Sans fermer la porte au SCAF l’Allemagne sélectionne le F-35A Lightning II.

Le choix du Bundeswehr ne surprend personne par son pragmatisme. En l’absence d’un avion de 5e génération de facture européenne la Luftwaffe a décidé d’acquérir trente-cinq chasseurs Lockheed-Martin F-35A Lightning II. Cette décision intervient quelques jours seulement après que Berlin ait annoncé sa volonté d’augmenter très significativement son budget de la défense. En parallèle le chancelier allemand joue à l’équilibriste avec ses partenaires européens autour du programme SCAF.

Les trois dizaines et demi de chasseurs furtifs de facture américaine auront la lourde tâche d’assurer le remplacement des actuels avions d’attaque à géométrie variable Panavia Tornado IDS passablement dépassés. Initialement cette succession était prévue pour 2030 mais aux vues des évènements en cours entre l’Ukraine et la Russie, et avec un Vladimir Poutine toujours aussi imprévisible, le chancelier Olaf Scholz a choisi d’accélérer la cadence. C’est pourquoi le Bundeswehr a annoncé cette commande alors même que le contrat n’a pas encore été signé avec Lockheed-Martin.
Il s’agit sans doute aussi d’un signal envoyé à Moscou : Allemands et Américains sont sur une ligne de défense conjointe.

Depuis une vingtaine d’heures que le contrat a été dévoilé on entend ci et là des haters assez bas de plafond, souvent francophones, hurler à la trahison, et réclamer que la France quitte immédiatement l’OTAN et l’Union Européenne afin de protester contre ce contrat de défense. Les analystes aéronautiques de comptoir estiment que Berlin a franchi la ligne rouge en achetant pour la première fois de son histoire des chasseurs américains (donc les North American F-86 Sabre et les Lockheed F-104 Starfighter n’étaient pas américains, c’est toujours bon à savoir !!!) plutôt qu’européens.

Bien sûr ils sont à côté de la plaque. Car oui l’Allemagne de 2022 commande trente-cinq F-35A Lightning II à Lockheed-Martin en remplacement des Tornados IDS. Mais dans le même temps elle passe aussi une commande de quinze nouveaux avions à Airbus Defense & Space. Il s’agit d’une sous-version spéciale du Typhoon Tranche 4 destinée à remplacer les Tornado ECR de reconnaissance et de guerre électronique.
Pour Olaf Scholz c’est aussi une manière de rassurer ses partenaires espagnols et français.

Car en filigrane de l’achat de ces F-35A Lightning II se pose la question de l’avenir du programme SCAF piloté conjointement (enfin en théorie) par Airbus DS et Dassault Aviation. Sauf que depuis quasiment le début du programme l’avionneur français ne joue pas vraiment la carte de l’unité, craignant des fuites de données technologiques, ses secrets de fabrication. Comme si Airbus DS avait vraiment besoin de ça, sachant que l’avionneur produit le Typhoon ! Or justement le chancelier Scholz a bien confirmé que pour lui le SCAF était essentiel à l’avenir de l’Europe de défense, un avenir avec l’Allemagne aux côtés de la France et de l’Espagne.

En fait se dessine une Luftwaffe qui à terme volera sur Lightning II et sur SCAF, deux chasseurs furtifs. Dans le plus pur style du pragmatisme social-démocrate allemand le Bundeswehr poursuit son petit bonhomme de chemin dans la modernisation de ses moyens aériens.

Photo © Lockheed-Martin

PARTAGER
ARTICLE ÉDITÉ PAR
Arnaud
Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
articles sur les mêmes thématiques
Commentaires

22 réponses

  1. Le problème n’est pas que l’Allemagne achète des F35, choix somme toute logique pour remplacer les Tornado, mais plutôt du manque de clarté quant à leur engagement dans le programme SCAF. Le chancelier à beau dire que ce programme est essentiel le son de cloche au Bundestag est moins clair.

    Il va bien falloir de la part des autorités politiques des engagements définitifs et une claire répartition des tâches en matière de maîtrise d’œuvre et de partage industriel.

    1. Surtout qu’en ce début d’année les allemands ont exigé d’avoir la maitrise sur les commandes de vol électriques alors que les ingénieurs de Dassault font parti des meilleurs mondiaux dans ce domaine et que les anglais ont du venir à la rescousse des allemands sur l’Eurofighter lors de la conception de ce dernier.
      Arnaud vous avancez que Dassault ne joue pas l’unité mais il faut voir aussi que du coté d’Airbus DS, ils sont dans une démarche de conquête de maitrise industrielle et cela est clairement décrit dans un rapport du Bundestag de l’année dernière.
      Hier on apprenait également que pour le Main Ground Combat System [MGCS], le programme franco-allemand de char de combat, cela ne se passe pas très bien aussi.

