Pourquoi la « No Fly Zone » fait t-elle peur à tout le monde ?

C’est l’arme diplomatique et militaire ultime avant l’engagement de troupes. Depuis quelques jours les médias des pays alliés font état d’une possibilité de mise en place d’une aire dite « No Fly Zone » par l’alliance Atlantique au-dessus de l’Ukraine. Bien que demandée avec insistance par le président ukrainien Volodymyr Zelensky elle est pour l’instant toujours rejetée par l’OTAN, au grand soulagement sans nul doute de Moscou. Nous allons vous expliquer en quoi cela consiste et en quoi il s’agirait d’une ultime escalade vers une guerre beaucoup plus large.

Actuellement cette guerre est encore circonscrite à l’Ukraine. D’ailleurs elle ne concerne encore directement que ce pays, la Russie, et le vassal de celle-ci la Biélorussie. L’OTAN veille à contenir l’expansionnisme du dictateur Vladimir Poutine en ayant resserré les missions dites de réassurance aux états baltes, à la Pologne, et à la Roumanie. Des pays comme l’Allemagne, les États-Unis, la France, ou encore la Grande Bretagne y ont déployés troupes terrestres et aéronefs. Cela permet de protéger ces pays de la menace russe et donc de contenir la guerre à l’intérieur de l’Ukraine, pays rappelons-le non membre de l’OTAN ou de l’UE.

Sauf que sur le champ de bataille l’héroïque et vaillante résistance de l’armée et du peuple ukrainien a ses limites. Ce sont celles d’une armée russe dotée de lourds moyens d’artillerie et de blindés appuyée d’une aviation n’hésitant plus à bombarder des objectifs civils. Des frappes tuant et blessant lourdement des innocents qui ont fini par pousser le président ukrainien Volodymyr Zelensky à demander à l’OTAN une intervention bien particulière : la « No Fly Zone« . Une manière pour lui aussi de faire son deuil de voir les Alliés intervenir directement pour protéger son pays contre l’invasion russe.

L’anglicisme « No Fly Zone » se traduit dans la langue de Beaumarchais et de Molière par une « zone d’exclusion aérienne ». Pour être clair Zelensky demande à l’OTAN de reprendre le contrôle de son espace aérien et de le fermer à toute activité aérienne, en dehors des aéronefs autorisés par l’alliance Atlantique. Ceux-ci seraient alors les chasseurs de supériorité aérienne chargés de faire respecter l’interdiction ainsi que les avions et hélicoptères missionnés pour des vols à caractère humanitaire.

En cas de mise en place d’une « No Fly Zone » au-dessus de l’Ukraine les Rafale F3-R de l’Armée de l’Air et de l’Espace pourraient représenter un argument de poids face à l’aviation russe.

Sur le papier c’est relativement aisé à réaliser l’OTAN l’a déjà fait, notamment en 1999 au Kosovo contre l’aviation serbe. Sauf que Poutine n’est ni un dictateur comme les autres ni un adversaire comme les autres : il possède l’arme atomique ! Et surtout il a déjà menacé les Alliés de l’engager en cas de nécessité. Pour permettre à l’alliance Atlantique de mener une telle interdiction d’espace aérien aux aéronefs militaires russes il faudrait d’abord convaincre Vladimir Poutine que ses menaces de feu nucléaire n’auraient aucun effet sur la détermination internationale. Et là c’est déjà pas gagné !
En gros il faudrait que le maître du Kremlin ait conscience que son pays est totalement cerné par des sous-marins américains, britanniques, et français. Ce sont là les seuls aptes en cas de besoin ultime d’engager une frappe stratégique à l’aide de missiles balistiques à têtes nucléaires. Ça fait beaucoup de conditionnel pour une simple zone d’exclusion aérienne.

Surtout légalement l’OTAN ne peut pas intervenir militairement dans un pays non membre sans un mandat officiel de l’ONU. Et là ça se complique encore plus. Pour mémoire si les États-Unis, la France, et le Royaume-Uni sont bien membres du conseil permanent de sécurité c’est aussi le cas de la Chine et de la Russie. Cette dernière a droit de véto et n’hésitera pas à s’en servir afin d’empêcher toute action onusienne contraignante à son égard. C’est logique. En outre on imagine mal la Chine voter en faveur d’une telle résolution. Elle préférera sans doute s’abstenir, à défaut de s’y opposer. Elle doit ménager la chèvre et le chou, la Russie et les Alliés.

À n’en pas douter l’OTAN saura s’appuyer sur la Royal Air Force et ses chasseurs multi-rôles F-35A Lightning II et Typhoon FGR.4.

