 60 % de dispo que 100 rafales avec toujours 60% de dispo. Ça me fera 180 mirages apte a voler contre 60 rafales.

  3. Bonjour,
    Il y a longtemps ce forum était un site sur l’aviation uniquement.
    Et non pas un site à visée (à peine cachée ) géo-politique.
    Dommage.

    1. Bonjour, pour info vous n’êtes pas du tout sur un forum Jack mais sur un site aéronautique ouvrant ses articles à des commentaires. La nuance est énorme. Un forum nous en avons deux : la page officielle sur Facebook et le groupe officiel du site également sur Facebook.
      Cordialement.

  4. Je ne suis pas sûr que ce resserrement autour d’appareils plus récents soit nocif. Bien au contraire car le taux de disponibilité d’une telle aviation est très supérieur et les pertes pour obsolescence inférieures. Par ailleurs, les chiffres de l’US Air Force doivent être assez semblables, tout comme la Navy qui a réduit le nombre de ses porte-avions.

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