      1. Donc VoltaireFr nous explique qu’un tank et un avion furtif sont similaires ? Wahou va falloir penser à publier.

        1. Non, il fait juste un parallèle avec le MGCS, pour illustrer son argumentation sur le SCAF, neanmoins il faudrait augmenter le budget de la defense française

      2. Si j’ai bien compris le point de vue allemand, c’est plutôt le fait qu’ils considèrent que Dassault devraient faire partie d’Airbus, et qu’à terme ils n’y couperont pas. Ils semblent considérer que tout projet commun devrait être entièrement chapeauté par Airbus.

  2. Bonjour Arnaud.
    Votre analyse m’apparait partisane quant à l’acquisition par l’Allemagne de chasseurs type F 86 et F04 en des temps où la France devait partager ses marchés exports (vous n’étiez pas né certainement et les contraintes export étaient plutôt rudes quant à la présentation dégradée que nos pilotes devaient fournir en ces temps, face aux chasseurs ou intercepteurs US)..
    Pour revenir à votre propos quant à la frilosité de notre avionneur multiple fois récompensé sur les marchés export (que vive longtemps le concept RAFALE), je prône que les intérêts industriels nationaux ne doivent n’être partagés qu’au travers de partenariats stricts et préservant, les acquis industriels et de recherche de chacun, sujet sur lesquels nous semblons avoir une certaine avance (pour l’avoir testé en d’autres temps et autre contexte guerrier proche orientaux).
    Rien ne dit que l’Allemagne volera sur SCAF (en fait rien n’est moins sûr) car budgétairement et malgré les effets d’annonce, le budget alloué à ce programme est mort né).. Une trahison commerciale de plus n’est malheureusement pas surprenante.
    Merci pour vos articles toujours enrichissant et pertinents car permettant le débat, Merci pour vos fâcheries récurrentes avec l’infinitif (je sais que cela vous agace mais c’est mon côté taquin…).

    Continuez,, la vérité est toujours ailleurs d’où nous la pensons être.
    Un ancien CP des FAS, du 3/5 (Et oui, il y a longtemps)

  3. Le Scaf est effectivement en très mauvaise posture. Nous n’avons plus d’intérêt commun avec l’Allemagne depuis cette annonce. À tout moment nous pourrions avoir de nouvelles exigences maximalistes de l’Allemagne au cours du programme, comme cela s’est produit déjà 4 fois depuis le lancement de celui-ci. L’Allemagne disposant d’un plan B saura nous le faire payer.
    Pour qu’il y ait une chance de faire ce programme et préserver nos intérêts, nous pourrions le faire seul et collaborer avec les allemands sur des éléments qu’ils pourraient ajouter à cette plateforme (guerre électronique, leurs tractés, missiles spécifiques, bombes conventionnelles, etc…). Autre piste: que les allemands développent des drones qui nous intéressent, ou des avions dédiés à la lutte anti-missiles (avions légers + optronique).
    Dernière option: faire de notre côté un avion de combat léger pour ne pas dépendre outre mesure du Scaf et retrouver de la masse.
    En l’état, nous sommes dans une impasse totale avec l’Allemagne. Le manque de coopération et les exigences maximaliste dont ils font preuve ainsi que les blocages à l’exportation sont autant de raison de mettre un terme à cet aventurisme industriel.

  4. Cela s’explique par le choix américain de retirer le F/A-18E/F Super-Hornet comme vecteur de la bombe thermonucléaire B61 au profit du F-35A.

    Pour résumer, le F-35A écarte donc le F/A-18E/F Super-Hornet et remplace le Tornado IDS et le Eurofighter ECR/SEAD au détriment du EA-18G Growler en remplacement du Tornado ECR.

    1. Je trouve qu’il est plus pertinent de remplacer un Tornado IDS par un F35 qu’un F16. Le F35 est taillé pour la pénétration.
      Le gros perdant ici ce n’est pas Airbus DS ni Dassault mais bien Boeing ! Le F/A-18E/F SH ne gagne plus.

  5. Je ne comprends pas pourquoi les allemands n’achètent pas du rafale. Ils n’aiment pas les français ? Ils veulent surtout pas participer à la réussite de l’industrie française ? Ils ne croient pas en l’Europe ? Ils sont soumis aux Américains ? Et pourtant ils veulent bien s’associer avec Dassault pour concevoir leur futur avions ?!
    Ou c’est moi qui suis victime de ma haine des allemands malgré moi ?
    Pourtant mes 5 dernières voitures sont allemandes, mon électroménager est allemands, j’ai des origines allemandes…
    Non vraiment, je suis sûr d’avoir les réponses à mes questions et je ne suis pas haineux mais juste factuel. Comme je dis à mon fils ne soit pas trop gentil car on va toujours profiter de toi à ton détriment. Simple règle de bon sens.

    1. Le Rafale ne peut emporter la bombe nucléaire americaine sauf peut-être à faire de très coûteuses adaptations pas rentables pour quelques appareils. Et à condition que Dassault et la France le veuillent ce qui n’a rien de sûr.