Faisons un peu de science-fiction et imaginons trente secondes que l’ONU réussit à contraindre la Russie et à mandater l’OTAN pour fermer l’espace aérien ukrainien. On verrait alors des avions de chasse américains, britanniques, espagnols, français, ou encore italiens devoir engager le combat et descendre des Sukhoi Su-25 Frogfoot ou Su-35 Flanker-E russes en toute légalité. On ne serait alors vraiment pas loin du casus belli.
Aussi horrible que soit la question il faut la poser : le jeu en vaut t-il la chandelle ?

On l’aura compris l’idée du président Volodymyr Zelensky de vouloir nettoyer le ciel ukrainien des avions russes par une « No Fly Zone » gérée par l’OTAN est à priori excellente. Sauf qu’en face Vladimir Poutine est un dictateur imprévisible avec le doigt sur le bouton rouge. Et ça, ça change absolument tout.
Tout le monde a donc tout à perdre à une escalade qui nous mènerait à une guerre face à une puissance nucléaire dont le dirigeant inquiète beaucoup.

Photos © Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

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ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

17 réponses

  1. excellent résumé. On est dans la m….. jusqu’ au cou; Le seul point positif, c est qu on a jamais vu les pays européens bouger aussi vite en matière de défense depuis plus de 20 ans . Cela sera t’ il suffisant ? that’ s the question.

  2. A la vue du dernier vote de l’assemblée générale de l’ONU, l’obtention d’un vote de cette dernière n’est pas impossible. La mise en œuvre est en effet plus délicate et ne devrait pas être le fait d’uniquement de l’OTAN.
    Et là le problème est encore plus complexe.
    Comment intégrer (rapidement) des pays d’Amérique du sud ou d’Asie sur le sol européen pour que la « force de l’ONU » soit vraiment internationale voire mondiale?

    1. la force de l’ONU va rien faire, c une armée fantome. elle ne peut engager des armées ennemies, doit attendre d’etre sous le feu de l’ennemi pour répliquer, bref, le seule truc bien, c sondevoir humanitaire, sinon, elle sert a rien. et defendre des positions, c’est bien beau, mais ca va pas dissuader les ennemis, (par ex les cartels mexicains) de les attaquer, puisque les casque bleu peuvent répliquer seulement si ils se font tirer dessus.

  3. Il ne faut pas se voiler la face; la lâcheté des « grands » pays de l’OTAN ne fait que retarder l’inévitable.
    Lorsque l’armée russe aura écrasé l’Ukraine sous un déluge de bombes et de missiles, elle se retournera contre la Moldavie puis la Georgie pour parachever l’occupation de ces pays.
    Puis viendra le tour des Pays Baltes, membres de l’UE et de l’OTAN et il sera alors bien trop tard pour déclarer que nous ne savions pas !!
    Poutine n’a rien à envier aux pires dictateurs des XXème et XXI siècles et surtout, après avoir rongé son frein pendant plus de vingt ans et s’être largement préparé depuis 2014, il ne va plus s’arrêter…

  4. Pour imposer une « No Fly Zone », il faudrait également détruire les systèmes anti-aériens russes afin d’assurer la sécurité des chasseurs de l’Otan, l’escalade serait irréversible.

    1. Mais clairement. C’est une opération bien plus complexe que « seulement » de la chasse à l’aéronef adverse.

      Sans parler du cout matériel et humain pour nos propres armées de l’air. Je ne suis pas sur que nos populations soient intellectuellement prêtes au fait de perdre des dizaines d’aéronefs, alors que nous ne sommes pas directement attaqué. Meme si c’est évidemment négligeable et indécent en rapport au drame humain des ukrainiens

  5. C est très bien dit. La dernière solutions c est de retourner la politique que souhaite mettre Poutine contre lui. Je m explique. Pour détruire l armée de l’air ukrainienne. Il a mis en place un sytème de frappe balistique et de bulle avec un système air sol. La nécessité de prendre l aéroport de Gostomel était fait pour ça. Une tête de pont. Équiper des soldats en missile anti aérien et anti char, politique de la terre brûler. Également un point important, les avions russe ne sont pas réputés pour leur autonomie. Cibler des Avions ravitailleur aujourd’hui ´ est pas bien compliqué surtt quand on se vente d avoir la maîtrise du ciel. Ça fait vulgairement de grande boucle. Le close air support n a pas que des avantages surtt aujourd’hui avec des missile tir et oublie. La Russie ne peut pas contrôler l Ukraine. Les afghans en 1980 avaient aujourd’hui ce qu on appellerait des pics et des fourches au regard du bon technologique. Cvest un bourbier qui s’annonce et les russes le savent

  6. L’OTAN est une alliance défensive.
    Et défensive, c’est un mot qui change tout. Ça veut dire concrètement qu’elle ne peut agir que lorsqu’un de ses membres est attaqué. L’Ukraine n’est pas membre..
    Dans les autres cas de figures, il faut l’aval de l’ONU, comme stipulé dans l’article, et une zone d’exclusion ne sera soutenue que par trois des cinq membres du conseil de sécurité.
    Ça, c’est posé.
    Maintenant, il y a d’autres moyens d’imposer indirectement une zone d »exclusion, en fournissant à l’Ukraine les moyens anti-aérien de défendre son espace aérien et de se le réapproprier, de le réinvestir à l’aide de drones de type TB2 (pour de l’ISR et des frappes sur le 2ème échelon russe). C’est pas l’idéal, mais ça peut faire mal à l’adversaire (et les pertes le démontrent déjà).

  7. Si l’Irak possédait la bombe atomique en 1991, peut-être que la guerre du golfe n’aurait jamais eu lieu et le Koweït serait définitivement la 19 eme province irakienne.

  8. autre solution médiatisée depuis quelques jours (à vrai dire, d’abord par Josep Borell, avant sans doute d’être reprise à son compte par les Etats-Unis qui semblent impulser) :

     » 21:00

    La Pologne « prête » à remettre ses avions de chasse Mig-29 aux Etats-Unis

    La Pologne s’est dite prête mardi soir à remettre tous ses avions Mig-29 à la disposition des Etats-Unis et de les déplacer sur la base de Ramstein en Allemagne. « Les autorités de la République de Pologne, après des consultations du président et du gouvernement, sont prêtes à déplacer sans délai et gratuitement tous ses avions Mig-29 sur la base de Ramstein et de les mettre à la disposition du gouvernement des Etats-Unis », a annoncé le ministère des affaires étrangères polonais dans un communiqué. »

    Source: Live Le Monde. Affaire compliquée d’un point de vue logistique (pénétrer et atteindre le territoire ukrainien pour l’usage final), mais à suivre.

  9. Premièrement je pense que dans toute cette affaire intra européenne, le plus grand perdant c’est d’abord et avant tout l’Europe avec grand E. Historiquement et factuellement, le président russe a toujours alerté sur cette conséquence que vivent actuellement les Ukrainiens. Ensuite, l’Europe de l’Union Européenne est un marché que les Etats Unis ont toujours dominé et cela par les moyens. Donc si l’Europe coupe ses liens (énergétique en plus) avec la Russie, elle tombera automatiquement dans les bras de la grande Amérique, le pays gagnant de cette crise.
    Bref, je vois la nécessité de vous rappeler (puisque certains tendent à l’oublier) que la Russie c’est pas n’importe quel pays manipulable à souhait.

    1. Dernier avertissement monsieur Haido si vous persistez dans les commentaires n’ayant rien à voir avec l’aéronautique vous serez désormais systématiquement modéré. Vous ne pourrez pas dire que je ne vous aurais pas prévenu.
      Cordialement.

  10. Bonjour,

    Juste une remarque à propos de l’ONU.
    Il n’y a légalement aucun besoin pour l’OTAN de mandat de l’ONU pour créer une No Fly Zone au dessus de l’Ukraine puisqu’il s’agit d’un état reconnu par l’ONU qui le demande pour son propre espace aérien.
    Soit dit en passant la Russie qui a envahit l’Ukraine, bombarde ses villes, provoque la mort l’exode des populations civiles serait mal placée pour donner des leçons de droit international.

    En revanche au regard de la menace nucléaire potentielle ce serait un coup de poker géopolitique très risqué bien-entendu.
    Sans imaginer l’arme nucléaire stratégique que ferions nous si Poutine utilisait alors une arme nucléaire tactique sur une base aérienne de l’OTAN ou sur une ville d’un pays membre non doté de l’arme nucléaire ?

  11. La No Fly Zone c’est vraiment la meilleure solution pour empêcher Poutine de massacrer les civils ukrainiens. Dommage que l’ONU n’ait pas les tripes de mandater l’OTAN. Poutine n’est pas un pitbull c’est un caniche, son arsenal nucléaire restera bien sagement dans les silos. Il aboie mais ne mord pas.

  12. Merci pour ce très bon article Arnaud, qui résume tout.
    Nous sommes dans une impasse totale et Poutine le savait très bien.
    Il savait qu’il avait carte blanche pour attaquer l’Ukraine. Qu’il ne risquait pas grand chose, sauf des sanctions économiques .

    Nous, Européens, nous nous sommes réveillés trop tard.
    Quand nous dépendons des autres pour nos énergies fossiles et les matières premières précieuses, nous sommes à leur mercie.

    Celui qui a le gaz et le pétrole, et la 2eme armée du monde, peut faire le malin.

    Au risque de me répéter, nous Européens, payons aujourd’hui les fameux bénéfices de la paix. 25 ans de sous équipements de nos défenses européennes, on a cru que tout le monde, il est beau, tout le monde est gentil.

    Voilà le résultat, bien que la France et la Grande Bretagne, soient a peu près les seuls, a avoir garder les yeux ouverts.

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