  6. La décision de l’Allemagne m’amène quelques remarques:

    Il est facile quand on a un excèdent budgétaire de réagir rapidement, au contraire de la France qui n’a toujours pas commandé chez Dassault la totalité des avions que l’on a vendu d’occasion.
    Au sein des forces aériennes, le concept de l’avion unique couteau suisse à la française n’est pas repris dans le reste du monde. Il est donc normal de remplacer des avions de pénétration en profondeur par des avions de pénétration en profondeur.
    Les allemands ayant à délivrer l’arme nucléaire américaine (si besoin) ne pouvaient pas opter pour un futur avion européen dont les contours ne sont pas encore défini et qui n’aurait cette capacité que dans ……..et peut être jamais.
    L’Allemagne cherche à retrouver une industrie d’avion militaire comme il l’on connu avec Dornier, Junker, Messerschmitt, Heinkel etc, ce qui de leur point de vue est logique.

  7. Les Allemands ne nous détestent pas. Ils privilégient leur industrie.
    En France quand un industriel fait cela comme Dassault, on leur tombe dessus et on leur fait des procès d’intention.
    N’en déplaise à certains Airbus Defense représente les intérêts allemands et espagnols mais surtout allemands, et s’ils n’ont pas besoin des secrets industriels de Dassault on se demande bien pourquoi ils insistent aussi lourdement pour avoir accès à leur Background, c’est à dire pas ce qui est développé dans le cadre du programme mais toutes les connaissances passées de Dassault qui ont permis d’y parvenir. Bref un transfert total de compétences.
    Airbus est dans une stratégie agressive dans ce programme et Dassault y a mis le holà.

    Le sujet du F35 est comme d’autres l’ont dit que les Allemands vont en permanence en jouer pour dire « vous nous donnez satisfaction sinon on passe une autre commande chez LM ». Donc cela va être très compliqué.
    Si l’on rajoute la règle du 1/3 pour chaque pays alors que l’Espagne ne passera jamais autant de commandes que la France. Et si l’on rajoute les interdictions d’export à la main du Bundestag.
    Voilà tout le tableau.
    Donc la commande de F35 va être l’occasion pour la partie française d’obtenir plus de choses. Chacun défend ses intérêts. C’est normal.
    Et à la fin si on n’est pas d’accord, et bien tant pis.

  8. Ils doivent surtout remplacer le Tornadospour assurer les missions nucléaires. Seul le F35 le peut aujourd’hui. Sinon ils auraient pu choisir un autre avion.

  9. Comme l’a dit Dimitri, le F35 était la seule possibilité pour l’Allemagne s’ils veulent continuer à emporter la bombe thermonucléaire Américaine. Ils auraient préféré des super hornet dans ce rôle mais les Américains ont décidé d’abandonner l’intégration de la bombe sur cet avion.
    Pour ceux qui voulaient qu’ils achètent des Rafales, c’est n’importe quoi: d’une part l’Eurofighter s’il semble moins bon reste dans la même catégorie et en se qui concerne l’emport nucléaire, l’ASMP-A n’est pas exportable.

    1. Honnêtement personne n’a cru une seule seconde aux chances du Rafale auprès du Bundeswehr. Seuls les médias grands publics en ont parlé.

    2. Sauf que le F-15 aurait aussi bien fait l’affaire puis qu’il est aussi homologué pour la bombe B61-12… De plus avec un rayon d’action d’environ 1.000 km pour le F-35A (près de 2.000 pour le F-15) c’est à peine si il pourra survoler la frontière russe à partir de la base de Büchel en Allemagne où sont stationné les bombes… Comme les ravitailleurs ne sont pas encore furtif on voit mal comment ces F-35 représentent une si grande menace pour la Russie.

      1. Donc vous nous apprenez que le F-15EX Eagle II est validé sur la bombe B61-12. C’est gentil de le préciser alors à Boeing car même l’avionneur l’ignore.

        1. Bah non. Ou alors apprenez à lire Tomi !
          Votre (excellent) lien parle de F-15E Strike Eagle, un avion qui n’est plus en production donc impossible d’être proposé à l’export à l’Allemagne ! C’est dingue ça que les gens comme vous soient à ce point capables d’approximations afin d’avoir raison. Surtout qu’au final Tomi vous avez tort.
          Seul le F-15EX Eagle II est actuellement proposé à la vente, et lui n’est pas capable (pas encore) d’emporter la B61-12.
          Cordialement.

        2. Le propos du dénommé Tomi a été désormais modéré pour trolling.
          Navré pour la gêne occasionné par la lecture de sa prose.

Sondage

"Si la France devait mettre une des personnalités aéronautiques suivantes au Panthéon, laquelle vous semblerait la plus logique ?

Voir les résultats

Chargement ... Chargement ...
Dernier appareil publié

VEF I-16

Pour bien des pays européens l’entre-deux-guerres fut synonyme d’essor de l’industrie aéronautique. Il s’agissait de pays espérant emboiter le pas à la France, à l’Italie,

Lire la suite...